B- Influence de la perte de la qualité d'actionnaire
sur le pacte
Le pacte d'actionnaires ne survit pas à la perte de la
qualité d'actionnaire d'un partenaire. Cette perte est susceptible
d'intervenir dans différentes circonstances. Cet évènement
peut tout d'abord se réaliser suite à l'extinction du contrat de
société, ce qui entrainerait, comme nous venons de le citer la
caducité automatique du pacte. L'on pourrait citer également la
probabilité selon laquelle la personne-même de l'actionnaire
venait à disparaitre, qu'il s'agisse d'une personne physique ou morale.
Cependant, l'extinction du pacte qui pourrait en résulter, pas toujours
de façon immédiate, constitue avant tout un effet propre de la
disparition du signataire du pacte et extérieur au lien de
dépendance du pacte au contrat de société.
L'hypothèse de la perte de la qualité d'actionnaire ou encore de
la cession des actions est celle qui retient particulièrement notre
attention. La perte de la qualité d'actionnaire qui résulte de la
cession des actions de l'un des partenaires, entraîne la disparition du
pacte, sauf dans le cas d'une organisation conventionnelle de la transmission
du pacte au cessionnaire. La préservation de la qualité
d'actionnaire est en effet un élément essentiel qui conditionne
l'existence même du pacte. La portée de cette disparition
dépend, par ailleurs, du nombre de partenaires signataires du pacte et
du nombre de titres cédés. C'est ainsi que lorsqu'un pacte est
conclu entre deux actionnaires et que l'un d'entre eux perd sa qualité
d'actionnaire par la cession de la totalité des actions qu'il
détient, le pacte disparaît. En revanche, si dans ce même
pacte, l'un des actionnaires ne cède qu'une partie de ses actions, le
pacte disparait en ce qu'il porte sur les actions cédées mais
survit en ce qu'ilporte sur les actions demeurant la propriété du
partenaire cédant.55
II- Un contenu dépendant
La dépendance des dispositions du pacte d'actionnaires
au contrat de société est indéniable, ceci se justifie
notamment par le fait qu'elles soient soumises à la
«prééminence des statuts, par hypothèse conformes
à la loi»56. En effet, en cas d'incohérence ou de
contradiction entre le pacte d'actionnaires et les statuts, ces derniers
surpassent les dispositions du pacte et les dominent. C'est ainsi que le
contenu du pacte d'actionnaires se retrouve encadré par le domaine
réservé aux statuts (A). Les stipulations statutaires auraient
alors une emprise directe sur le contenu de la convention extrastatutaire
(B).
55Caroline Leroy, Op.cit, p.61.
56 Y. Guyon, Traité des contrats - Les
sociétés, aménagements statutaires et conventions entre
associés,
LGDJ, 5ème éd., 2002, n°286. On parle
également de « primauté des statuts », D.
Velardocchio-Flores, Les accords extrastatutaires entre
associés, PUAM, 1993, n°250 et s.
A- 33
Un contenu encadré par le domaine
réservé aux statuts
L'existence d'un domaine propre aux dispositions statutaires
et exclusivement dédié à ces dernières, ne pouvant
être pénétré par les pactes d'actionnaires, est
inébranlable. Cependant, la délimitation de ce bloc
réservé aux statuts est parfois délicate. Les statuts
peuvent être assimilés à un noyau dur à
géométrie variable, avec, en son coeur les mentions obligatoires
visées aux articles 2 et 12de la loi 17-95 relatives aux
sociétés anonymes. Ce noyau dur est par ailleurs élargi
par la loi qui prévoit des dispositions supplétives
légales qui doivent impérativement être stipulées
dans les statuts. Doivent être inclus dans cette catégorie les
articles comportant les expressions suivantes : « sauf dispositions
contraires des statuts », « sauf stipulations contraires des statuts
», « à moins que les statuts ne prévoient »,
« les statuts peuvent prévoir »..., laissons ainsi aux
actionnaires un espace de liberté pour arranger les
problématiques qu'elles traitent. Nous pouvons citer à cet
égard l'article 50 de la loi 17-9557relatif au renforcement
de la majorité requise pour les délibérations du conseil
d'administration. Toutefois, il existe une incertitude quant à
l'appartenance exclusive du domaine réservé à ces
dispositions supplétives. Ainsi, vient se poser la question de savoir si
ces aménagements peuvent faire l'objet de pactes extrastatutaires. La
réponse reste douteuse en droit positif. Une interprétation
stricte du texte mènerait à conclure que ces aménagements
relèvent de l'appréhension exclusive des statuts.
Néanmoins, les textes n'excluent pas expressément un
aménagement extrastatutaire des dispositions supplétives
légales. Il est irréfutable que l'impératif de
sécurité juridique nous dicte de retenir la première
proposition58,mais cela équivaut à se priver des
nombreux avantages qu'offrent les pactes d'actionnaires.
B- L'emprise des stipulations statutaires sur le
contenu du pacte d'actionnaires
Le conflit entre les dispositions statutaires et les
stipulations du pacte d'actionnaires, peut-être qualifié de
complexe. Dès lors que les statuts sont d'essences collective s'imposant
ainsi à tous les actionnaires, il nous paraît légitime
qu'ils ne puissent être contredits par des dispositions prises
individuellement par certains actionnaires. Mais la solution aurait-elle
été identique si le pacte d'actionnaires avait été
conclu ultérieurement à l'adoption de la résolution
sociale litigieuse ? Telle est la question. Il en va différemment,
évidemment, dans le cas où le pacte d'actionnaires serait
compatible avec les dispositions statutaires venant restreindre la libre
négociabilité des actions. Si, l'on peut regretter, avec le
Professeur Le Cannu, que le contenu de ces dispositions statutaires et
extrastatutaires ne soit pas plus détaillé59, il faut
admettre qu'il est assez courant qu'un pacte de préférence vienne
se superposer à
57« Article 50 » de la loi 17-95
alinéa 4 : « Les statuts peuvent prévoir que sont
réputés présents, pour le calcul du quorum et de la
majorité, les administrateurs qui participent à la réunion
du conseil d'administration par les moyens de visioconférence ou moyens
équivalents permettant leur identification... ».
58 Marie-Christine MONSALLIER, « L'aménagement
contractuel du fonctionnement de la société anonyme »,
LGDJ 1998, T. 303, n°85 .
59 P. Le Cannu, « Le règlement intérieur des
sociétés », Bull. Joly, 1986, p. 723, n°19
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une clause d'agrément statutaire. Le pacte de
préférence s'applique alors en premier lieu puis, peu important
que le bénéficiaire ait exercé ou non son droit, la
procédure d'agrément est ensuite mise en oeuvre. La subordination
hiérarchique des pactes d'actionnaires à l'égard des
statuts n'exclut donc pas, comme on l'a précédemment cité,
une éventuelle autonomie du pacte relatif aux cessions d'actions, pour
lequel la jurisprudence admet qu'il vienne limiter la libre
négociabilité des actions selon un mécanisme proche mais
distinct de celui effectivement prévu dans les statuts et compatible
avec ce dernier.
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