Section II : Caractéristiques et attribution du
Nom
1/Caractéristiques
Aux termes de l'article 58 CF, les noms sont puisés dans
le patrimoine culturel congolais. Ils ne peuvent en aucun cas être
contraire aux bonnes moeurs ni avoir un caractère injurieux, humiliant
ou provocateur.
2 / Attribution du Nom
Le nom qui fait l'objet d'une intense réflexion
à l'égard des parents est défendu par l'article 7 de la
convention relative aux droits de l'enfant de l'UNICEF. Cet article stipule que
« l'enfant est enregistré aussitôt sa naissance et, a
dès celle-ci le droit à un nom, le droit d'acquérir une
nationalité et, dans la mesure du possible le droit de connaître
ses parents et d'être élevé par eux »27.
L'attribution du nom est réglementé en RD Congo
par les articles 59 à 61du Code de la Famille, en effet, l'enfant porte
dans l'acte de naissance le nom choisi par ses parents.
Si le père de l'enfant n'est pas connu ou lorsque
l'enfant a été désavoué, l'enfant porte le nom
choisi par la mère.
Lorsque la filiation paternelle est établie
après la filiation maternelle, le père pourra adjoindre un
élément du nom choisi par lui. Si l'enfant a plus de quinze ans,
son consentement personnel est nécessaire.
L'enfant dont on ne connait ni le père ni la
mère a le nom aui lui est attribué par l'officié de
l'état civil dans son acte de naissance.
Toute personne peut, en justifiant d'un intérêt
matériel ou moral, demander au tribunal pour enfant de modifier ce nom
tant que l'enfant n'a pas atteint cinq ans.
27 Convention relative aux droits de l'enfant
adoptée par l'assemblée générale des nations unies
le 20 novembre 1989, P. 3.
28 NZETE (P.), Le système d'appellation des
personnes au Congo: Tradition et évolution, revue universitaire
n°8
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Dans le cas où l'un des parents transmet son nom
à l'enfant, il est tenu, un élément complémentaire
différent du sien.
Le discours sur le nom qu'attribuait un parent à ses
enfants répondait à des différentes fonctions comme celle
de l'identification qui a pour but de distinguer un acteur, ou qui permet
d'étiqueter la personne. Le nom d'une personne disparue a pour but
d'expliquer, d'attribuer le nom d'une personne disparue à un nouveau
né. Cette attribution explique l'histoire d'un parent disparu, pouvait
aussi expliquer un fait, un événement, voire la vie d'une
personne décédée. La fonction psychologique ou magique qui
est supposé produire des effets étonnants, merveilleux,
surprenants. Cette fonction provoque certains effets pouvant être d'ordre
matériel ou psychique, enfin la fonction situative qui situe un individu
sur le sexe, son statut, son état moral, intellectuel ou physique, sa
situation, son insertion historique ou géographique, ses
modalités de réaliser les différents
actes28.
Aujourd'hui, avec l'évolution que connaissent les
différents parents géniteurs, nous constatons que le nom
attribué par les parents géniteurs pour nommer leurs enfants est
devenu muet dans le sens où les parents géniteurs ne tiennent
plus compte de ces fonctions des noms ou des conditions de naissance dans
lesquelles est né l'enfant. Par exemple, le mode de naissance dont
l'enfant sort par les pieds pousse les parents géniteurs à donner
le nom "Moussounda" à ce nouveau-né dans la société
Kongo - lari, ceci pour expliquer les conditions de naissance. Par là,
nous pouvons donc affirmer que le nom situe la personne humaine, il peut dans
certaines circonstances expliquer le vécu de la personne, expliquer la
vie de l'individu en la situant dans une société. Cette
manière de nommer l'enfant n'est aujourd'hui qu'une manière de
reproduire la qualité du père.
De nos jours, plusieurs enfants portent les noms de leurs
géniteurs. A cet effet, nous comprenons par là que le nom qui
était lié à un contexte culturel et historique a perdu son
contexte, est devenu dans la réalité d'aujourd'hui une
"hérédité" liée au nom du père. A la
naissance de leurs enfants, plusieurs parents attribuent librement leurs noms
à leurs enfants sans tenir compte des conditions de naissance. Le cas du
nom Banzouzi et Bantsimba (noms réservés initialement aux jumeaux
: le premier né et le
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second) devient muet parce que l'enfant qui porte ce nom n'est
pas forcément de nos jours un jumeau. Aujourd'hui, nous pouvons donc
dire que ce nom est sorti de son contexte culturel. Par contre, pendant
longtemps, tous les problèmes que connaissaient les parents se
résumaient sur la question du message que pouvait expliquer le nom. Il
touchait tous les domaines de la vie de la personne, même sa
santé.
