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Hypothèse des déficits jumeaux. évaluation empirique appliquée au Cameroun.


par Jean NDI ZAMBO
Institut Sous-régional de Statistique et d'Economie Appliquée - Diplôme d'Ingénieur Statisticien économiste 2020
  

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2.1.2 Cadre empirique

Comme on a pu le constater, la théorie économique reste ambigüe dans l'explication du lien causal entre le déficit des finances publiques et celui du compte courant. Ces différentes approches théoriques souvent opposées constituent le point d'ancrage de l'importante littérature empirique qui continue d'être développée jusqu'à nos jours. En effet, de nombreuses études testent l'hypothèse des déficits jumeaux en recourant à différentes méthodes. Elles aboutissent à des résultats parfois divergents.

De façon générale, les résultats empiriques sur le lien de causalité entre le déficit budgétaire et le déficit extérieur sont mitigés Mouhamadou(2015). Au regard des études trouvées, quatre groupes de travaux se dégagent dans la littérature empirique :

· le premier type de travaux est celui qui corrobore l'hypothèse keynésienne (Hypothèse1). Ces travaux aboutissent au résultat selon lequel le lien de causalité entre le déficit budgétaire et le déficit courant va du premier vers le second (Vamvoukas, 1999; Endegnanew et all, 2012; Trachanas E. et al, 2013; Hutchuison et al., 1984; Bacham, 1992; Piersanti, 2000; Leachman et al., 2002);

· le deuxième groupe concerne les travaux qui mettent en exergue un lien causal allant du déficit extérieur vers celui des finances publiques (Hypotèse2) (Alkswani, 2000; Marashdeh H. et al. 2006; Marinheiro, 2007; Ardiyanto, 2010);

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· le troisième groupe de travaux établit un lien bidirectionnel entre les deux variables (Hypothèse 3) (Islam, 1998; Lau et al., 2004; Mukhtar et al., 2013);

· Le dernier groupe d'étude valide l'hypothèse d'équivalence ricardienne (Hypothèse4) (Ha-liciglu et al., 2013; Sobrino, 2013; Algieri B., 2013).

Les premiers travaux empiriques qui valident l'hypothèse de déficit jumeaux portent sur les Etats-Unis. Hutchison et Pigott (1984) présentent un modèle macroéconomique théorique qui met en relation le déficit budgétaire, le taux d'intérêt, le taux de change et le compte courant pour une économie ouverte en régime de change flexible. Leur modèle suggère que le déficit budgétaire tend à accroitre le taux d'intérêt domestique, ce qui pousse à la hausse le taux de change réel, conduisant en dernier ressort à la dégradation du compte courant. En appliquant ce modèle au cas américain, ils montrent que la politique de déficit budgétaire est la cause principale du déficit extérieur. De même, Bundt et Soloch (1988), en utilisant un modèle standard de portefeuille à deux pays, montrent que l'accroissement de la dette publique américaine est à l'origine de l'appréciation du dollar américain relativement au mark allemand et au dollar canadien sur la période 1973-1987. Selon Bundt et Soloch, cela met en exergue le lien entre déficit budgétaire et le déficit commercial dont le canal de transmission est le taux de change. En outre, les travaux d'Abell (1990) et de Rosenweig et Tallman (1993) montrent qu'il y a un lien fort entre le déficit commercial et le déficit budgétaire américains.

Cependant, Feldstein (1992) montre qu'il n'y a pas de lien entre le déficit budgétaire et le déficit commercial américain au cours des années 1980. Il affirme que le gap d'épargne qui conduit au déficit extérieur n'est pas dû à l'accroissement du déficit budgétaire mais plutôt à une forte baisse de l'épargne privée. Le déficit budgétaire tend à accroitre les taux d'intérêt réels et à évincer l'investissement privé et les exportations nettes. Cette idée a été, selon l'auteur, la principale explication du grand déficit du compte courant américain dans les années 1980. Selon l'auteur, l'effet adverse le plus important de ce faible taux d'épargne n'est pas sur le compte courant mais sur la croissance économique de long terme.

Dans le cadre des pays de l'OCDE, Piersanti (2000) s'appuie sur un modèle d'équilibre général qui intègre les anticipations sur les déficits budgétaires pour appréhender la relation entre les déficits budgétaire et extérieur. Ses résultats empiriques soutiennent fortement l'hypothèse

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des déficits jumeaux dans la plupart de ces pays sur la période 1970-1997. De ce fait, l'hypothèse des déficits jumeaux est valide quand les anticipations sur les déficits budgétaires sont prises en compte. Ce résultat semble contredire l'hypothèse d'équivalence ricardienne qui prétend que les anticipations des déficits budgétaires annihilent les effets de la politique budgétaire.

