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Contention et psychomotricité. Intérêt du soin psychomoteur dans une unité de soins intensifs en psychiatrie adulte.


par Louise LOZANO PICCOLO
ISRP Institut Supérieur de Rééducation Psychomotrice - Diplôme d'état de sychomotricien  2019
  

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2.4.4 Image du corps

Aux prémices de la construction de l'image du corps, l'enfant acquière une unification corporelle. Wallon (1931), parle des différentes étapes qui conduisent à la construction du sentiment d'unité corporelle qu'il appelle corps propre. Morin et Thibierge (2004) nous le décrivent dans leur article que « Le corps est d'abord traité par l'enfant comme s'il était fait de parties distinctes, animées chacune d'une vie personnelle : tel enfant peut ainsi offrir des morceaux de gâteau à ses orteils. » (Morin & Thibierge, 2004, p. 421). C'est par la suite, entre six mois et deux ans que Lacan (1949) situe le stade du miroir dans. L'enfant va alors s'intéresser à son image dans le miroir, dans un premier temps, en pensant que c'est un autre enfant et tente alors d'interagir avec lui. Puis c'est avec la présence de l'autre (la mère) qui le porte et le désigne physiquement et verbalement « C'est toi », que l'enfant peut reconnaitre dans un premier temps l'image de sa mère comme le reflet de celle-ci. Pour enfin à travers le regard de l'autre s'identifier à son reflet et acquérir la notion d'unité corporelle. Pourtant, chez le patient psychotique, une absence de sentiment d'unité corporel persiste. Ce sentiment peut aller jusqu'à des angoisses archaïques de morcellements, initialement très précoce dans le fonctionnement psychique.

Bullinger (2004) fait l'hypothèses que « l'image du corps est maintenue présente par les sensations elles-mêmes, mais dès que les sensations cessent, l'image du corps s'estompe » cité par (Jeannerod, 2010, p. 185). Cette sensation d'unité corporelle est entretenue par les modulations permanentes de ces états toniques, en absence de ces sensations, les patients psychotiques ne ressentent plus cette unité corporelle. Pour pallier ces angoisses, les patients peuvent adopter plusieurs stratégies qui seront alors révélatrices de la nature de leurs angoisses et si nous nous attachons à les observer et les comprendre, elles nous orienteront vers un travail approprié en psychomotricité. Souvent l'augmentation du tonus musculaire globale permet d'activer le système proprioceptif dans le but de garder un ressenti corporel, un contact avec leur corps qu'ils sentent sinon absent. Ils peuvent également diminuer l'amplitudes de leurs

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mouvements de façon à garder leurs membres contre leur axe corporel, dans l'angoisse qu'en les décollant un peu trop ils puissent se détacher.

Schilder, neurologue et psychanalyste, introduit le terme d'image du corps et le différencie du schéma corporel en le désignant comme « l'image de notre propre corps que nous formons dans notre esprit, autrement dit la façon dont notre corps nous apparaît à nous même » cité par (Jeannerod, 2010, p. 185). Nous pouvons donc comprendre cette notion comme une construction au-delà de la perception des sens, qui mêle l'imagination et les représentations mentales. Lhermitte (1998) décrit la forme de cette image comme notre lien avec le temps, elle serait donc chargée de sens et d'histoire.

L'investissement du patient psychotique de son corps va être empreint de son délire et modifiera alors, parfois profondément, son image du corps. Nous pouvons émettre l'hypothèse, que souvent, cette construction délirante qui se forme autour du corps du patient est elle-même compréhensible en cela qu'elle s'appuie sur des « perceptions sensorielles » investies de façon délirante ou encore sur des évènements symboliques de l'histoire du patient.

Madame A, patiente de l'unité intersectorielle de soins intensifs, me parlait fréquemment de ses hallucinations cénesthésique26. Elle décrivait la présence d'un chat dans son ventre, ou encore un chat qui tétait le lait de ses seins, de l'intérieur. Ces sensations corporelles étaient présentes au moment de ses menstruations et peuvent faire penser à des sensations réelles dont l'interprétation est, elle erronée. Elle me faisait également part de sensations douloureuses d'un arbre lui poussant dans l'anus. Cette sensation pouvait être corrélé à des douleurs réels de par la constipation de madame A à ce moment.

