Le mouvement féminin et féministe au nord du Maroc. Objectifs et répertoire d'actions: 1990-2010par Fadma Ouaiaou ULB - Master 2011 |
V.1.2. Apparition du mouvement Féministe islamiste au MarocDepuis les années 80, les travaux de Fatima Mernissi187(*)ont pour but d'analyser les textes religieux afin de montrer que la situation arriérée des femmes marocaines n'est pas dû à l'Islam, mais surement à une interprétation patriarcale du Coran et des Hadiths188(*). Dans le contexte marocain, et particulièrement sur le terrain de la présente recherche, le féminisme islamiste a intégré la scène associative au Nord du Maroc à travers les actions menées par des associations de quartiers. La majorité d'entre elles ont émergé à travers l'exécution des projets de développement destinés aux femmes habitants les quartiers défavorisés des villes du Nord du Maroc. De manière officielle, ces associations ne travaillent que dans le but de socialiser, d'instruire les femmes défavorisées. Et ce, par exemple, à travers des cours d'alphabétisation et des ateliers de formation professionnelle. Ces projets sont financés par des bailleurs de fonds principalement espagnols(AECI189(*) et fondation CODESPA190(*)). On retient donc que les associations porteuses de ces projets sont des associations de quartiers mais toujours avec une référence islamique. En effet, les cours d'alphabétisation se déroulent autour de la lecture et de l'apprentissage du Coran. On inculque aux femmes les principes religieux et le comportement à adopter afin d'être de bonnes musulmanes. (Qui porte le voile, qui veille à protéger l'unité familiale, celle qui est une bonne épouse obéissante et une mère idéale qui se sacrifice pour ses enfants. La femme valorisée est la femme activedans la sphère privée)191(*). Ainsi, émerge un courant islamiste dans la société civile marocaine, encouragé et soutenu par le parti islamiste légale (PJD) et le mouvement islamique « Adel wa- Al-Ihssan192(*) ». Ce dernier a une forte présence sur le terrain mais est interdit officiellement. V.1.2.1.Le mouvement féministe islamiste marqué par l'année 2000L'année 2000 est une année forte pour le mouvement féministe islamiste.En effet, cette année-là, comme expliqué dans le chapitre deux, le mouvement a pris une ampleur inattendue. Le 12 mars 2000, à l'occasion de la journée des femmes fêtée quatre jours plus tôt, une grande marche a été organisée à Rabat en faveur de l'adoptiondu PANIFD193(*).Cette marche a été mise en place par les associations appartenant au courant féministe universaliste, elle coïncidait avec l'adoption du PANIFD par le gouvernement marocainen faveur des droits de la femme. En parallèle, à Casablanca, une autre marche a lieue. Mais celle-ci, à l'inverse de la marche de Rabat, est contre l'adoption du PANIFD, notamment à cause de la composante juridique de ce plan car selon, ses manifestants, celle-ci déforme les textes religieux.Cette initiative vient des associations du mouvement féministe islamiste. Cette marche a mobilisé énormément de monde, plus que ce que le gouvernement avait prévu. Face à un tel dilemme, le gouvernement a décidé de faire appel au roi pour arbitrer la situation. Ce dernier a décidé de séparer la composante juridique du PANIFD et de constituer une commission royale chargée de la réforme du code de statut personnel (la composante juridique). En 2004, est né le code de la famille tel qu'expliqué dans le chapitre précédent. Ce qui est frappant, c'est que la commission royale n'a finalement pas apporté de grands changements à la composante juridique du PANIFD. Et pourtant, elle était en grande partie composée de membres du mouvement islamistes et conservateurs. On pourrait se demander pourquoi avoir fait un tel chahut si au final, ils ont eux-mêmes gardés les principales idées de la composante juridique. Est-ce par stratégie politique ? Est-ce pour avoir une idée de l'ampleur du nombre de leurs partisans ? Ces questionnements sont plus que légitimes quand on sait qu'ils préparaient les élections politiques 