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Traitement de l'information politique dans un médias de service public. Cas du quotidien "la nation".


par SàƒÂªmàƒÂ¨vo O. Bonaventure AGBON
Université d'Abomey-Calavi (Bénin) - Licence professionnelle en sciences de l'information et de la communication,option Journalisme 2017
  

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2- Les facteurs externes

Cette fois-ci, il s'agit des facteurs externes dont l'existence démotive (parfois) les journalistes de « La Nation » ou les empêche de prendre le risque de s'aventurier dans ces genres.

A la question, « Avez-vous été dérangé au moins une fois à cause de papiers politiques ? », le tableau 12 présente la statistique des réponses :

Tableau 12 : Journalistes dérangés

Réponses

Effectif

Pourcentage

Journalistes dérangés au moins une fois (menaces, demande d'explication, appel, etc.)

04

50

Journalistes n'ayant jamais été persécutés

02

25

Total

06

75

Source : enquête de terrain, 2016

Ce tableau montre que 50% de journalistes ont été « dérangés » au moins une fois en raison d'articles jugés défavorables contre 25% n'ayant pas été persécutés. Ce « dérangement » comprends les menaces (intimidations), des demandes d'explication de la part du ministre de tutelle ou du DG sur ordre du même ministre, des appels, etc. Le SR, Maurille Gnassounou confie par exemple que des politiciens, par personnes interposées, demandent des faveurs : que leur activité couverte soit annoncée en manchette, ou à la Une.

Même si le Pr Mama Aguè, Secrétaire général de la HAAC fait une lecture différente de la situation, il ne remet pas en cause l'évidence desdites persécutions. Selon lui, « manque de courage et de responsabilité expliquent le comportement des journalistes de La Nation». Il trouve qu'ils, les journalistes, peuvent évoquer la clause de conscience et « demander à sortir du journal ».

Mémoire soutenu par Sêmèvo O. Bonaventure AGBON / ENSTIC-UAC

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? L'assimilation à un média gouvernemental. C'est la folie des gouvernants qui souhaitent toujours voir les contenus de « La Nation » favorables à leurs actions. Ce qui génère plusieurs dégâts : demande d'explication, censure et autocensure dû aux liens hiérarchiques. C'est pourquoi les journalistes souhaitent « choisir » le DP.

A la question « Auriez-vous préféré choisir vos dirigeants ? », les statisques du « oui » et du « non » se présentent ainsi dans le tableau 13.

Tableau 13 : Journalistes optant pour le choix du DP

Réponses

Statistiques

Pourcentage

Journalistes optant pour le choix du DP

04

50

Journalistes pour qui la nomination du DP ne gêne pas

02

25

Total

06

75

Source : Résultat du dépouillement, 2016

D'après le tableau 13, 50% des journalistes interrogés souhaitent choisir le DP, contre 25% d'avis contraire. L'encadré 6 donne les raisons de ce souhait, raisons mentionnées par les journalistes enquêtés eux-mêmes.

Encadré 6 :

1-« Compte tenu de leur engagement apolitique, de leur sens de responsabilité pour des articles de fond » ;

2- « Ainsi, ils ne seront pas tentés de plaire aux autorités qui les ont nommés ; pour avoir toute l'autonomie requise » ;

3- « Cela faciliterait les échanges et davantage la collaboration pour le travail » ;

4- « Nous sommes liés au patron du journal dont le lien avec ceux qui l'ont nommé est là. Le DP ne peut accepter des papiers qui touchent/écorchent le gouvernement par exemple. Souvent, les articles sont censurés : on enlève des parties importantes pour le rédacteur mais jugées défavorables ».

5- « Il y a des pressions qui s'exercent discrètement. Les responsables pensent à l'autorité dans tout ce qu'ils font, car la loi permet à ce dernier de les suspendre, même s'ils ont bien fait. Dans ce cas, c'est le ministre de tutelle même qui définit ce qu'il appelle « faute grave ». Il y a aussi que le DP peut avoir peur qu'on ne renouvelle pas son mandat ».

Ces témoignages insinuent que le DP est vu un peu comme le représentant du gouvernement près le journal. Les journalistes pensent que la liberté d'expression est restreinte dans un média de service public. Ils souhaitent alors que le DP soit choisi par le personnel et que cela va remédier les penchants au renouvellement de leur mandat et les éventuelles suspensions arbitraires. C'est aussi la position de Wagner (2015)47 pour qui « Les MSP devraient être organisés sous la forme d'institutions indépendantes ». En tant que telle,

47 Wagner, M., et al. Principes de gouvernance pour les médias de service public, Legal focus, UER, Paris, 2015

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ils doivent bénéficier « d'une personnalité juridique propre et ne doivent pas faire partie d'autres institutions de l'État, et plus particulièrement du gouvernement ». Au Bénin, ils sont placés sous la tutelle du Ministère de la communication. Or le ministre lui-même émarge du gouvernement.

