L'émergence de la question environnementale
Mon projet consiste donc à interpréter le
concept d'hydro-diplomatie, tel qu'il sera défini dans la
première partie du travail, et d'observer l'efficacité et la
durabilité de l'IBWC pour lutter contre les problèmes
environnementaux à la frontière. Il s'agira d'évaluer dans
quelle mesure l'institution créée au milieu du XXe
siècle a été capable de prendre en charge des questions
hydriques plus globales que celles pour lesquelles elle avait été
imaginée, en prenant en compte notamment les nouveaux enjeux
environnementaux.
Ce travail contribue à la recherche dans le domaine de
la diplomatie de l'eau à la frontière entre les États-Unis
et le Mexique. La plupart des recherches portant sur l'eau à la
frontière et l'hydro-diplomatie rapportent que les relations
asymétriques entre les deux pays jouent un rôle
prépondérant, que ce soit au XXe ou au XXIe
siècle, dans la mise en place de projets binationaux pour la
résolution de problèmes hydriques. De plus, les institutions
binationales demeurent essentielles pour la mise en oeuvre de projets communs
de préservation de l'environnement et d'une gouvernance adaptative
permettant d'adopter, petit à petit, une gouvernance de plus en plus
écologique. Toutefois, l'importance, le pouvoir et le poids de ces
institutions pourraient être accrus. Par ailleurs, même si beaucoup
de ces études portent sur l'alliance et l'entente entre les
institutions, ainsi que sur les populations et les gouvernements des deux pays,
un grand nombre d'entre elles se focalisent sur la frontière, les
problèmes hydriques et leur impact aux États-Unis, davantage
qu'au Mexique.
Dans ce contexte, ma recherche viendra apporter une
perspective environnementale à l'analyse des projets binationaux de
l'IBWC, en particulier. Ce travail s'inscrit dans une dynamique d'analyse
environnementale des relations internationales et de l'évolution de
l'environnement dans la mise en place de projets binationaux et dans la
volonté de résolution des problèmes hydriques. Les
articles scientifiques de Stephen Mumme et de Margaret O. Wilder, entre autres,
ont également permis de comprendre la place de l'asymétrie dans
les relations entre les États-Unis et le Mexique et la manière
dont l'IBWC travaille à la réduire dans la résolution des
problèmes hydriques binationaux pour répondre aux attentes
environnementales de manière optimale.
Ainsi, dans un premier temps, il s'agira de définir
l'hydro-diplomatie et d'appliquer cette définition au contexte de la
frontière mexicano-étatsunienne.
Pour ce faire, ce travail s'appuiera notamment sur l'ouvrage
Hydro-diplomacy: Sharing Water Across Border, dirigé par Ganesh
Pangare, qui pose la question de l'hydro-diplomatie comme acteur et vecteur de
coopération dans des régions plus ou moins stables. Il pose les
bases et concepts liés à l'hydro-diplomatie et
particulièrement les organisations internationales, telles que l'ONU, et
les accords internationaux comme la Convention sur la protection et
l'utilisation des cours d'eau transfrontières et des lacs internationaux
(Vega Cárdenas 2020, 31) qui vise à protéger les
ressources et à garantir une quantité et une qualité d'eau
suffisante. J'utilise également des articles scientifiques et des
interviews de Fadi Comair, dans la mesure où il explique sa propre
vision du concept d'un point de vue global et dans le contexte régional
particulier du Moyen-Orient qu'il est possible de comparer avec la
frontière entre les États-Unis et le Mexique. Il est
nécessaire, dès lors, de mettre en lumière la
particularité des relations hydriques entre les États-Unis et le
Mexique qui n'ont jamais ratifié un quelconque instrument international,
en dehors de l'IBWC, lié à la conservation de l'eau. Ils n'ont
pas, non plus, ratifié la Convention citée au-dessus, mais
préfèrent leurs instruments régionaux, tels que l'IBWC,
pour gérer et préserver l'eau à leur frontière.
