1.1.1. 2. Vibrio cholerae et son environnement
naturel
A l'état naturel, V. cholérae se
développe dans les eaux saumâtres (à la fois salées
et alcalines), chargées de matières organiques et de plancton,
telles qu'on peut en trouver dans les zones côtières, où
l'eau douce provenant des cours d'eau se mêle à l'eau salée
de la mer (Colwell, 2004). V. cholerae y colonise la surface de
certaines algues ainsi que celle de copépodes, pouvant ainsi persister
dans l'environnement en l'absence de l'homme pendant des périodes de
temps prolongées. La survie de V. cholerae sur le plancton est
à l'origine de quelques épidémies survenues après
la consommation par l'homme de fruits de mer récoltés dans des
zones côtières polluées par des matières organiques
(Morris, 2003). Dans les réservoirs côtiers, les populations de
V. cholerae vont fluctuer en fonction des conditions environnementales
(Collins, 2003). Il a ainsi été montré, au Bengladesh, que
la fréquence des cas de choléra augmentait lors de la saison
chaude et humide, période pendant laquelle le plancton et les algues
prolifèrent dans les eaux saumâtres (Cowell, 2004 ? Faruque et
al, 2005).
Si inversement l'environnement devient défavorable,
V. cholerae est capable de se transformer en une forme viable mais non
cultivable (Colwell, 2000). Ainsi, en cas de déplétion en
nutriments, de diminution de température, ou d'excès de
salinité de l'eau, les bactéries ne sont plus
détectées par des méthodes de culture habituelles, mais
n'en demeurent pas moins potentiellement pathogènes (Cowell, 2000).
Même si les liens entre V. cholerae et
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l'environnement apparaissent certains, l'évaluation des
risques en fonction de l'écologie de V. cholerae est loin
d'être évidente. Par exemple, lorsque des cas de choléra
surviennent au sein de populations vivant en zone d'endémie, comment
distinguer ce qui tient à l'écologie de V. cholerae, ce
qui est relatif au comportement humain, ou ce qui est consécutif aux
activités humaines sur l'écologie des zones d'endémie ?
Les liens existant entre les populations de V.
cholerae, les caractéristiques physico-chimiques et biologiques de
leur environnement naturel et l'activité humaine peuvent aussi nous
amener à nous interroger sur les conséquences des changements
environnementaux générés par l'homme à
l'échelle de la planète et en particulier sur les
conséquences médicales possibles du réchauffement de la
planète (Didier, 2009).
Plusieurs études ont déjà mis en
évidence les liens entre la fréquence des cas de choléra
au Bengladesh, la température des eaux de surface dans le golfe du
Bengale et l'abondance saisonnière des eaux en plancton (Cowell, 1996 ?
Lobitz et al, 2000). Dans cette région du globe, où le
choléra est endémique, un lien statistique a aussi
été mis en évidence entre les variations d'incidence du
choléra d'une année sur l'autre, et le phénomène
d'oscillation australe (responsable du phénomène El Niño).
L'oscillation australe est un vaste mouvement de bascule atmosphérique
centré sur le Pacifique équatorial. La variation de pression
atmosphérique s'accompagne dans les zones environnantes de fluctuations
de la force du vent, des courants océaniques, des températures de
la surface de la mer et des précipitations (Colwell, 1996).
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