? La haine des critiques (même objectives et constructives). Selon W. L. Houngbédji, qui a particulièrement subi l'intolérance du pouvoir politique (sous Boni Yayi) vis-à-vis des critiques, « rien n'interdit formellement aux journalistes des organes officiels de critiquer, commenter ou d'apprécier l'action des dirigeants. Il ne faut pas passer sa vie à applaudir ce que font les pouvoirs ». D'ailleurs, dit-il : « Dans les écoles de formation en journalisme, il n'y a pas une filière presse privée et une autre presse publique. Mais ça ne plait pas toujours au pouvoir qui considère toujours « La Nation » comme un journal gouvernemental ». C'est ainsi que convoqué par le ministre de la Communication Venance Gnigla en août 2006 pour un commentaire relatif au limogeage de la ministre Colette Houéto, il s'entendra déclarer par un collaborateur du chef de l'Etat : « Si vous écrivez ça, vous encouragez la presse privée à faire plus ». Et plus tard, pour un article critiquant la décision du chef de l'Etat de déclarer chômée et payée la journée du 27 décembre 2007, en vue d'offrir un concert au peuple : « Comment le chien peut mordre la main du maître qui lui donne à manger ? », précisément parce que ce collaborateur pensait que les journalistes de « La Nation » émargeaient au budget national.

Abondant dans le même sens, Maurille Gnassounou cite un article ayant posé problème, « Jeudi 27 décembre, journée continue : Une décision inopportune ! » (28 déc. 2007). Il raconte :

Nous avons appris, un jeudi après-midi, que le président Boni Yayi a déclaré chomée et payée la journée du jeudi 27 décembre 2007 à cause d'un concert, alors que les gens étaient déjà au travail depuis le matin. Houngbédji rédige un article à propos et, lorsque le président en prit connaissance, il en était furieux. La décision qui s'en est suivie est qu'on ne voulait plus voir ce journaliste signer des articles dans « La Nation ».

Le journaliste fut mis « au garage » et est allé se reposer au Service Commercial de l'ONIP pendant plus d'un an. L'intéressé lui-même a en mémoire plusieurs de ses articles mal digérés tel que : « Colete Houéto : victime du changement ou d'intrigues politiciennes ». Ce qui lui a valu de comparaître devant le ministre, révèle-t-il. Ainsi, le nom de W. L. Houngbédji apparaissant dans l'Ours du journal comme SR a disparu, pour la première fois, le mercredi 23 janvier 2008, soit le n°4414 du journal. L'équipe de confection du journal est dès lors réduite à trois noms : la DP R. Azifan, le Red chef H. Akponikpé et, par acrobatie, on

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retrouve le SRA, V. Sovidé sans le SR. La situation reste telle jusqu'au n°4417 (lundi 28 janvier 2008) dans laquelle le poste de SR fut enfin attribué à B. Sewadé.

Si « La Nation » s'est engagée si tant à l'époque, c'est grâce à Assévi Akouété alors DP. Pour lui, « pas de sujet tabou, l'important était le professionnalisme avec lequel les sujets sont traités », rapporte Houngbédji. Il poursuit qu'avec la DP Reine Azifan aussi, les journalistes étaient davantage encouragés à produire des papiers de fond. C'est ainsi que l'engagement a pris corps pour certains et s'est renforcé pour d'autres. Malheureusement, fait-il observer, « les persécutions sous Boni Yayi ont fini par diluer la détermination des uns et des autres. Ils ont pris peur, après mon expérience du garage, de subir le même sort», note-t-il.

? Les changements de DP. Plusieurs journalistes reconnaissent que les changements de DP influent sur le contenu et la manière de traiter les sujets politiques. Chaque DP vient avec sa détermination, conviction et sensibilité. Si les journaux du temps de A. Assévi ou de R. Azifan détiennent plus de commentaires, d'analyses voie de critiques, enquêtes, etc. celui de E. Couao-Zotti diffèrent. Les éditoriaux et « Contre-poing » par exemple ne paraissent que de rares fois à des occasions spécifiques comme : le drame de Charlie Hebdo (en France) avec « Lumière brisée » et le 25è anniversaire du quotidien « La Nation », 4 mai 2015.

? Le poids de l'autocensure. Ces témoignages confirment le constat de Frère (2000) qui est donc toujours d'actualité :

« La Nation » resta souvent paralysée par les vieilles habitudes d'autocensure et ne put échapper à l'influence de ceux qui orchestraient le renouveau démocratique béninois. En dépit de sa volonté d'être « un média de service public et pas un journal gouvernemental », « La Nation » ne put empêcher le retour de certaines pressions ministérielles sur l'organe, surtout après la période de transition48.

Ou encore : « [...] la menace qui plane est celle de l' « affectation » : les journalistes qui dérangent le pouvoir sont mutés dans des services qui constituent des voies de garage. »49 Toutefois, il faut souligner que la tendance a été plus criarde sous le régime dit du Changement. La conséquence, c'est que :

Pour avoir si souvent subi la loi d'airain de la censure, les journalistes Béninois savent qu'en face de leur idéal le plus cher qu'est la liberté d'expression se dresse un obstacle [...]. Dans le rang de la presse officielle (...), la sclérose, le poids de l'autocensure ont pris le pas sur

48 Frère, M-S., Presse et démocratie en Afrique francophone: les mots et les maux de la transition au Bénin et au Niger, Karthala Editions, Paris, 2000, 540 p

49 Ibidem

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Traitement de l'information politique dans un média de service public : cas du quotidien La Nation

le réflexe professionnel et le sens de l'initiative, alors même que l'exercice du journalisme se confondait assez souvent au militantisme (Frère, 2000)50.

Cependant, comme le pense Londres (1629), le rôle du journaliste n'est pas de plaire, non plus de faire du tort. « Il est de porter la plume dans la plaie ». Pour cela, les journalistes

doivent oser informer et oser dénoncer. Ils doivent se poser des questions et fournir des informations et analyses dépassant les déclarations et communiqués officiels qui, quoi qu'on dise, sont en faveur de leurs producteurs.

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"Entre deux mots il faut choisir le moindre"   Paul Valery