2.4.1 La proprioception
Sherrington (1906), médecin neurologue introduit les
termes d'extéroception, désignant les cinq sens,
d'intéroception, qui traduit la sensibilité viscérale et
de proprioception, regroupant la sensibilité en provenance des muscles,
tendons et articulations ainsi que la sensibilité vestibulaire. La
proprioception désigne donc la perception, consciente ou non, de la
position des différentes parties de son corps dans l'espace. Elle fait
appel aux récepteurs musculaires et ligamenteux, qui informe sur le
degré de tonus des muscles et les différentes positions des
membres, les uns par rapports aux autres. Ces informations provenant des
éléments proprioceptifs sont transmises au système nerveux
centrale et permettent une régulation motrice inconsciente et une
sensation consciente de son corps.
Olivier Gapenne (2010) développe la fonction du
système proprioceptif comme indispensable à la constitution de
l'expérience corporelle. Le système proprioceptif interviendrait
comme un outil indispensable de différenciation de soi et du monde, mais
également comme un outil de constitution de l'espace vécu. Dans
le cadre des psychoses, en regard de symptômes comme
l'indifférenciation de soi et du monde, l'auteur propose
l'hypothèse selon laquelle le système proprioceptif serait
défaillant. L'altération du système proprioceptif dans la
psychose ne permettrait pas au sujet de faire correctement cette
différenciation de soi et du monde. Cette confusion sensorielle
expliquerait le manque d'unité corporelle que peux ressentir le
schizophrène. La proprioception constitue donc un sens indispensable
à la solidité du corps en tant que contenant. Elle permet de se
percevoir en interaction avec le monde, sans se confondre avec lui.
2.4.2 Schéma corporel et Image du corps
Pour comprendre les enjeux de la reconstruction
psychocorporelle en psychiatrie il s'agit d'abord de comprendre comment le
corps viens à l'enfant et par quels processus celui-ci vient à
« l'habiter ». Ces deux notions, le schéma corporel et l'image
du corps bien que différentes sont complémentaires. Dans la
psychose et particulièrement dans la phase aiguë de la maladie, le
rapport au corps est totalement modifié et c'est en comprenant les
étapes de la construction du vécu corporel des enfants que nous
pourrons trouver des leviers pour favoriser la reconstruction du vécu
corporel chez ces patients. Ainsi nous pourrons tenter de faire des liens entre
les symptômes rencontrés dans la psychose et leurs origines
potentielles dans l'altération du schéma corporel et de l'image
du corps.
32
2.4.3 Le schéma corporel
Le schéma corporel se réfère au champ de
la neurologie. Pierre Bonnier (1904) développe le sens des attitudes qui
sera l'ancêtre du schéma corporel. Il introduit la notion de
schéma, qui nous fournit la notion de localisation de chaque partie de
notre corps et forme la base de tout mouvements. Ce schéma est une
figuration topographique de notre moi. Il insiste également sur l'apport
indispensable du schéma corporel dans la notion de
différenciation de soi et du monde, du moi et du non moi.
Notre sentiment d'existence, d'individuation corporel ainsi
que notre « espace corporel » organisé de façon
topographique va nous permettre d'appréhender le monde. C'est à
travers notre schéma corporel que nous apprenons à connaitre le
monde. Merleau-Ponty écrit « Loin que mon corps ne soit pour moi
qu'un fragment de l'espace. Il n'y aurait pas d'espace pour moi si je n'avais
pas de corps. » (Merleau- Ponty, 1945, p. 119).
La perception de notre corps est étroitement
liée aux afférences sensorielles tel que les données
visuelles, kinesthésiques, proprioceptives et vestibulaires. C'est
à partir de leur intégration que nous construisons notre
schéma corporel. Ajuriaguerra appuis cette vision en donnant la
définition suivant du schéma corporel : «
édifiéì sur les impressions tactiles,
kinesthésiques, labyrinthiques et visuelles, le schéma corporel
réalise dans une construction active constamment remaniée des
données actuelles et du passé, la synthèse dynamique, qui
fournit à nos actes, comme à nos perceptions, le cadre spatial de
référence où ils prennent leur signification »
cité par (Guiose, 2003, p. 29). Dans la psychose le rapport au corps
propre est souvent modifié, le schéma corporel qui s'était
initialement constitué est remanié de par les modifications des
voies sensorielles et il devient alors pathologique. Les hallucinations
psychosensorielles, qu'elles soient visuelles, cénesthésique,
kinesthésique ou tactiles, envoies des informations sensorielles
altérer au cerveau et modifie de ce fait le schéma corporel. La
topographie du corps dans sa représentation de localisation, de forme,
d'étendu, de limite peut être altéré. Cette
réflexion peut nous amener à mieux comprendre le rapport du
psychotique avec le monde en comprenant de prime abord le rapport qu'il a avec
son corps. L'ébauche de la construction de l'existence et celle de
l'espace sont intimement liée à la construction du schéma
corporel. Nous pouvons comprendre la complexité dans laquelle se trouve
ces personnes à concevoir l'existence du monde, sa
différenciation de soi et l'organisation de celui-ci si son propre
schéma corporel subit sans cesse des modifications. La
désorganisation est un
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symptôme fréquemment rencontré chez les
patients psychotiques dans les phases aigues de la maladie. Nous pouvons voir
différemment ce symptôme, au regard des réflexions de
Merleau-Ponty. Il s'agit de comprendre la difficulté à
s'organiser dans l'espace quand un sujet manque d'organisation interne ou quand
celle-ci n'est pas solide et stable.
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