Le mouvement féminin et féministe au nord du Maroc. Objectifs et répertoire d'actions: 1990-2010par Fadma Ouaiaou ULB - Master 2011 |
III.4.FEMINISME MAROCAIN ET LE DEFI D'INCLUSION DES FEMMESDans les années 90, l'émergence des associations localesdans la région du nord estle résultat d'une ouverture politique, imposée par les luttes des années1980 et celles du début des années 1990. Cela s'explique aussi par le fait qu'à partir de cettepériode, le gouvernement va reconnaitre les associations féministes comme actrices du changement prévu dans le processus démocratique entamé102(*). A ce propos, il importe de dire que le climat international était favorable à une telle émergence. En effet, après la conférence de 1995 sur la Femme, organisée à Beijing, le Maroc a été contraint d'instaurer davantage d'ouverture politique, et, plus particulièrement, de considérer lesdroits de la Femme comme l'une des priorités stratégiques à l'aube du XXIème siècle. Le Maroc était forcé d'entrer dans une nouvelle phase de son histoire, une phase de transition démocratique. Cette transition est marquée par la clôturedu dossier des détenus politiques et par le retour des exilés politiques103(*). Il est à noter que cette transition est venue après de grands sacrifices et de combats menés par les militants et militantes des partis politiques de gauche104(*). Des combats accompagnés par l'émergence remarquable d'une société civile active. Cette société,constituée d'associations a remplacé les partis politiques de lagauche radicale pendant les années de plomb.Par conséquent, les associations ont commencé à gagner du terrain en tant que mouvement social contestataire et revendicateur. En outre, les associations féministes étaient parmi les mouvements les plus actifs et les plus radicaux. Les associations féministes émergentes vont être confrontées à un héritage lourd au moment de lutter pour l'émancipation de la Femme ; héritage qui se manifeste par « des blocages issus de la société traditionnelle »105(*). Ainsi, l'héritage d'un système patriarcal, lié au rapport de parenté répandu dans la région méditerranéenne, fut renforcé par les traditions liées à la religion, fortement présente dans le nord du Maroc. Dans un tel système de parenté,lepuissant, qui détient tout le pouvoir au sein d'une communauté, est toujours masculin. « Ce rapport de soumission, au lieu d'une relation complémentaire entre les deux sexes, explique l'absence des femmes dans les prises de responsabilités et de décisions »106(*). Ceci explique, le combat du mouvement féministe marocain qui vise entre autre chose, larevendication d'une citoyenneté à part entière des femmes, comme l'égalité des droits et des libertés de base. Sans oublier d'inclure les droits fondamentaux, comme le droit à choisir le conjoint, le droit au divorce, le droit à une égalité dans l'héritage107(*). Cette transition politique108(*) va être couronnée par le projet du PANIFD, élaboré par le gouvernement d'alternance en 1998. Le plan part du constat d'échec des politiques publiques destinées à la promotion de la femme depuis l'indépendance109(*) Le plan comprenddivers domaines : économiques, sociaux, juridiques, liés à la situation de la femme. Voici les dispositions juridiques110(*) concernant le statut de la Femme: - Elever l'âge du mariage pour les deux sexes à 18 ans ; - Supprimer la tutelle matrimoniale ; - Transformer toute dissolution de mariage en un divorce juridique ; - Enregistrer l'enfant naturel de la mère célibataire sous le nom de famille de celle-ci ; - Le juge qui prononce le divorce doit partager les biens accumulés au cours de la vieconjugale, et offrir à la femme la moitié des biens dont elle a participé à l'acquisition, soit parson travail domestique, soit par son travailde salarié ; - Créer des tribunaux familiaux ; - Reconnaître aux femmes, le droit d'être jugée en matière du statut personnel. Le projet va être le centre d'intérêts de mobilisations pro et anti PANIFD qui créera, sur la scène marocaine, des alliances inattendues111(*), La principale initiative contre le PANIFD fut « la ligue nationale de la protection de la famille »112(*), avec le slogan « une famille soudée équivaut à une saine société ». Cette initiative a réuni le Parti de la Justice et du Développement (PJD)113(*), des membres du parti USFP114(*)avec des membres de parti Istiqlal115(*), et a été encadrée par le Ministère des affaires islamiques. Le parti d'Union Socialiste des Forces Populaires (USFP) était alors à la tête du gouvernement qui a élaboré le projet du PANIFD. Cette divisionà l'intérieure même du front qui lutte pour la promotion des droits de la femme et le changement de son statut juridique vacréer une tension entre marocainsmusulmans pratiquants et marocains musulmans occidentalisés selon les termes consacrés par les partis islamistes et traditionalistes. Et pour ces derniers, il est bien entendu que «le référentiel reste le pôle central