PARAGRAPHE 2. VERIFICATION DES HYPOTHESES ET
SUGGESTIONS
Il s'agit ici de s'assurer de la véracité des
hypothèses émises (1) au départ et de faire des
recommandations pour la résolution des problèmes relevés
(2).
1- Vérification des hypothèses
Deux hypothèses ont été émises au
départ qui correspondent aux objectifs spécifiques
? Hypothèse 1 (sur l'équitabilité)
A l'issue des résultats et analyses, deux niveaux de
lecture s'offrent sur l'hyputhèse 1. Le premier, c'est que « La
Nation » ne censure pas les opinions qui défavorisent même le
gouvernement en place. C'est-à-dire que l'information politique,
contrairement au temps de « Ehuzu », n'est plus servie en sens
unique. On retient que toutes les opinions sont représentées dans
le journal. C'est d'ailleurs ce que clamait son ancien DP, Maurice Chabi en mai
1990 :
« La presse privée est au service d'un courant de
pensée dont elle véhicule les messages et opinions politiques.
« La Nation » se veut le journal de tous les Béninois,
nonobstant leurs appartenances et sensibilités politiques. Son statut de
service public et son indépendace réelle en feront un journal
ouvert à tous et au dessus de tous».
Si «La Nation » n'était pas équitable,
soutient Mama Aguè, il aurait eu des contestations et critiques acerbes
comme à propos de l'ORTB/TV.
Au niveau de la représentativité, notamment en
période électorale, lorsqu'un présidentiable obtient 16
reportages et un autre 08 voire 02 reportages, il y a, en principe, un
déséquilibre à corriger. Mais puisque équité
n'est pas égalité, cela ne devrait pas indisposer. «
L'égalité signifie clairement que chaque parti ou candidat
reçoit le même accès. L'équité signifie que
tous ont un juste accès - le parti qui jouit du plus grand appui
populaire se voit
50 Frère, M-S., Presse et démocratie
en Afrique francophone: les mots et les maux de la transition au Bénin
et au Niger, Karthala Editions, Paris, 2000, 540 p.
Mémoire soutenu par Sêmèvo O.
Bonaventure AGBON / ENSTIC-UAC
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Mémoire soutenu par Sêmèvo O.
Bonaventure AGBON / ENSTIC-UAC
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Traitement de l'information politique dans un média de
service public : cas du quotidien La Nation
accorder plus de temps que les autres »51.
Autrement, selon la règle de l'équité, tous les partis
seront assurés de la possibilité de s'adresser à
l'électorat, et le temps accordé aux partis sera proportionnel
à l'appui populaire dont ils jouissent. Ainsi, l'électorat entend
les idées des principaux partis à l'élection; les autres
partis dont l'appui populaire est moindre pourront également s'exprimer,
mais à un moindre degré, poursuit l'ACE (2012)52.
Même si des écarts ne manquent pas à « La Nation
», ce n'est pas criard comme autrefois.
Il ressort que l'hypothèse 1 est
vérifiée.
? Hypothèse 2 (sur le contenu peu riche de « La
Nation »)
« La Nation » est certes riche en informations
politiques. Mais, contrairement à 1990 voire de 2006 à
début 2008, le factuel prend d'assaut le journal et les analyses,
enquêtes et critiques de l'action gouvernementale réculent. «
La Nation » se désintéresse de plus en plus des analyses,
investigations, et commentaires qui permettent de disséquer
l'actualité politique, l'action des gouvernements et des institutions.
Or en 1990, ces genres étaient tout aussi présents à
côté des reportages et comptes rendus comme pour signifier que
l'information rapportée a besoin d'être expliquée ou
commentée pour aider le public à bien la recevoir. Le rôle
des médias n'étant pas que d'informer mais aussi de surveiller
l'exercice du pouvoir et stimuler le débat public et d'éveiller
les consciences. (Unesco, 2009). Ainsi, sur des sujets et grands débats,
les lecteurs trouvent que « La Nation » ne satisfait pas leurs
besoins. Il y a par exemple l'affaire dite des machines agricoles,
gratuité de l'école, microcrédit, CEN-SAD,
opportunité de la suppression de la HCJ, programmes de
société des candidats, réformes politiques et
institutionnelles, mandat unique, destitution des maires, PPEA II, etc.
