Le mouvement féminin et féministe au nord du Maroc. Objectifs et répertoire d'actions: 1990-2010par Fadma Ouaiaou ULB - Master 2011 |
I.7. Plan de la rechercheLa première partie de notre recherche est consacrée au cadre conceptuel du sujet, et au contextepolitique et social des mouvements contestataires au Maroc de l'indépendance à 2004. En effet,le chapitre I comprend la méthodologie et les concepts étudiés, ainsi que la méthode d'analyse des données et les constats incitant à une telle recherche. Dans le chapitre II, l'approche vise à présenter les actions collectives des femmes au cours de la période étudiée, soit de 1990 à 2010. Dans ce chapitre, nous visons principalement les mobilisations féminines dans la région du nord du Maroc ; une région aux controverses portant les stigmates d'un héritage patriarcal. La deuxième partie,nous la consacrons à la discussion sur la problématique : les conflits et obstacles qui ont marqués les mobilisations du mouvement féministedans le cadre de l'application du code de la famille depuis son entrée en vigueur en février 2004 jusqu'à 2010. En effet, la question des droits de la femme reste toujours, depuis l'indépendance, un enjeu dans le jeu politique37(*). La question de la place de la femme dans les deux sphères, privée et publique, fut, de tous temps, un problème au sein des sociétés arabes et musulmanes. Ainsi, dans le chapitre III, nous abordonsla place de la femme dans la sociétémarocaine avec pour objectif de montrer comment la religion est devenue un champ où se disputent les revendications contradictoires des universalistes et des islamistes.Dans le chapitre IV,nous proposerons une définition du féminisme d'Etat, développerons son histoire, envisagerons sa manifestation dans les pays démocratiques etprésenterons sa construction au Maroc. Le Maroc est un pays encadré par une pensée islamique dans laquelle il est encore plus difficile de revendiquer une citoyenneté féminine38(*).De cette façon, la discussion conduira la recherche vers une comparaison entre Féminisme islamiste, Féminisme d'Etat et Féminisme universaliste. En somme, la deuxième partie sera consacrée à analyser l'hypothèse de larecherche et à mesurer la relation entre les variables de cette hypothèse. Le but final, étant d'essayer d'approcher les fondements des rapports qui se jouent sur la scène politique et sociale au Maroc ; d'une part, entre l'Etat et les islamistes, d'autre part, entre l'Etat et les universalistes. En outre, l'approche visera à montrer le rôle de la religion et de la politique dans la construction des alliances et des oppositions dans une société qui oscille entre la modernisation (démocratie) et la tradition (l'autoritarisme). PREMIERE PARTIE FEMINISME MAROCAIN UNE MOBILISATION AU FEMININ II.CHAPITRE I : METHODOLOGIE DE LA RECHERCHE
La littérature traitant le féminisme au Maroc a révélé un manque crucial d'études sur le sujet.En effet, les recherches et les études sur le féminisme marocain, et encoreplus pour la région du nord sont quasi inexistantes. Toutefois, on trouve une importante étude élaborée par Zakya Daoud39(*), intitulée «Féminisme et politique au Maghreb,sept décennies de lutte »40(*). Cette étude ne traite pas particulièrement du mouvement féministe marocain, mais apporte des informations et des analysesen abordantle parcours de ce mouvement à travers tout le Maghreb. L'ouvrage de Zakia Daoud est la première étude ayant traité la question du féminisme au Maghreb. L'étude est une approche critique de la situation de la femmeau Maghreb (Maroc, Algérie et Tunisie) certes. Néanmoins, l'ouvrage exprime une grande admiration de la lutte des femmes maghrébines. Selon Daoud, le processus de l'évolution du féminisme marocain se divise en trois grandes phases : la première « évolution contrastée » qui commence en 1900 et s'achève en 1965 ; la seconde phase « un long hiver » de 1965 à 1985 ; la troisième et dernière phase : « l'explosion des potentialités » se déroule entre 1985 et 1992. Le point clé de cet ouvrageest la relation que fait Zakya Daoud entre la condition féminine et la politique des trois pays (Algérie, Maroc et Tunisie) concernés par l'étude.Elles'inspire fortement du philosophe