3.1.4 Projet thérapeutique
Modalités : Prise en charge dans l'unité deux
fois par semaines en individuel, le jeudi et le vendredi. Les séances
durent environ 30 minutes, mais cette durée est adaptée aux
capacités attentionnelles et à l'état émotionnel de
la patiente.
Objectifs : Notre objectif principal est de permettre à
madame A de reconstruire une unification psychocorporelle pour apaiser son
angoisse. Pour cela nous voulons lui amener des sensations corporelles
agréables à investir pour désinvestir ses sensations
délirantes. A long terme nous travaillerons l'unification de ses
sensations corporelles pour qu'elle retrouve la conscience de son corps.
Moyens : Prise de contact avec un objet transitionnel.
Séances de relaxation avec différents médiateurs.
Relaxation par pression, relaxation par portage avec un drap et relaxation par
enveloppement à l'aide de balles effets peau.
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3.1.5 Prise en charge en psychomotricité
Les réflexions d'équipe autours des contentions
mécaniques prescrites à madame A. amène à la mise
en place de mesures particulières. Dans le discourt, aux vues de sa
régression, nous pensons ce moment comme quand une mère couche
son enfant qui n'as envie de dormir mais qui en a besoin. Des mesures sont
réfléchies en fonctions d'éléments psychomoteurs,
le timbre de la voix, la lumière de la pièce, les mots
utilisés, le touché. Un rituel de bordage a été mis
en place pour aider madame A. à retrouver ses rythmes biologiques
à l'aide de cette rythmicité. Le rituel aide à apaiser les
angoisses, comme le rituel de l'histoire pour un enfant au coucher. Pour
certains patients qui n'ont pas de sécurité interne, s'endormir
peut-être une grande source d'angoisse, sans savoir s'ils se
réveillerons.
Nous commençons la prise en charge le vendredi 14
décembre. La première séance se déroule dans sa
chambre, la prise de contact s'est faite à l'aide d'objets
transitionnels, elle nous présente ses doudous, deux chevaux. Nous
travaillons autour de ses peluches des notions de rythmes, de jeu de
rôle, à travers l'équitation. Ces jeux de rythmes sont une
approche des rythmes biologiques perturbé de la patiente. Les jeux de
rôles amènent la place de l'autre et les interactions possibles
avec lui. Elle prend plaisir dans ces échanges et souhaite continuer de
nous voir, nous construisons peu à peu une relation sécurisante.
Elle sera la base de la relation thérapeutique, c'est le début du
portage psychique.
Une fois la relation de confiance établie avec la
patiente je lui propose des séances de relaxation. Cette
médiation me parait être la plus adapté pour madame A. qui
est très régressé. La mise en jeu du holding, du handling
par le toucher ou avec des objets médiateurs, a pour but de faire vivre
des expériences sensorielles qui pourrons être le point d'appuis
d'une reconstruction de ses enveloppes physiques/psychiques dans un cadre
contenant. Dans un premier temps la séance se fait dans sa chambre pour
conserver les avantages de ce lieu où elle se sent bien. La relaxation
par pression permet de prolonger la contenance externe apporté par les
contentions mécaniques, donner un sentiment de continuité au
rassemblement qu'elles ont pu amener. Nous cherchons à remplacer la
contenance apportée par les contentions mécaniques par une
contenance physique. Puis au fils des séances nous nous
déplaçons dans la salle de psychomotricité pour amener
madame A. à investir des lieux spécifiques à des
activités et l'amener à différencier les espaces en leur
donnant une fonction. C'est un déplacement de lieu marquant le passage
d'un soin, pour retrouver une rythmicité (rythmes
nycthémérales), à retrouver une dynamique en allant «
explorer » ses sensations, ressentis et d'aller vers un mieux-être,
mieux bouger, mieux
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habiter son corps. Elle aime cette médiation et
verbalise toujours que « ça lui fait du bien » sans pouvoir
développer davantage sur ses sensations. L'accès à la
parole est très limité d'où l'intérêt
privilégié des médiations corporelles.
Nous avons commencé par une relaxation par pression
bilatérales. A travers le toucher nous souhaitons favoriser la
contenance, lui faire prendre conscience de la solidité de son corps et
l'amener une sensation d'unité corporelle. L'absence d'amplitude dans
ses mouvements, l'attitude catatonique « flasque » laisse penser que
madame A. ne ressent plus son corps, ou du moins elle n'en perçoit plus
sa solidité. Pour autant ses moments d'agitations motrices où
elle court, fait du sport, sont surement des manifestations de recherches
d'éprouvés corporels. Nous amenons avec les pressions cet
éprouvé de solidité, de volume dans la continuité
pour activer la proprioception du corps mais également rassembler. Nous
avons ensuite travaillé sur l'enveloppe corporelle avec de la relaxation
par portage à l'aide d'un drap. Cette approche permettait à
madame A. de se laisser aller à une détente musculaire tout en
restant dans une enveloppe sécurisante matérialisé par le
drap. La relaxation par portage est une médiation qui favorise la
régression en amenant le patient à des sensations de «
bercement » avec un retour au rythmes binaires renvoyant aux rythmes
biologiques comme le rythme de la respiration ou le rythme du coeur. La
régression apportée par cette rythmicité
particulière et continu amène un lâché prise tonique
se reposant sur la relation de confiance avec le thérapeute. Grâce
au portage nous favorisons également la prise de conscience de la notion
d'axe corporel. Ce balancement est un mouvement de pivot autour d'un axe, l'axe
corporel. Nous proposons de l'allier à la détente musculaire,
supprimant les positions de sur-enveloppement. La patiente peut alors ressentir
sa colonne vertébrale et le prolongement de son axe dans la rotation des
jambes et de la nuque contre le matelas. Le travail s'est ensuite poursuivi
autour de la notion de contenance de son corps, de sa densité, de son
volume pour permettre à madame A. de percevoir les limites de son corps
et d'en percevoir sa densité. Nous introduisons la relaxation avec des
balles effets peau à moitié gonflé, ce qui induit chez
madame A. une détente musculaire et viscérale, elle émet
des gazes régulièrement depuis la cinquième séance.