Dans les pays en développement, quelques études testent l'hypothèse des déficits jumeaux. Par exemple, Islam(1998) examine la relation causale entre les deux variables au Brésil sur la période 1973-1991. En utilisant les tests de causalité de Granger, il met en exergue une relation causale bidirectionnelle entre les deux déficits. De même, Khalid et Guan (1999) utilisent la technique de cointégration proposée par Johansen et Juselius (1990) pour examiner cette relation causale entre les deux soldes. Leur étude s'applique à cinq pays développés (USA, RU, France, Canada et Australie) et cinq pays en développement (Inde, Indonésie, Pakistan, Egypte et Mexique). Elle couvre la période allant de 1950 à 1994 pour le premier groupe et de 1955 à 1993 pour le second. Les résultats mettent en évidence une forte corrélation statistiquement significative entre les deux déficits à long terme dans les deux groupes de pays. De plus, ils montrent que la corrélation est plus forte dans les pays en développement que dans les pays développés. Quant au sens de causalité, les deux auteurs obtiennent des résultats ambigus. Par exemple, pour l'Inde, la relation est bidirectionnelle tandis que pour l'Indonésie et le Pakistan, la relation causale va du déficit extérieur vers le déficit budgétaire. Ils expliquent cette relation inverse par le fait que le déficit extérieur est financé par des emprunts extérieurs. Cela contribue à alourdir la dette de sorte que le poids élevé de la dette extérieure engendre un service de la dette important, toute chose qui creuse le déficit budgétaire. Aussi, Lau et Baharumshah (2004) examinent-ils la relation entre les deux soldes dans le cas de la Malaisie en utilisant le test de Wald modifié développé par Toda et Yamamoto (1995). Leur résultat empirique atteste l'existence de lien de causalité bidirectionnel entre le déficit budgétaire et le déficit du compte courant.

Pour le cas spécifique des pays de l'Afrique au Sud du Sahara (ASS), des travaux récents adressent la question. On peut citer par exemple l'étude d'Omoniyi et al. (2012) qui porte sur le Nigéria. Ces auteurs utilisent le test de causalité de Granger pour mettre en exergue un lien bidirectionnel entre les deux soldes. Il s'agit également de l'étude de Kwame (2013) dont les résultats valident l'hypothèse keynésienne des déficits jumeaux au Ghana.

L'étude de Mouhamadou DIARRA(2015) portant sur sept pays de l'UEMOA à savoir le Mali, la Côte d'Ivoire, le Sénégal, le Bénin, le Burkina, le Niger et le Togo. Ses résultats sur le test

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de causalité au sens de Granger montrent qu'il y a une causalité de long terme allant du déficit budgétaire vers le déficit du compte courant au Sénégal et au Togo, pour le Burkina et la Côte d'Ivoire, c'est plutôt le déficit courant qui cause le déficit budgétaire, au Bénin et au Mali les deux variables se causent mutuellement. Pour ce qui est du dernier pays, à Savoir le Niger, aucune des deux variables ne cause l'autre.

Par ailleurs, la crise des dettes souveraines que les économies industrialisées connaissent depuis 2008 suscite un regain d'intérêt pour le thème. Dans cette perspective, un ensemble d'études effectuées au sein du FMI, sur données de panel, confirment en général l'hypothèse des déficits jumeaux. De ces travaux, on peut citer Endegnanew et al (2012) qui, à travers un panel de 155 pays dont 42 petits pays, montrent qu'une amélioration du déficit budgétaire de 1 point de pourcentage se traduit par une amélioration du solde du compte courant de 0.4%. Il s'agit également des travaux empiriques d'Abbas et al. (2010) qui prouvent que l'amélioration du compte courant est 0.2 à 0.3% du PIB suite à une amélioration du solde budgétaire de 1%.

Cependant, lorsque Algieri (2013) réévalue la relation de long terme entre les deux variables dans les pays de l'UE les plus durement frappés par la crise de la dette (Espagne, Grèce, Irlande, Italie, et Portugal), ses résultats supportent l'hypothèse ricardienne. Cela l'amène à conclure que les programmes de consolidation budgétaires en cours dans ces pays n'auront pas d'impact significatif dans ces pays.

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