En effet, Pour RETEL LAURENTIN et HORVATH qui précisent
à ce propos29: Après la naissance, chaque enfant se
voit attribuer un nom qui permet de l'identifier. Bien qu'il stimule la
personne, le nom peut, lorsqu'il est trop prononcé de "mauvaise"
manière, entraîner des maladies mentales ou physiques. Raison pour
laquelle il est strictement interdit de prononcer le nom d'une personne
à haute voix la nuit. En effet le faire la nuit, c'est donner aux
puissances malveillantes les moyens d'avoir prise sur sa force, Prononcer un
nom c'est donc un moyen d'exercer un pouvoir sur l'individu. Le nom
entraîne des modifications sociales rapides, ainsi que la perte des
valeurs et des croyances. Il peut provoquer également le
démantèlement de certaines valeurs sociales. C'est le cas des
noms Banzouzi et Bantsimba dans la société Kongo-lari qui ne sont
plus forcément les noms des jumeaux. La montée de certains noms
peut être considérée comme une des raisons connues qui
peuvent affecter le sens mental de la personne humaine; ou peut créer
des nouveaux problèmes de santé. Le nom qui est un
élément qui identifie la personne humaine peut provoquer des
maladies physiques ou mentales ou parfois peut avoir d'autres
conséquences jugées graves, dans la santé de l'homme,
comme la démoralisation et le manque de motivation dans la
réussite professionnelle, intellectuelle, voire sociale. Pour les
Kongo-lari le nom quand il est "bon", peut "montrer" des directives pour aider,
orienter la vie de l'individu qui le porte, et peut être d'un grand
secours tout au long du parcours d'un homme. Le nom peut avoir une influence
sur les conséquences que vit la personne, voire définir les
situations, et l'environnement qui le favorise. Cela peut permettre de bien
déterminer les mesures à prendre afin de se garantir une
meilleure condition. Certains hommes porteurs des "mauvais" noms
prétendent reconnaître les conséquences qu'est censé
engendrer ce nom. Le nom qui est un élément qui a pour fonction
d'identifier la personne peut protéger ou exposer l'individu contre les
effets nuisibles. Certains noms révèlent la situation de manque
de chance, par contre d'autres peuvent être considérés
comme un élément qui stimule l'individu à la
réussite ; tel est le cas du nom "M'vouama" voulant dire riche, richard.
L'imaginaire collectif nous fait dire, préciser que ce nom est porteur
de bonheur. Le nom peut
29 A. Retel LAURENTIN et S. HORVATH : Les noms de
naissances, indicateurs de la situation familiale et sociale en Afrique
noire, Selaf, Paris, 1972, P. 18.
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être un moyen de réponse aux comportements
précis pour expliquer la vie d'un être. Certaines personnes
portant des "mauvais" noms ont tendance à tout renvoyer à ce nom
parce qu'il agit sur la personne. Il a une influence sur le parcours que fera
l'homme sur cette terre. Certains facteurs psychosociaux et comportementaux
peuvent avoir une influence sur la santé de ce dernier. La plupart des
hommes qui évoluent dans la société congolaise savent que
le nom d'une personne peut contribuer à accroître soit son
bien-être, soit les risques de maladies. L'attribution de certains noms
peut avoir une influence sur le système de représentation de la
personne: c'est le cas des noms "Ndoko" (malédiction), "Mpassi"
(souffrance), "Ndoki" (sorcier), qui peuvent avoir une influence sur la
personne; le nom influence sa façon d'être et de penser, il a
parfois des répercussions sur l'état de santé, affecte
l'organisme avant, pendant et après la maladie. Le mauvais nom dans la
société Kongo-lari appelé "nkumbu ya mbi" provoque souvent
un sentiment de détresse. Ceux qui en portent les considèrent
comme source des malheurs qui interviennent dans leurs vies, courent
derrière les risques qui sont censés être provoqués
par ce nom. Il peut provoquer des comportements hostiles, des
conséquences graves sur la santé d'un individu. Les parents en
nommant leurs enfants se laissent influencer par le choix de différents
facteurs qui les pousse à satisfaire leurs sens, leurs vécus et
leurs manières d'exprimer les contraintes de la vie. Pascal MAKAMBILA
dans ses séminaires de sociologie des religions affirme que le nom est
un élément qui fait partie de la personne humaine chez les
Kongo-lari. Ces derniers précisent que l'homme est composé des
éléments formés d'un corps (nitu), d'un esprit (kilunzi)
et d'une âme (muela). Ces éléments sont
considérés comme substrat (base) du nom ou prénom. La
relation entre le nom et le prénom est à peu près une
relation qui relie une maison avec sa fondation; bien que le nom identifie la
personne, il est en quelque sorte le soutien sur lequel repose le corps,
l'âme et l'esprit.30 Le nom, le prénom sont des
éléments qui appartiennent au monde des idées, croyances,
valeurs, vécu quotidien et notion morale, servent les parents à
nommer ou prénommer leurs enfants, peuvent parfois affirmer la dimension
spirituelle de la santé. Certains noms comme "Mayela" (intelligence),
"Bouesso" (chance) peuvent selon les représentations culturelles
données aux possesseurs la capacité de raisonner, se souvenir de
la personne, voire percevoir certaines situations inattendues; les personnes
qui portent ces noms peuvent recevoir des idées, des intuitions, des
rêves inattendus ou inspirations.