Bullinger nous dit que Les stimuli auditifs, vestibulaires, proprioceptifs, tactiles et visuels sont progressivement intégrés au sein d'une représentation globale de soi. Les grandes fonctions psychomotrices comme la coordination des deux côtes du corps, l'organisation des activités motrices avec le niveau d'activitéì, la capacitéì d'attention, la stabilitéì émotionnelle prennent leur source dans cette représentation unifiée de l'image du corps. » (Kloeckner, et al., 2009, p. 155)

26 Concernant la sensibilité interne

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L'origine du mot schizophrénie, introduit par le psychiatre Eugen Bleuler illustre la notion de fragmentation de l'esprit, « schizein » provenant du grec fractionnement et « phrèn » l'esprit. Nous pouvons percevoir dans la schizophrénie le fractionnement entre les différentes voies sensorielles qui ne peuvent plus s'accorder pour crée une cohérence et donner une représentation unifiée du vécu corporel. La sensation d'unité corporel est présente quand les différentes voies sensorielles concordent et sont cohérentes. Quand les voies sensorielles n'envoient pas des informations cohérentes entre elles, le vécu corporel est discordant. Nous pouvons citer en exemple les trajets en voitures où les informations vestibulaires ne correspondent pas aux informations visuelles ce qui peux provoquer des nausées. Également les personnes amputées qui ressentent des sensations dans le membre fantôme tout en ayant une perception visuelle en adéquation avec leurs sensations. Nous pouvons nous inspirer de ce dernier cas ou l'expérience montre qu'en créant l'illusion de la présence de la jambe manquante par une stimulation visuelle en plaçant un miroir reflétant la jambe opposée, les douleurs fantômes peuvent cesser. Nous pouvons émettre l'hypothèse qu'en rassemblant les vécus des différentes voies sensorielles nous pourrions reconstruire un vécu corporel cohérent pour ces patients. Dans ces pathologies, la problématique psychomotrice principale se situe autour de l'altération de la sensation de permanence du corps, de l'unité corporelle, de l'enveloppe corporelle et psychique. Bullinger conçoit que « Le travail en psychomotricitéì s'orientera à un niveau global vers l'intégration de l'enveloppe corporelle. On peut proposer des expériences de rassemblement à partir de médiateurs sensoriels (portage dans des tissus ou un hamac, enveloppe sonore, sensations vibratoires, pataugeoire) inscrits dans une relation. » (Kloeckner, et al., 2009, p. 155). C'est cette enveloppe corporelle qui garantit la sécurité et la permanence du corps. « Le développement sensorimoteur se conçoit dans la perspective de Bullinger comme une suite d'étapes qui s'emboitent en suivant un axe céphalocaudal. Elles aboutissent à la maîtrise d'espaces corporels : l'espace utérin, l'espace oral, l'espace du buste, l'espace du torse et l'espace du corps en déplacement. Cette construction de l'axe corporel met en lien les acquisitions posturales, les coordinations sensorimotrices et les notions spatiales. L'axe corporel apparaît non seulement comme un appui postural mais aussi comme un appui représentatif et émotionnel, à mettre en lien avec les identifications intracorporelles décrites par Haag » (Kloeckner, et al., 2009, p. 156).

Eric Pieryre (2008), s'appuie sur le travail de Françoise Dolto et développe la notion d'image composite du corps qu'il substitue à l'image du corps. Dolto introduit l'idée que l'image du corps aurait à voir avec une temporalité antérieure au corps conscient. Pieryre dénombre huit

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composantes reliées à cette période archaïque et formant l'image composite du corps. Il les regroupe en deux ensembles, celles déjà élaboré par les psychologues, psychanalystes, comprenant le sentiment de continuité d'existence, le processus d'individuation et l'identité sexuée. Dans un autre ensemble, il ouvre la voie aux travail spécifique du psychomotricien en regroupant, la peau articulation du physique et du psychique, le contrôle de la sensorialité, le vécu du contenu de l'intérieur du corps, les angoisses archaïques, et les mécanismes de défenses corporels basé sur la tonicité. Il présente dans son article une grille des indices positifs et négatifs d'observation de l'image composite du corps, un outil pour le bilan psychomoteur de l'image du corps.

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"Je ne pense pas qu'un écrivain puisse avoir de profondes assises s'il n'a pas ressenti avec amertume les injustices de la société ou il vit"   Thomas Lanier dit Tennessie Williams