2002. Ainsi, le féminisme islamique connu en tant que féminisme islamiste vu sa référence religieuse et sa participation au sein de partis politiques gagne du terrain et se présente comme une alternative au féminisme universaliste sur la scène associative du Nord du Maroc. En conclusion, nous pouvons dire que l'année 2000a marqué un tournant majeur au sein d'organisations islamistes commele mouvementjustice et bienfaisance etle parti de la justice et du développement, (PJD). Effectivement, celles-ci, s'engagèrent publiquement sur la « question féminine en défilant dans la capitale économique du Pays(EDDOUADA et PEPICELLI, 2010).Ensuite, cette année-là,a fait sortir les associations islamistes de l'ombre. Ce qui est marquant dans la naissance et la montée des mouvements féministes islamistes au Maroc, c'est que contrairement à l'Iran, le Pakistan ou même l'Occident,l'émergence de ce mouvement a été réalisée sur le terrain. Autrement dis, par le baset pas au niveau des universitaires et intellectuels. Cette réalitéa été constatée lors de nos entretiens. Ainsi, lors de l'entretien avec la présidente de l'association « Mawadda pour le développement de la femme et la protection de la famille » Latifa Bousaid,à la question suivante : «Est-ce que vous connaissez le féminisme islamiste ou islamique ? » a répondu: « Je n'en ai jamais entendu parler, nous travaillons avec la référence islamique, mais je n'ai jamais entendu parler d'une quelconque émergence dece féminisme ». Surprises de sa réponse car cette association fait partie officiellement des mouvements féministes islamistes, nous avons tenté d'éclaircir notre question à travers la réflexion suivante : «Le « Forum Fatima Zahrae » de Rabat dont fait partie votre association Mawadda travaille en réseautage national dans le but d'étendre nationalement le féminisme islamiste. L'une de ses fondatrices,Asmae Merabet est même présidente du réseau international GIERFI194(*) dont le combat est d'imposer une troisième voie basée sur des valeurs islamiques tout en tenant comptede la référence universelle des droits humains de la femme». La présidente de l'association Mawadda n'avait pas l'air de comprendre. Est-ce par stratégieou pouvons-nous en déduire que les motivations desdécisions prises par les intellectuels du pôle marocain (Rabat et Casablanca) ne sont pas celles des petites associations locales ? En effet, Latifa Bousaid, nous a réponduqu'elle n'avait jamais entendu parler du mouvement islamiste. Cet entretien nous a permis de constaterqu'au Nord du Maroc, comme dans d'autres régions (horsCasablanca-Rabat), le travail se fait directement sur le terrain, et le débat intellectuel est laissé aux leaderships, qui pour la plus part, sont installés dans la capitale ou à Casablanca. Force est donc, de constater que l'idéologie est encore loin d'être généralisée. En effet, même si le travail est le même partout, les motivations ne le sont sans doute pas.Cependant, au niveau de la pratique, les idées des féministes islamistes sont largement diffusées sur tout le territoire marocain. Les recherches précédentes, nous ont permis de prendre connaissance de la base théorique du féminisme islamistequi se résume en l'invention d'une troisième voie. * 187Sociologue et écrivain marocaine qui amené des enquêtes la place de la femme dans la pensée islamique à travers l'analyse les paroles du Prophète. * 188Les paroles du prophète dans lesquelles a expliqué la pratique de la l'Islam * 189L'Agence Espagnole de Coopération Internationale. * 190Fondation espagnole qui travail dans le domaine de développement internationale voir : www.codespa.org * 191Réalités requit lors de la phase de l'observation entre 2000 et 2007. * 192 Mouvement islamique, dont fait parti Nadia Yassine (fille du comandant du mouvement Cheikh Yassine) fondatrice de section femme au sein du mouvement. * 193 Voir chapitre III ? * 194Groupe international d'Etude et de Réflexion sur la Femme en Islam voir : www.gierfi.wordpress.com |
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