4.1.2 La reconstruction
Ces phases antérieures peuvent concerner les stades
libidinaux, les relations d'objet, les modes de communication etc. Le plus
souvent, la régression convoque l'ensemble de ces facteurs. Michael
Balint, psychiatre et psychanalyste hongrois, met en avant les
phénomènes complexes qui tissent les premières relations
entre la mère et le nourrisson : « l'impression de chaleur, les
mouvements et les bruits rythmiques, les murmures confus, les effets
envahissants et irréversibles exercés par les odeurs et les
saveurs, le contact corporel étroit, les sensations tactiles et
musculaires (notamment dans les mains) et enfin le pouvoir indéniable
que possèdent tous ces phénomènes d'engendrer et de
dissiper les angoisses et les doutes, le bien-être ou la détresse
et la solitude désespérée », cité par (Marc,
2002, p. 34). La régression ramène le patient à ces
sensations primaires, le thérapeute doit y être attentif et
utiliser les modes de communication de cette période de la vie. Le
psychomotricien, se servira de tous les modes de communication non verbaux qui
participent à la construction de l'enfant. Nous pouvons citer ceux
développés plus haut dans ce mémoire, le dialogue-tonique,
la contenance, le holding.
Véronique Defiolles (2010), psychomotricienne, souligne
dans cette régression, la perte de conscience que le patient a de son
corps « On dirait que la rupture effectuée entre le corps du
patient et son histoire le renvoie à un état proche de ce qui est
décrit chez le nourrisson dans la phase d'indifférenciation. Le
patient s'éprouve comme une somme de sensations
cénesthésiques, ne faisant plus la différence entre soi et
le monde externe. Cet état entraine une situation de dépendance
qui peut aller très loin dans la régression psychocorporelle.
Celle-ci se retrouve au niveau du schéma corporel et de l'image du
corps, qui sont comme oubliés, mis
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entre parenthèses, le patient n'a plus conscience de
lui-même et donc de sa corporéité. »
(Defiolles-Peletier, 2010, p. 256). L'intérêt de nous appuyer sur
ces modes communication de l'enfance sera, d'une part, de rentrer en contact
avec lui et, d'autre part, de permettre de répondre à ses besoins
de façon adaptée. En cela, nous pourrons travailler autour des
fonctions nécessaires au développement du schéma corporel
et de l'image du corps. Ces stimulations permettront au patient d'aller de la
régression à la reconstruction de soi.
4.1.3 Les stimulations
Le dialogue tonico-émotionnel est une voie de
communication privilégiée qui permet de comprendre ces patients
parfois mutiques ou discordants. Ce langage corporel nous transmet
l'état de tension interne du patient. Dans un service comme l'UISI,
l'évaluation de la possibilité d'un passage à l'acte
violent est constante. Dans le contexte de la psychiatrie, la communication
verbale est souvent insuffisante pour faire cette évaluation. Notre
regard est donc précieux, il permet d'alerter ou au contraire de
rassurer. Au-delà de l'état de tension interne, le dialogue
tonique nous aide à rentrer en relation avec l'autre. Le dialogue
tonique nous renseigne sur la distance nécessaire à chacun pour
rentrer en contact sans être intrusé. Pour le travail
auprès des patients en chambres d'isolement, il est nécessaire de
savoir évaluer la disponibilité, l'indisponibilité et le
besoin d'être en contact. Notre capacité de contenance, c'est
celle de recevoir et transformer ce que le patient nous exprime, verbalement ou
corporellement. Après ce premier temps de contact, il faut
évaluer le bénéfice d'une prise en charge en chambre
d'isolement. Les chambres d'isolement sont faites pour isoler le patient des
stimulations. Seulement il s'agit ici de stimulations qui vont être
désorganisatrices pour lui. Le travail que nous proposons s'appuie sur
des stimulations en écho à la chambre d'isolement. C'est
favoriser le retour au calme, l'apaisement, la détente physique et
psychique. Ces interventions peuvent aider le patient à profiter des
bénéfices de l'isolement et en réduire le temps
nécessaire pour le rassemblement du patient. La relaxation est la
médiation qui m'a semblé être la plus adaptée dans
le contexte qui était celui de la chambre d'isolement. L'aspect
régressif qui est amené par la relaxation est un support pour
apporter des stimulations qui lui permettent de se center sur soi.
L'intérêt, par exemple, de recréer une forme de holding
comme Winnicott le décrit, est de s'appuyer sur ces communications
primaires pour que le patient puisse recréer son enveloppe psychique.
Par exemple, le portage dans un drap amènera un ressenti vestibulaire
comparable à celui du nouveau-né. Le mouvement binaire du
bercement créé instinctivement par les parents
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pour calmer les enfants renvoie directement aux rythmes
biologiques du corps, celui de la respiration et du rythme cardiaque. C'est en
utilisant le canal de communication corporelle que nous aidons le patient par
le portage physique et psychique à lâcher prise et à se
détendre dans une relation sécurisante. Le toucher, quand il est
possible est également une voie de communication
privilégiée puisqu'elle convoque l'étayage du «
Moi-Peau » d'Anzieu sur la fonction biologique de la peau. Le toucher
vient recréer des expériences sensitives, les perceptions et les
sensations épidermiques entre la mère et son enfant.
Le psychomotricien travaille également à
créer du lien ; il sert de tiers dans la relation du patient avec le
psychomotricien de son secteur. En s'appuyant sur le travail effectué
par ce dernier, il permet de garder une continuité, un lien, mais aussi
de donner au patient le moyen de construire à distance une relation
thérapeutique avec son psychomotricien de secteur.
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