1.1.1. 3. Phages VPIFÖ, CTXFÖ et souches
pathogènes de V. cholerae
La capacité des souches de V. cholerae
à provoquer le choléra chez l'homme dépend de la
présence, dans leur génome de deux ensembles de gènes
appelés îlots de pathogénicité (Waldor ? Mekalanos,
1996 ).
Le premier, appelé toxin coregulated pilus(TCP),
contient les gènes responsables de la synthèse de facteurs
permettant la colonisation des muqueuses par V. cholerae (Faruque,
2003). Les gènes contenus dans TCP codent en particulier pour la
synthèse de filaments bactériens favorisant l'adhésion de
la bactérie aux cellules intestinales humaines (Karaolis, 1998).
Certains auteurs ont montré que cet îlot de
pathogénicité est en fait le génome d'un
bactériophage appelé VPIFÖ, qui se transmet d'un V.
cholerae à un autre (Waldor ? Mekalanos, 1996). Le deuxième
ensemble de gènes de virulence correspond lui aussi au génome
d'un bactériophage, appelé phage CTXFÖ. Ainsi, l'acquisition
des caractères
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pathogènes par V.cholerae serait le fruit de
l'attaque de la bactérie par des éléments viraux capables
d'y injecter leurs génomes (Waldor ? Mekalanos, 1996 ; Karaolis et
al, 1999).
Dans la plupart des cas, l'attaque d'une bactérie par
un bactériophage se traduit par la lyse de la bactérie. Le
génome du phage est en effet multiplié puis de nouveaux phages
sont formés grâce à l'équipement enzymatique de la
bactérie, jusqu'à entraîner la destruction de l'hôte
bactérien et la dispersion dans le milieu ambiant de milliers de copies
des bactériophages. Dans d'autres cas, un équilibre est
trouvé entre le phage et son hôte bactérien, et le
génome du phage est simplement incorporé dans celui de la
bactérie. La bactérie peut ainsi survivre tandis que le
génome du phage peut être reproduit chaque fois qu'elle se divise
(Didier, 2009).
Ce phénomène, qui aboutit à l'acquisition
par une bactérie du génome d'un phage et lui permet donc de
synthétiser les protéines codées par ce génome est
appelé lysogénie. Il est à l'origine de l'acquisition de
caractères pathogènes chez plusieurs bactéries et est
connu depuis assez longtemps en pathologie humaine. C'est le cas en particulier
de la scarlatine, une maladie infectieuse due à des Streptocoques
exprimant une toxine provenant de phages. C'est aussi grâce à la
lysogénie que certaines souches de V. cholerae échappent
à la destruction par les phages VPIFÖ et CTXFÖ et incorporent
les gènes dans leur génome, les gènes de ces phages qui
vont rendre la bactérie plus virulente pour l'homme.
L'action conjuguée de ces deux phages confère,
en effet, à V. cholerae un ensemble de caractères de
virulence, incluant des facteurs favorisant sa fixation sur la muqueuse
intestinale et une toxine provoquant les symptômes du choléra
(Didier, 2009).
Cependant, le cas du phage VPIFÖ et du phage CTXFÖ
présente une particularité tout à fait tunique. En effet,
le phage CTXFÖ ne peut se fixer que sur les V. cholerae que s'ils
possèdent un récepteur spécifique. Or ce récepteur
n'est pas codé par un gène issu du patrimoine
génétique initial de V. cholerae, mais par un
gène provenant du génome de CTXFÖ. Ainsi, et c'est la
première fois que cela était mis en évidence, le phage
CTXFÖ code pour un récepteur permettant au phage CTXFÖ de
venir incorporer son génome à celui de V. cholerae
(Bompangue, 2009).
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