2.3.6 Les contentions mécaniques
La contention mécanique25 est une mesure
d'exception qui vise à répondre à des états
d'agitation extrême. Elle est limitée dans le temps et
découle d'une prescription médicale après concertation
pluriprofessionnelle. Elle impose une surveillance et un accompagnement
intensifs, ainsi qu'un traitement sédatif systématique. Les
contentions mécaniques doivent être posées dans une chambre
d'isolement prévue à cet effet qui doit préserver
l'intimité du patient et favoriser le repos et l'apaisement. La pose des
contentions doit également être accompagnée d'une
verbalisation au patient des raisons de leur nécessité et des
conditions de leur levée. On peut également observer dans la
pratique que le placement en chambre d'isolement et parfois la pose des
contentions mécaniques peuvent être demandés par le patient
lui-même lorsqu'il se sent débordé par sa propre agitation
ou par les tensions internes qui lui font ressentir qu'il pourrait commettre un
passage à l'acte violent. C'est une demande de cadre, d'une
autorité que
25 Illustré en Annexe 4
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l'on peut appeler paternelle, qui lui imposerait des limites
protectrices qu'il n'est pas en mesure de mettre en oeuvre seul.
Monsieur A. est un patient ayant un recours
privilégié à l'agir pour gérer ses frustrations et
ses émotions. Il se trouve actuellement en chambre d'isolement avec des
temps d'ouverture. Durant un temps d'ouverture de la chambre d'isolement il
sent l'énervement le gagner. Ses tentatives de retourner au calme dans
sa chambre sont mises en échec par son agitation motrice. Il demandera
alors à l'équipe un traitement sédatif dit « si
besoin » et la pose de contentions mécaniques. Elles seront
enlevées au bout d'une heure, après le retour au calme du
patient.
C'est aussi un moyen de rétablir un échange, une
communication quand les patients sont inaccessibles de par leur comportement et
s'efforcent de détruire les liens que les soignants tentent de
créer. Cette mesure vise à aider le patient à
repérer son aspect bénéfique, le pousser à
élaborer et faire appel à une contenance interne plutôt
qu'à cette contenance externe. Il s'agit de se servir de cet outil pour
les aider à trouver et construire des stratégies alternatives
à l'agir.
Pour que la pratique de la contention relève du soin et
non pas de l'acte automatique ou d'une simple réponse à une
situation définie, il s'agit de créer des temps
d'élaboration en équipe autour de chaque contention. Prendre le
temps de partager son ressenti, de discuter des gestes, des paroles qui ont
été choisies par l'équipe pour accompagner ce moment est
indispensable à la fonction de soin de cette mesure. Comment
pouvons-nous être contenant avec cette pratique si nous ne sommes pas
certains de son effet thérapeutique ? Mais également, si nous ne
prenons pas le temps d'exposer à nos collègues nos doutes et nos
craintes, nos incertitudes pour pouvoir élaborer ensemble sur ces
questions. Sans une remise en cause constante de nos pratiques le risque est
à l'automatisation des réponses et la mise à distance de
nos questionnements et de nos affects, pourtant indispensables pour penser le
soin avec bienveillance. Le risque est également de ne pas se rendre
compte de la fonction des contentions mécaniques lorsqu'elles font
partie de notre quotidien et d'en repousser les indications.
L'accompagnement continu de l'équipe soignante durant
la période de contention physique est également ce qui donne du
sens à la contention. Paul Sivadon (1965) l'a souligné en disant
que la proximité attentive des soignants, pendant les temps d'isolement
et de contention apporte à la contrainte sa dimension de soin. Ce sont
ces moments de proximité de la vie quotidienne que
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sont les repas, les soins d'hygiène, les traitements,
mais également tous les moments informels qui peuvent créer du
lien entre les soignants et le patient.
Les risques liés aux contentions physiques sont
nombreux et s'ajoutent aux risques des traitements pharmacologiques. Nous
pouvons noter la présence de plusieurs types de risques : les risques
physiologiques liés à l'immobilisation du patient dont, les
risques de constipation, de déshydratation, d'hypotension orthostatique,
d'escarres ou encore d'infection. S'ensuivent les risques de traumatismes
physiques liés au matériel utilisé, comme les sangles qui
compriment un membre quand le patient s'agite ; et enfin des risques
psychologiques comme l'apparition ou l'aggravation d'un état
confusionnel, ou d'agitation. Ou encore l'apparition d'un syndrome
d'immobilisation qui amène le patient à une régression
psychomotrice avec une incontinence sphinctérienne vésicale et
anale, un ralentissement idéatoire, une diminution de la capacité
d'initiative, des troubles de la mémoire, et une recherche de la
dépendance (dont l'incapacité à manger seul, un langage
enfantin ...).
Au vu de ces éléments nous pouvons convenir que
la pratique de la contention doit être utilisée comme une mesure
d'exception. Et qu'il est nécessaire de réfléchir aux
différents moyens pouvant diminuer le temps de contention du patient
pour limiter ces risques. Peut-être que la psychomotricité est la
profession la plus adaptée pour accompagner un patient sous contention
ou en chambre d'isolement. C'est un moment ou le langage amène à
une relation de confrontation. L'approche et l'intérêt que l'on
porte au corps amène une relation plus apaisée. On sera
plutôt un allié, un tiers dans la relation du patient avec son
corps, un point d'appui pour rétablir cette relation.
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