Le travail des limites corporelles est à mettre en lien avec les
expériences corporelles de la peau sur lesquelles se construit les
enveloppes psychiques. Les balles passé avec une certaine pression
amènent une contenance physique, enveloppante qui comprime dans une
juste mesure pour rassembler et lier toutes les parties du corps de madame
à avec une continuité dans le geste et des passages
répétitifs. Nous travaillons à travers toutes ces
relaxations des expériences corporelles archaïques, pour qu'elles
puissent être le point d'appuis d'une reconstruction de l'enveloppe
psychique. Nous essayons
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également d'amener des stimulations corporelles
agréables à la patiente qui est sans cesse envahis par des
hallucinations douloureuses. Elle est très logorrhéique, le
discourt étant principalement une verbalisation de ses hallucinations,
la diffluence de sa parole traduit l'intensité avec laquelle la patiente
est envahis par son délire. Dans un premier temps il me semble important
de pouvoir lui parler pendant ces temps, pour amener de la contenance verbale,
une enveloppe psychique sonore, je réponds à ses questionnements
ses sollicitations en mettant des mots sur ses sensations, ses douleurs et ce
qu'elle me dit spontanément, « la faim », « le besoin de
bouger ». La tonalité de la voix, le rythme, la prosodie participe
à l'enveloppement. J'essaye de faire des liens, tout en émettant
des hypothèses ouvertes pour tenter de mettre des mots sur ses maux.
Malgré ses hallucinations, nous arrivons peu à peu à
diminuer ses verbalisations jusqu'à faire une séance totalement
dans le silence fin janvier, l'absence de verbalisation pour madame A. est
signe de diminution de l'intensité de son délire et de ses
hallucinations. Elle a pu se laisser aller à simplement éprouver
ses sensations, ce qui était si difficile au début de notre
travail. Cette capacité à se focalisé sur son corps sans
investir le langage traduit également la diminution de
l'intensité de ses angoisses. Les réflexions autours de madame A.
aboutisse à la construction d'un outil supplémentaire, un
vêtement compressif. Cet outil à nécessité que
l'équipe se mobilise, une ASH se propose pour coudre la bande de tissu
qui servira à envelopper madame A comme un gilet. La compression de ce
vêtement compressif active la proprioception et lui faire ressentir son
buste. Il est utilisé durant 30 minutes tous les jours. C'est
également dans ces projets communs, ou l'équipe pense le patient
et élabore un outil que se crée un holding, un handling
institutionnel.
Au départ de Madame A. nous avons effectué 10
séances de relaxation au totale. Durant ce travail nous avons pu
observer que madame A. s'est redressé, elle à une meilleure
position axiale qui a favorisé son désir d'être en contact.
Elle adopte une position plus adaptée sur une chaise, a une meilleure
compréhension et des réponses plus construites et
adaptées. La position social éveil chez elle, l'envie
d'être dans le contact, elle commence alors à solliciter les
membres de l'équipe et les patients. En prenant conscience de son axe
elle a pu augmenter son amplitude de mouvements ce qui a permis d'agrandir son
polygone de sustentation et donc améliorer ses déplacements.
Après réflexion, et aux vues de la construction
du regard clinique que j'ai travaillé tout au long de ce stage. Je pense
qu'il aurait été bénéfique de commencer ce suivie
en psychomotricité plus tôt. La prise en charge de la patiente
aurait pu être concomitante au temps de repos sous contentions. Commencer
le suivie plus en amont, aurait permis d'investir le temps de la pose
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des contentions avec des stimulations comme des pression pour
amener un relâchement. Le fait de faire coïncider ces stimulations
et la pose des contentions permet de rendre ce temps moins traumatique pour la
patiente. D'autre part nous aurions pu espérer qu'en travaillant la
contenance relationnelle et physique avec la relaxation par pression, la
durée de la nécessité des contentions pour que madame A.
dorme aurait pu être raccourci. Nous aurions pu, plus rapidement passer
des contentions mécaniques à une contenance par la relation et
enfin une contenance corporelle. Le toucher thérapeutique et la
contenance relationnelle auraient permis de reconstruite les enveloppes de
madame A. en amont. De plus madame A. avait une grande résistance aux
traitements sédatifs, ce qui rendait impossible l'augmentation des doses
et à obliger les équipes à réfléchir
à un autre procédé pour l'amener à dormir. Nous
pouvons penser qu'une prise en charge psychomotrice aurait potentialisé
l'effet des traitements sédatifs et permis à madame A. de
dormir.
Suite au retour de Mme A. chez elle, j'ai eu l'occasion de la
recroiser à l'hôpital de jour ; elle pratique des activités
de groupe comme la piscine dans lesquelles elle s'est très bien
adaptée aux autres patients et elle y prend beaucoup de plaisir. Les
effets secondaires du traitement se sont amoindris, l'hypersialorrhée
à totalement disparu. Elle me reconnait, me sourit et nous
échangeons quelques mots. Elle est dans une demande de contact et peux
maintenant solliciter l'équipe quand elle en a besoin.
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