Avères (Ibn Rochd) qui fîtlien entre la chute des pays arabo-musulmans et le statut de la femme. Est-ce là, tout le problème des mouvements féministes marocains qu'il faut encore régler, et avant tout étudier ? La seconde étude «La femme et la politique, étude sociologique des secteurs féminins des partis politiques41(*)»de la chercheuse Asma BEADADA42(*), parue en langue arabe n'a pas pour objectif d'approcher le féminisme marocain avec ses composantes. Cependant, l'auteure a donné une vision globale et profonde de la structure des secteurs féminins au sein des partis politiques. L'étude met en avant le lien entre la mobilisation féminine actuelle au Maroc et sa participation politique. L'auteure dénonce le fossé énorme qu'il y a entre la réelle participation de la femme dans la sphère publique et les données reprises dans les études et la documentation des divers partis politiques surcette participation. En effet, les chiffres et les études ne représentent pas la réalité. Les femmes sont beaucoup moins présentes dans la sphère publique que ce que les études veulent bien nous laisser croire. L'étude n'a pas abordé le féminisme marocain dans ses dimensions actuelles ou par rapport aux défis lancés par ce dernier. L'objectif principal de l'étude est de donner au chercheur un outil pour la compréhension de la structure des partis politiques marocains avec toutes les tendances (de gauche, de droite et aussi islamiste) à travers leur perception de la participation politique des femmes au Maroc.Aussi, l'auteure aborde les conceptsd'égalité, de parité et d'universalisme. L'étude «Le Féminisme au Maroc», publiée par Abdessamad Dialmy a la spécificité d'aborder simultanément plusieurs sujets concernant le féminisme marocain. Effectivement, l'ouvrage permet au chercheur d'approcher les différentes formes de féminisme. Pour l'auteur, il y'a trois composantes du féminisme marocain: Etatique (féminisme d'Etat) ; associative et partisane. Ces trois composantes sont présentes essentiellement au sein de deux milieux : les universités et les associations. Dialmy se rend compteque le féminisme marocain n'a pas pris racine au sein de milieux populaires. De plus, les études sur le féminisme et le genre sont encore loin de se libérer du « monopole féminin sur le marché scientifique des études féminines »43(*). Mais aussi, les universitaires n'arrivent pas à transformer la condition des femmes en objet de recherche. « Le féminisme d'Etat au Maroc, jeux et enjeux politiques »44(*) de Houria Alami M'Chichi45(*) est la dernière étude publiée sur le féminisme marocain. Cette étude est une analyse de la réalité progressiste d'un Féminisme d'Etat qui suscite certaines interrogations.Comment les pouvoirs publiques (l'Etat) peuvent-ils se servir de « la cause » de la femme et l`instrumentaliser ainsi ? Comment se manifestent les rapports entre le mouvementsocial féminin et l'Etat et comment se transforment-elles en alliances ?De quelle manière, les associations féminines mettent en place leur répertoire d'actions et leur champ de revendications ? Alami M'Chichi, affirme que le « Féminisme d'Etat » peut contribuer au processus de la démocratisation et encourage « les réflexes de participation et favorise le changement des mentalités »46(*). En effet, par exemple, pour l'auteure, le féminisme d'Etat au Maroc est différent du féminisme d'Etat en Tunisie dans la mesure où le premier associe la modernisation à la démocratisation alors que le second a modernisé la condition des femmes et la société sous l'ancien régime, enabsence de toute démarche de démocratisation. Il importe également de mentionner qu'il y'a quatre études réalisées par Aicha Belarbi, sociologue marocaine, sur les associations féminines au Maroc. La première étude « Les associations féminines au Maroc »47(*) est publiée en français et la seconde, publiée en arabe sous le titre : «Mouvement féminin et la transition vers la démocratie »48(*). La troisième étude a pour titre : «Affirmation de citoyenneté féminine »49(*) etla quatrième, s'intitule « le mouvement associatif féminin »50(*). Au cours de ces études, la sociologue Aicha Belarbi développe les actions des associations féminines, les