de toutes les critiques que font (les islamistes) du projet du plan d'action et, de manière générale, de toute politique concernant les femmes »116(*). Le 12 mars 2000, deux manifestationsfurentorganisées, la première à Rabat, dans le cadre de la marche mondiale contre la pauvreté, et à l'initiative des associations féminines.La seconde à Casablanca oùse retrouvent les opposants au PANIFD. Toutes deux ont été organisées le même jour, à la même heure. La grande différence dans lenombre de participants entre les deux marches, (six à dix fois plus de participants à celle de Casablanca qu'à celle de Rabat), fut le symbole d'une opposition populaire massive au PANIFD117(*). Mais cette différence du nombre s'explique facilement si l'on considère tout simplement, les acteurs à l'origine des manifestations. En effet, cefront dur représenté à Casablanca fut soutenu par le Ministère des affaires islamiques avec tous ses organismes (les lauréats de « dar Hadite Hassaniya118(*) », la ligue des oulémas du Maroc119(*), les imams des mosquées du Royaume). En plus, il y avait également la présence d'organisations non étatiques, comme le parti islamiste « justice et développement » et le mouvement d'unification et de réforme120(*).De l'autre côté, on retrouve le front qui a soutenu le PANIFDjusqu' à ce que le gouvernement déclare son intention de mettre le dossier du plan entre les mains du commandeur des croyants le 13 janvier 2000. Finalement, le plan a été retiré, mais a laissé la place à une stratégie nationale pour l'intégration de la femme dans le développement présentant un changement radical dans la structure du document. Dorénavant, il s'agit de séparer le domaine juridique des autres domaines politiques, sociaux et économiques. La charge du juridique est prise en main par le Roi Mohammed VI qui va créer «une commission consultative chargée de la révision de la moudawana ». Cette commission est le fruit du pouvoir du roi qui a joué le rôle d'arbitre : «le recours à l'arbitrage royal a trahi les limites de l'exécutif, pire, il a montré que l'exécutif n'est qu'une partie du conflit incapable de trancher au profit de son propre plan»121(*). Nous allons aborder, dans les chapitres suivants, les causes et les conséquences de cette nouvelle réalité qui s'annonce sur la scène politique marocaine. Une réalité aux origines de l'émergence du mouvement féministe islamiste au nord du Maroc et du féminisme d'Etat. * 102ALAMI M'CHCICHI, H, (2010), Le féminisme d'Etat au Maroc : Jeux et enjeux politiques, Paris : L'Harmattan, p 47. * 103 C'est le dossier noir des années de Plomb, qui été validé en 1994, ainsi les exilés politiques sont retournés au Maroc, et les procès symboliques ouverts pour entendre les témoignages des exilées, des détenus et aussi leurs familles. * 104Violations des droits humains, les tortures, les disparitions ainsi que les assassinats politiques. * 105 COMBE, J. (2001),p114. * 106LAALA HAFDANE, H. (2003),Les femmes marocaines une société en mouvement, Paris : l'Harmattan, P 36. * 107 CHARRAD, M. 2003. * 108 La période de transition (1994-1999), est marqué par la réforme de la constitution en1996, liquidation limitéede dossier des violations des droits, et l'arrivé de gouvernement d'alternance en 1998. * 109 SAADI, S. (1998), PANIFD,Rabat : Secrétaire d'Etat de la famille * 110 Secrétariat d'Etat chargée de la protection sociale, de la famille et de l'enfance, (1999), PANIFD, (47- 49). * 111DAMMAME, A. 2005, P 200. * 112 Ibidem. * 113Parti Justice et Développement né le 2 juin 1996, d'après une unification avec un autre parti politique mouvement national populaire est qui va adopter un nouveau nom : PJD, cette stratégie est adopter par les islamiste car l'Etat n'accord pas d'autorisation pour des partis politiques qui se base sur une référence religieuse. Mais ça n'a pas empêché le parti de dévoiler sa référence à travers des discours qui revendique le retour à la charia. (BENADADA, A. (2007), La femme et la politique : Etude sociologique des secteurs des femmes au sein des partis politique, Rabat : IURS,p134. * 114Union socialiste des forces populaires, un ancien parti du gauche crée en 1972, etqui a été élu Pour la première fois au gouvernement d'alternance en 1997. * 115Parti du mouvement nationaliste il est sur la scène politique avant l'indépendance, il a une référence réformiste salafiste basée sur la religion islamique. * 116ALAMI M'CHICHI, H.(2002)P 66. * 117DAMMAME, A, (2005),P 202 * 118Institut qui forme les savants en sciences de la religion et la charia se trouve à Rabat sous la tutelle du Ministère des Habous et les affaires islamiques. * 119La ligue des Oulémas du Maroc (la ligue des savants religieux du Maroc) * 120BENADADA, A. (2007), La femme et la politique : Etude sociologique des secteurs des femmes au sein des partis politiques,Rabat : IURS, 236-237. * 121DIALMY,A. (2004), P 121-135. |
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