3.3.4 Projet thérapeutique
Modalités : Prise en charge en chambre d'isolement deux
fois par semaines en individuel, le jeudi et le vendredi. Les séances
durent environ 25 minutes, avec la présence d'un infirmier.
37 Altération de l'humeur, recouvre un large
spectre, du bonheur à l'extase.
38 Difficulté d'articulation.
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Objectifs : Notre objectif principal est de permettre à
monsieur N. d'apaiser ses angoisses, de permettre une réduction de sa
résistance psychique aux traitements et de lui permettre de retrouver
une maitrise corporelle. Pour cela je propose une médiation permettant
de travailler la régulation tonique. Je lui propose de s'approprier
à long terme les techniques proposées pour qu'il puisse les
utiliser de façon autonome quand il en ressent le besoin.
Moyens : Séances de relaxation en utilisant les
conductions verbales de Madame G. Soubiran, puis des éléments
adaptés de la relaxation progressive de Jacobson.
3.3.5 Prise en charge en psychomotricité
Lors des réunions de réflexion d'équipe,
les soignants de l'unité m'interpellent concernant la tension interne
qu'ils perçoivent chez monsieur N. ; les résistances aux
traitements ne permettent pas d'augmenter encore les doses et pourtant ils
redoutent un nouveau passage à l'acte. Les quelques tentatives
d'ouverture de la chambre d'isolement sont jusqu'à présent peu
concluantes et il est rapidement raccompagné en chambre. Il est
physiquement très intrusif dans les espaces du personnel, mais
également physiquement avec les soignantes de l'unité. Elles me
font part d'attouchements fréquents qu'il banalise par la suite bien
qu'il soit accessible au recadrage sur le moment. Après une concertation
avec l'équipe, je lui propose une prise en charge en chambre d'isolement
centrée sur la relaxation qu'il accepte volontiers, et nous nous donnons
rendez-vous en fin d'après-midi. Je viens le chercher dans
l'unité accompagnée d'un infirmier ; il me semble
nécessaire d'introduire un tiers dans cette relation
thérapeutique pour donner la possibilité à M. N.
d'investir différemment les deux soignants. Ce tiers lui permet
d'organiser ses mouvements ambivalents entre bon objet et mauvais objet entre
deux personnes. Cette répartition des pulsions enlève la
toute-puissance de la relation duelle. Le tiers permet à l'enfant de
projeter l'aspect angoissant de la relation mère/enfant sur lui ; il
devient alors le protecteur de cette relation mère/enfant ; il assure la
fonction de liaison et de répartition décrite par Bernard (Golse,
2006), ainsi qu'une fonction de différenciation. De la même
manière le tiers sera le garant de la relation thérapeutique avec
le patient. Nous recréons un aspect régressif en utilisant la
relaxation et en introduisant cette relation sécure et continue en
travaillant la diminution des angoisses de séparation. L'introduction du
tiers permet de travailler la différenciation dans la relation duelle.
Il me semble important de construire cette prise en charge en chambre
d'isolement pour favoriser l'association de cette médiation avec
l'espace dédié au
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temps de recentrage sur soi. L'idée étant
également qu'il puisse profiter seul des bénéfices de la
relaxation à la fin de la séance.
Je lui propose de s'allonger sur son lit, le plus
confortablement possible bien que sa grande taille ne lui permette pas de tenir
entièrement dessus ; il commence par se positionner avec la tête
tombant légèrement dans le vide et je lui suggère de
descendre un peu plus bas de façon à ce que sa tête repose
totalement sur le coussin et que ce soient ses pieds qui reposent donc dans le
vide ; il acquiesce et me dit effectivement que c'est plus confortable. Je lui
propose de fermer les yeux s'il le peut, ce qui ne semble pas plus poser de
problème, puis je commence les conductions utilisées par Giselle
Soubiran, tout d'abord les points d'appui de son corps sur le lit et
l'oreiller, les bruits lointains de la circulation et ceux, plus proches, des
passages dans le couloir, la température de la pièce et la
différence avec celle de son propre corps, la luminosité qui
à cette heure-là commence à baisser. Ces conductions sont
adaptatives et lui permettent d'augmenter sa concentration sur des sensations
ou un canal sensoriel particuliers, ce qui lui permet un renforcement des
perceptions de son corps. Je lui propose ensuite de porter son attention sur sa
respiration en favorisant une plus grande amplitude ; puis de placer une main
sur son ventre pour sentir le mouvement de sa respiration. Je voie qu'il suit
pas à pas toutes mes propositions ; son état de conscience est
visiblement altéré, son rythme respiratoire est lent et profond,
son tonus musculaire s'est abaissé et le temps de réaction
à mes suggestions est long ; les conductions se centrent autour de la
respiration, à savoir visualiser son trajet, sentir les
différences de température de l'air ; je lui demande ensuite de
faire descendre cette respiration au niveau abdominal en essayant de la
ralentir, ce qu'il fait avec application.
Par la suite je lui propose quelques mobilisations de la
relaxation progressive de Jacobson par séries de deux, tout d'abord
contracter le plus fort possible les bras, des épaules jusqu'au bout des
doigts, puis de relâcher cette tension instantanément. Puis une
deuxième fois le même exercice, mais cette fois en maitrisant le
relâchement musculaire de la façon la plus progressive possible.
Nous continuons cet exercice avec les jambes, puis le corps en entier. Le
patient s'entraine à observer ses sensations de tensions musculaires et
à les identifier. En arrêtant de mettre en tension ses muscles il
apparente cette nouvelle sensation à du relâchement. Ce
procédé permet d'éliminer les tensions dites «
résiduelles » et d'amener une détente psychique et physique.
Le lâcher-prise et la détente physique permettrait au patient de
ne plus lutter contre les traitements et de s'apaiser. La notion de
contrôle musculaire introduite dans cette relaxation vise à faire
participer M. N. de façon dynamique à sa prise en charge. Il
s'agit de lui redonner de la maitrise concernant son corps pour favoriser la
diminution de ses comportements
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inadaptés. S'ensuit un temps de reprise avec des
conductions. Quand il s'assied sur son lit, je lui demande comment il se sent,
il me dit qu'il se sent détendu. Nous quittons la chambre après
lui avoir proposé de nous revoir le lendemain, il reste dans son lit, se
recouche et s'endort. Nous aurons deux autres séances,
structurées de la même façon. Peu à peu j'introduis
différentes mobilisations de la relaxation progressive de Jacobson pour
solliciter d'autres groupements musculaires, comme la contraction des muscles
du buste.
L'équipe soignante note que la semaine suivant nos deux
premières séances, les troubles du comportement à type
d'attouchements auprès des soignantes a considérablement
diminué. Quand je le retrouve la semaine suivante, il est question de
son retour dans son unité d'hospitalisation de secteur. Pour
préparer ce retour j'insiste, lors de la séance, sur
l'appropriation de ses sensations de détente et de maîtrise de son
corps. Je l'invite à réutiliser ces techniques quand il en
ressentira le besoin, que ce soit une tension interne ou bien un manque de
maîtrise corporelle. Il me remercie pour notre travail qu'il a beaucoup
apprécié, et me dit que cela lui a permis « de se recentrer
sur lui ». Le lendemain, j'apprends par une infermière qu'il prend
des moments seul, pour se détendre sur son lit en reprenant les
exercices que nous faisions.
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