En période électorale, ç'aurait
été bien d'analyser le programme de société des
candidats afin de permettre aux citoyens de faire un choix responsable. C'est
dans ce sens que Nouwligbèto (2011) fait le constat suivant à
propos du traitement des sujets politiques en période électorale
:
Plus ou moins conscients des pressions qui pèsent sur
leur rédaction, des journalistes s'interdisent toute réflexion
critique et, de manière mécanique, évitent scrupuleusement
de rédiger des papiers qui peuvent « faire mal ». Cette
attitude se note aussi bien dans les privés, qui ont signé des
contrats de communication avec l'un ou l'autre des candidats en lice, que dans
les médias de service public.53
51 ACE,
www.aceproject.org_Medias_et_elections_2013 7 avril 2016, 13h 3
52 Ibidem
53 Friedrich Ebert Stiftung. Actes du dialogue
régional des instances de régulation et d'autorégulation
sur l'accompagnement des médias en période
électorale, Imprimerie COPEF, Cotonou, 2011
Traitement de l'information politique dans un
média de service public : cas du quotidien
La Nation
C'est vrai que «La Nation» fait des
suppléments spéciaux présidentiels qui offrent, comme
celui du mercredi 1er au jeudi 2 mars 2006, une « Radioscopie
des candidats ». Mais ces analyses portent beaucoup plus sur le profil des
présidentiables avec un coup d'oeil sur leur programme de
société.
Visiblement, il n'y a que W. Houngbédji qui ait fait de
ces genres son domaine de prédilection. La rubrique « Droit et
Devoirs » qu'il anime en est la preuve. Chaque parution offre souvent
l'analyse bien nourrie d'un sujet d'actualité. C'est ce qui a
certainement inspiré son collègue, Sabin Loumedjinon, à
écrire de lui : « (...) Willéandre (nom d'emprunt) tape sur
tout ce qui bouge et n'a pas une odeur de sainteté » (« La
Nation », 26 mai 2006).
Il ressort que les genres analyses, commentaires,
enquêtes, investigations et critiques sur la politique sont effectivement
rares dans « La Nation ». Les raisons sont, entre autres, le statut
de service public, la périodicité, la peur de la censure,
l'autocensure, le manque d'initiatives et d'audace. Toutefois, il ne faut pas
lire cette faiblesse dans tout le passé de « La Nation ». Elle
est plus liée à la période d'après avènement
de Boni Yayi au pouvoir. L'engagement des journalistes à aborder les
sujets contradictoires, à relever les forces et abus des
gouvernants/politiciens, amorcée vers la fin de règne du
président Kérékou, s'est quand même poursuivie
jusqu'en janvier 2008. Il faut donc mentionner que ce sont les agissements du
régime du Changement qui, redoutant les analyses surtout de W.
Houngbédji, l'a envoyé au garage en le faisant relever de son
poste de SR. Pire, en le sortant de la rédaction pour l'envoyer au
Service Commercial pendant un an et demi. Toute chose qui a dû contribuer
à émousser les ardeurs. C'est la raison majeure justifiant
l'attitude des journalistes à rester plus dans le factuel
désormais alors qu'ils dénonçaient autant qu'ils saluaient
les actions du pouvoir.
Il s'est avéré alors que le contenu de « La
Nation » peut être renforcé, vu les résultats de
l'analyse SWOT. « La Nation » dispose d'assez d'atouts pour traiter
efficacement l'actualité plitique nationale.
Concernant les forces, on retient la qualité de ses
journalistes ayant assez d'expériences pour un journal exemplaire, la
position de média de service public, la disponibilité de
matériel (roulant et imprimerie) pour se consacrer aux dossiers
d'enquêtes, d'investigations qui demandent beaucoup d'investissements ;
la tenue régulière et quotidienne des conférences de
rédaction est un atout pour discuter, échanger et retenir des
sujets intéressants, Surabondance des pages publicitaires. Quant aux
faiblesses, il s'agit entre du personnel plus ou moins vieillissant (proche de
la retraite), de surabondance des pages publicitaires, du contenu peu
Mémoire soutenu par Sêmèvo O.
Bonaventure AGBON / ENSTIC-UAC
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Traitement de l'information politique dans un média de
service public : cas du quotidien La Nation
diversifié à renforcer (peu d'enquêtes,
investigations, analyses, etc.), du statut de MSP (nomination du DP en Conseil
des Ministres).
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