étapes de l'évolution historique du mouvement féminin au Maroc et les obstacles que rencontrent ces associations. Cette lecture a permis de déceler un manque cruel d'études des rapports dialectiques entre le religieux, le pouvoir et le statut de la femme marocaine. Ainsi, notre problématique est construite autour des rapports entre les trois composantes du féminisme marocain (féminisme universaliste, féminisme islamiste et féminisme d'Etat), principaux acteurs chargés de la condition féminine. De ce fait, notre question de départ est« Quels sont les rapports entre les composantes du mouvement féministe au nord du Maroc, et comment peut-on qualifier ces relations à la fois de rapports d'opposition et d'alliance ? ». Nous tenterons d'y répondre à travers, la présente recherche. Ce qui est fort marquant est que le travail des organisations et associations féminines au Maroc, et particulièrement au Nord n'est pas suffisamment mis en avant dans les diverses revues et études sur le sujet alors qu'il est primordial dans la condition féminine. Il y a un manque profond de connaissance du travail de ces organisations mais surtout une vision erronée des enjeux cruciaux de ces dernières. La problématique est d'autant plus complexe que ces études ne tiennent pas compte des relations que peuvent avoir les organisations entre elles d'une part et d'autre part entre elles et les femmes bénéficiaires. Mais aussi entre les organisations et l'Etat. Alors que la compréhension de ces relations serait un facteur émanant pour une compréhension des rapports d'alliance et d'opposition entre les composantes du féminisme marocain. Aussi, pour répondre à la problématiquede la présente recherche, il importe d'aborder trois concepts principaux : le mouvement social, le féminisme marocain et le répertoire d'actions collectives. Notre recherche vise à les aborder selon leurs définitions d'après les sociologues occidentaux, mais aussi,selon le contexte historique, social, culturel et politique du Maroc. L'évolution de cette recherche va nous conduire à traiter d'autres concepts liés à la problématique principale. Il s'agit du genre et de la citoyenneté, dans la mesure où la précarité de la condition des femmes au Maroc est corolaire au manque de citoyenneté féminine à part entière basée sur l'approche genre.
La conceptualisation est une étape importante dans toute recherche en sciences sociales. Elle est plus qu'une définition, c'est une construction abstraite qui vise à rendre compte du réel51(*).Les concepts sont alors indispensables pour la présente recherche. Nous allons cerner le concept du féminisme en tant que mouvement social dans une géographie précise, celle du Maroc et à travers son répertoire d'action. Notre conceptualisation se penchera sur le féminisme marocain en tant que mouvement social, possédant un répertoire d'action et référant au féminisme, un courant mondial. * 37ALAMI M'CHCICHI, H. (2010), Le féminisme d'Etat au Maroc : jeux et enjeux politiques, Paris : L'Harmattan. * 38La Umma (communauté) est une forme de citoyenneté plutôt masculine, car la présence des femmes dans la sphère publique est très limitée selon la pensée islamique qui encadre le fondement d'Umma * 39Journaliste, écrivain et militante * 40Éditions Eddif, Casablanca, 1996, 409p * 41Edition L'institut universitaire de la recherche sociale, Rabat, 2007, 251p * 42Sociologue chercheuse et féministe * 43 DIALMY, A, 2008, P 31-36. * 44Edition L'Harmattan,Paris, 2010. * 45Professeure en science politique et en relations internationales à la faculté de droit de Casablanca, université Hassan II. * 46ALAMI M'CHCIHCI, 2010, p.... * 47 En 1989 dansAnnuaire de l'Afrique du Nord, tome XXVIII, Éd. du CNRS * 48Dans l'ouvrage collectif « Les femmes et la société civile » publié par l'organisation allemande Fréderic Edberg * 49Dans l'ouvrage collectif« La société civile consciente d'elle-même, la société civile au Maghreb », en 1998 édition Toubkal à Casablanca. * 50 Dans la revue «PROLOGUES » revue maghrébine du livre, Numéro 9, Mai 1997 * 51VAN CAMPENHOUDT, Q. (2006), Manuel de recherche en sciences sociales, Paris : DUNOD, p 115 |
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