Dans cette dynamique, et puisque les deux nations semblent se détacher
de la question du dérèglement climatique à
l'échelle internationale, comment leur coopération peut-elle
persister dans le temps pour résoudre les problèmes
environnementaux et ceux liés à l'eau ?
L'utilisation d'articles de revues scientifiques sur
l'hydro-diplomatie et la diplomatie environnementale permet également de
rendre compte de l'importance grandissante de ce concept dans les
régions du monde, et notamment à la frontière
États-Unis-Mexique, où une stabilité des relations est
nécessaire à tous les niveaux dans un ordre mondial en
évolution.
Une seconde partie reviendra plus en détail sur
l'évolution de l'IBWC et de traités depuis celui de 1944 pour la
préservation des rivières et de l'environnement. Il s'agit
d'analyser l'évolution de l'IBWC au fil du temps pour, aujourd'hui,
être capable d'intégrer le concept d'hydro-diplomatie à sa
définition. Quels biais permettent, à l'heure actuelle, à
la Commission de pouvoir résoudre, plus ou moins efficacement, les
problèmes liés à l'eau et de préserver, autant que
possible et jusqu'à quel point, les ressources hydriques à la
frontière ? L'IBWC parvient-elle à régler l'ensemble
des problèmes environnementaux ? Il faut comprendre la
manière dont la relation hydrique a évolué entre les deux
instances de l'IBWC et comment les ambitions écologiques globales ont
changé pour permettre à l'IBWC de se développer en faveur
de l'environnement.
Pour répondre à cette question, je prends appui,
notamment, sur l'ouvrage The U.S.-Mexican Border Environment: Progress and
Challenges for Sustainability, coordonné par Erik Lee et Paul
Ganster, qui propose un éventail de points de vue sur la
frontière entre les États-Unis et le Mexique et la relation de
chaque État avec cette frontière. Le livre consiste, pour une
grande part, à détailler les initiatives des gouvernements
fédéraux, voire l'action de la population pour la conservation de
la qualité de l'eau à la frontière, des énergies
durables dans la région et pour la mise en place d'infrastructures
environnementales durables. L'idée principale du livre, comme son nom
l'indique, est d'exposer les progrès qui ont été
réalisés ces dernières décennies, ainsi que les
défis et enjeux qu'il reste à relever concernant la
préservation de l'environnement pour le futur.
Enfin, la troisième partie tentera de mettre en
évidence le changement de perspective récent de l'IBWC et le
changement de son axe de travail, devenu bien plus environnemental. Il sera
question, notamment à l'aide des sources secondaires, de constater le
nouvel impact et la nouvelle efficacité, plus ou moins constante, de la
Commission Internationale des Frontières et des Eaux sur la
préservation de l'environnement et la réactivité
croissante des ONG au fil du temps dans la mise en oeuvre de nouvelles
Minutes et plus globalement dans la résolution de
problèmes environnementaux. Les années 1990 et 2000 marquent un
tournant notable dans la prise de conscience de l'importance de la protection
des écosystèmes et de la biodiversité à la
frontière. Les coûts devenant de plus en plus élevés
pour résoudre les problèmes hydriques, comme les
sécheresses ou la pollution, les États-Unis et le Mexique ont
dû améliorer, au moyen de différents traités et
accords tout au long de ces dernières décennies, leur
coopération en faveur de l'environnement. L'utilisation et l'analyse
finale de certaines Minutes permettront de mettre en lumière la
capacité et la volonté, de plus en plus marquées, de
l'IBWC de préserver l'environnement à la frontière des
États-Unis et du Mexique, même si la Commission ne parvient pas
à solutionner tous les problèmes environnementaux à la
frontière. En effet, les dernières Minutes de l'IBWC
sont un exemple concret de ces avancées, avec notamment une mise en
oeuvre de pratiques et d'un plan binational pour la préservation et la
restauration du fleuve du Colorado.
|