Le nom qui agit sur la personne peut être responsable de
certaines crises d'agressivité, de manque total de motivation. Certains
hommes victimes de ce genre de situations renvoient cette difficulté au
nom. D'une manière générale, le porteur de
30 MAKAMBILA (P), 2006, Séminaire de
sociologie des religions, maîtrise, UMNG, Brazzaville, p.
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ce nom est en proie au stress, ce qui est susceptible
d'entraîner des perturbations et une détérioration de sa
santé. Ce genre de noms peut induire la personne dans des sentiments de
tristesse, de déception, de colère voire de perte et de manque de
maîtrise de sa propre vie face au déclin. Certains acteurs portant
un nom qui peut suggérer la malchance, ont trouvé en lui la cause
de leurs infortunes. C'est le cas de certains prénoms comme "Mputu" qui
signifie "pauvre". Il est donc important de souligner que certains noms peuvent
être à l'origine du mal qui mine l'individu. Certains noms sont
confrontés ou liés à une culture déterminée,
par contre d'autres noms peuvent être à l'origine de certains
obstacles dans la vie, en provoquant des réactions
émotionnelles.
Les stratégies de nommer peuvent varier d'une culture
à une autre. Certains mouvements religieux surtout ceux faisant partie
des églises dites de réveil présents au Congo -
Brazzaville (mouvements qui s'explose après la Conférence
Nationale Souveraine) poussent leurs adeptes à s'appuyer beaucoup plus
sur leurs profondes croyances religieuses, la prière et la foi en Dieu
pour obtenir, semble t-il, le réconfort et garder espoir du nom
confié à l'enfant. Les parents en nommant comme en
prénommant leurs enfants atteignent parfois un niveau où ils sont
dominés uniquement par un profond sens du devoir et de l'engagement
envers Dieu. Ce mécanisme d'adorer Dieu par certains prénoms est
aussi considéré comme moyen de renforcer les croyances solidement
ancrées qui résistent dans la vie d'aujourd'hui.
Qu'il s'agisse du nom lié au contexte culturel, qu'il
s'agisse du nom muet imposé par les parents après la naissance de
leur enfant, cela a toujours des effets traumatisants et peut parfois provoquer
des cauchemars, voire causer des difficultés aux individus qui le
portent selon les imaginaires locaux. Leur façon de faire est parfois
insatisfaisante puisque certains pour justifier leur comportement jugé
mauvais par leur milieu immédiat, s'inspirent de leurs noms
"émotionnels". Certaines personnes qui portent les noms qui peuvent
expliquer la pauvreté continuent de souffrir dans leur fort
intérieur très longtemps de ces explications. Marie Claude FELTES
-STRIGLER Ecrit: « le nom d'une personne est son bien secret [...] si une
tierce personne l'a en sa possession, le nom n'est plus fiable et peut
même se
20
retourner contre son propriétaire »31.
Les individus qui portent les noms qui peuvent "nuire" à leurs
personnalités se sentent trahis semble t-il. Ce profond sentiment peut
avoir une incidence sur leur manière de vivre et leur façon de
penser peut être emprisonnée par leurs noms, certains ont
été victimes de certaines répercussions profondes sur la
formation de leurs personnalités. Nombreux d'entre eux
développent le ressentiment qui explique leurs noms dans leur milieu et
finissent par réagir selon les contenus du message de leurs noms qui
influencent parfois le choix de leur profession et de leurs relations
personnelles. Certains noms au contraire sont incapables de protéger la
personne et font sentir un sentiment d'insécurité que ressent
l'individu qui le porte. Cela peut provoquer un manque total de confiance en
eux-mêmes et se méfient de leurs noms. Certains individus porteurs
des mauvais noms pensent qu'ils exposent au mauvais sort et amènent le
chagrin et le désespoir.
31 Marie-Claude FELTES-STRIGLER, 2002, Parlons NAVAJO,
l'Harmattan, Paris, PP 74-77.
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