2.4.7 Le dialogue tonique
Le dialogue tonique est une notion introduite par Wallon
dès 1930. Cette notion sera reprise par Julian de Ajuriaguerra en 1977,
qu'il nomme dialogue tonico-émotionnel, il l'approfondit et le
décrit comme le reflet des états émotionnels de deux
individus en relation avec la possibilité d'une interaction de l'un
à l'autre. Le dialogue tonico-émotionnel s'appuie sur la notion
de tonus musculaire et des émotions. Le tonus musculaire est
l'état permanant de tension qui s'exerce sur un muscle. Le tonus est le
réceptacle des émotions, il va varier de manière
consciente et inconsciente en fonction de nos émotions. Ces
modifications toniques sont perceptibles par les individus avec lesquels nous
interagissons. Comme un langage universel nous pouvons percevoir une part du
langage corporelle par le dialogue tonico-émotionnel.
Les patients psychotiques sont souvent hypersyntones, ils ont
une réceptivité exacerbée à l'ambiance et aux
émotions des autres. Ils seront donc très réceptifs
à notre dialogue corporel, en cela nous sommes formés à
maitriser notre propre dialogue tonique pour amener le patient à se
sentir en sécurité et pouvoir interagir. Le dialogue tonique
tonico-émotionnel est autant un outil diagnostique qui permet
d'évaluer la potentiel impulsivité d'un patient qu'un outil de
pratique. L'utilisation de cet outil est permanant pour évaluer, la
proxémie dans laquelle le patient se sent bien, la possibilité de
contact, les réactions émotionnelles. Toutes ces informations
seront des clés pour s'adapter au patient et permettre le contact.
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Monsieur M, patient hospitalisé à l'UISI. Il est
originaire de Somalie et en raison de son mutisme nous ne savons pas s'il
comprend le Français. Il est décrit par son unité de
secteur comme sthénique et imprévisible. Il est actuellement en
chambre d'isolement, gémit et cri. Au timbre de sa voix, ce
gémissement ressemble à un appel à l'aide qu'il ne peut
formuler. En absence de communication verbale possible le langage corporel
devient indispensable. Les réaction tonico-émotionnelles de
monsieur M m'ont permis de percevoir jusqu'où je pouvais m'approcher et
de comprendre sa demande de contact. Ce contact qui lui a, par la suite, permis
de s'apaiser.
2.4.8 La respiration
La respiration est une fonction physiologique indispensable
à la vie. Elle permet également d'avoir une action
régulatrice sur d'autres fonctions physiologiques comme la
fréquence cardiaque. Chez le patient psychotique en crise aiguë
toutes les fonctions physiologiques sont impacté, le rythme
nycthéméral, le rythme cardiaque et la respiration.
Franck Pittéri (1996) montre que la plupart des
mouvements psychique et émotionnels sont accompagnés par une
modification de la localisation, du rythme ou de l'amplitude respiratoire. Chez
le patient en décompensation psychotique les troubles de la respiration
traduisent de nombreuses angoisses. Ces angoisses peuvent s'exprimer sous la
forme de difficulté à respirer, d'oppression thoraciques, de
douleurs thoraciques, d'accélération ou diminution de la
fréquence respiratoire et peuvent s'étendre au niveau cardiaque
avec une sensation d'accélération du rythme cardiaque, une
sensation de douleur cardiaque voir de mort imminente.
V. Defiolles-Peltier décrit la respiration comme outil
essentiel de la thérapie. Elle pense le travail de la respiration dans
la mesure où il renvoie à des sensations archaïques de la
vie. « La respiration étant un mode d'échange entre
l'intérieur et l'extérieur du corps, elle est la base d'une
première ébauche de travail sur les limites corporelles, et
permet la réintégration de la notion du dehors et du dedans.
» (Defiolles-Peletier, 2010, p. 253). Dans ce travail autours des
sensations corporelles liées à la respiration, les notions de
sensations d'air frais qui va rentrer dans le corps et d'air chaud qui va en
ressortir met en avant la température du corps. Les mouvements que
produisent les respirations sont également des sensations
intéressantes sur
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lesquelles s'appuyer pour moduler l'amplitude et la
localisation de la respiration. Ce travail autour des amplitudes respiratoires
et de ses sensations proprioceptives permet de faire ressentir au patient
l'espace de son corps, son volume et ses limites.
Au-delà de la réintégration des limites
Defiolles-Peltier insiste sur la notion de participation du patient à sa
thérapie, il va pouvoir être acteur du soin et retrouver de la
maitrise et une autonomie vis-à-vis de sa respiration. Cette
réappropriation de son autonomie va ici passer par une
réappropriation corporelle « A partir de la respiration, une
réappropriation du corps propre va pouvoir s'effectuer. En effet, un
patient en phase aigüe se trouve d'emblée dans un état de
dépendance quasiment totale à l'égard de son entourage. Ce
travail sur la respiration lui restitue une autonomie qu'il est libre de
choisir ou de refuser. » (Defiolles-Peletier, 2010, pp. 253-254). Un
travail autour de la respiration au moment d'une décompensation
aigüe permet de gérer l'angoisse, la plupart du temps
présente et paroxystique chez tous les patients. C'est leur donner la
possibilité de pouvoir contrôler cette angoisse en incitant
à abaisser la fréquence respiratoire ce qui va diminuer les
sensations de tachycardie. L'action en elle-même mais également la
possibilité de retrouver une maitrise de certaines sensations
physiologiques angoissantes va leur permettre de faire diminuer leur niveau
d'angoisse. Forcer son attention à se focaliser sur une perception
interne que l'on peut maitriser grâce à un contrôle avec un
feedback rapide permet de diminuer l'angoisse.
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