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La commission internationale des frontières et des eaux (IBWC) face aux enjeux de la préservation de l'environnement


par Clémence Léger
Université Sorbonne Nouvelle - Paris 3 - Master Etudes Européennes et Internationales - Aire anglophone 2022
  

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Antécédents des relations hydro-diplomatiques entre les États-Unis et le Mexique

Pour mieux comprendre les enjeux et problèmes actuels de l'eau à la frontière, il faut revenir au siècle dernier.

Même s'il n'est pas le premier accord à gérer les eaux frontalières entre les deux pays, le Traité de 1944 est le premier à instaurer des limites d'utilisation et une vraie réglementation à la frontière. Toutefois, il faut rappeler que l'asymétrie des relations politiques au niveau régional et des statuts des États-Unis et du Mexique en 1944 ont probablement pu avantager les États-Unis dans la signature de ce Traité quand le Mexique a, en quelque sorte, été contraint de le signer. En effet, en 1944, les États-Unis étaient en pleine construction de leur superpuissance au niveau militaire, économique et diplomatique. En d'autres termes, ils construisaient leur hégémonie alors que le Mexique, économiquement faible et fragilisé par une corruption institutionnalisée post-révolution (Rubenstein 2001, 180), se développait et faisait face, une nouvelle fois, aux conséquences d'une sécheresse dans la vallée de Mexicali. Ceci le plaçait encore plus en position de faiblesse par rapport aux États-Unis (Anderson 1972, 607-8).

En outre, plus de soixante-dix ans après sa mise en place, le Traité de 1944 est critiqué puisqu'il ne fait, en aucun cas, référence ni à la gestion durable des ressources hydriques, ni à la gestion de la pollution, de la qualité de l'eau ou des nappes phréatiques et des écosystèmes (Wilder et al. 2019). Ainsi, il est possible de remarquer que la gouvernance des eaux en 1944 et, plus généralement, dans la première moitié du XXe siècle ne se focalisait ni sur la conservation de l'environnement ni sur la biodiversité, mais plutôt sur une préservation de la paix dans la région et une répartition équitable des ressources hydriques à la frontière. Cependant, l'augmentation et l'aggravation des problèmes environnementaux ont poussé les deux pays et l'IBWC à favoriser, de plus en plus, une approche écologique pour la résolution de ces problèmes.

Pour tenter de pallier ces problèmes hydriques, les États-Unis et le Mexique ont signé l'Accord de La Paz en 1983, aussi connu sous le nom d'Accord États-Unis-Mexique sur la coopération pour la protection et l'amélioration de l'environnement dans la zone frontalière (Mumme et Duncan 1997-8, 44), mettant ainsi en place une coopération entre les deux nations pour la protection de la frontière et, par la même occasion, la préservation des rivières frontalières. Cet accord fut créé, en particulier, pour augmenter les marges de manoeuvre de l'IBWC dans la résolution des problèmes. De plus, les enjeux de cet accord n'étaient pas uniquement environnementaux, mais aussi économiques puisqu'il s'agit de résoudre des problèmes de types environnementaux et hydriques qui coûtent de plus en plus, sur le plan politique, économique et environnemental, aux deux nations.

Plus récemment encore, en 1994, les États d'Amérique du Nord ont signé l'ALENA, l'Accord de coopération économique et de libre-échange entre le Canada, les États-Unis et le Mexique (NAFTA - North-American Free Trade Agreement), qui a été remplacé par l'Accord Canada-États-Unis-Mexique - ACEUM en 2021. Au début des années 1990, les critiques concernant l'IBWC et l'Accord de La Paz étaient de plus en plus vives dans une période où les problèmes hydriques à la frontière se succédaient (Mumme et al. 2012, 10). On peut citer, entre autres, la multitude de sécheresses qui a touché le Mexique à cette époque et la période qui a vu un déficit de précipitations prolongé et extrême (Stahle 2016, 36). Dans cette mesure, l'accord de l'ALENA devait permettre, comme il en sera question plus tard, d'apporter davantage de nouvelles solutions à l'IBWC pour résoudre les problèmes hydriques entre les deux pays.

Faciliter la résolution de problèmes environnementaux a pu se faire d'une part grâce à la Commission de coopération environnementale, créée également en 1994 - qui a mis en oeuvre l'Accord nord-américain de coopération dans le domaine de l'environnement (ANACDE) (Lavoie 2001, 3-4) - et d'autre part à la Banque de développement d'Amérique du Nord (Seelke et Klein 2021, 29). L'objectif de ces deux institutions était d'offrir un financement pour les projets qui visaient à rétablir un environnement sain, mais les résultats obtenus ne furent pas ceux escomptés ; les organisations citées restaient passives malgré les projets et les fonds disponibles n'étaient pas utilisés de façon optimale pour répondre aux attentes environnementales (Runde et Rice 2021).

Le nouvel accord de l'ACEUM reprend notamment les principales dispositions de l'ALENA et modernise les dispositions de l'ANACDE et de la Commission de coopération environnementale avec un nouvel accord de coopération dans le domaine de l'environnement (Gouvernement du Canada 2020, 3).

Tous ces accords ont permis à l'IBWC de progresser en lui donnant, grâce à la mise en place de nouvelles réglementations, la possibilité de travailler sur la préservation de l'environnement en particulier. Par exemple, la Minute 319 de 2012, qui sera analysée plus tard, a permis des flux d'eau vers le delta du fleuve Colorado, situé dans l'État de Basse Californie, au Mexique. Il s'agissait de la première fois où les États-Unis et le Mexique fournissaient de l'eau au delta dans le but de promouvoir la restauration de l'écosystème (Wilder et al. 2019). Il est ainsi possible de distinguer, depuis le début des années 2000 notamment, une intensification du travail de la Commission ainsi que des ONG environnementales en faveur de la préservation et de la réhabilitation environnementale des rivières. Les ONG sont ainsi supposées permettre depuis plusieurs décennies de réunir les fonds pour respecter les engagements de préservation et de restauration (Wilder et al. 2019).

En somme, on peut considérer que l'évolution de l'IBWC depuis sa création lui a permis d'intégrer le concept d'hydro-diplomatie à sa définition. Pour ce faire, l'instauration de Minutes a été primordiale depuis 1944 et a rendu possible un changement d'axe plus environnemental au fil des décennies tout en préservant le rôle traditionnel de la Commission. Cependant, les problèmes environnementaux se multiplient et posent la question de l'adaptabilité de la Commission aux questions environnementales. En effet, à quel degré l'IBWC est-elle efficace face à la préservation de l'environnement et dans quelle mesure l'évolution de la Commission lui permet-elle, aujourd'hui, de pallier les problèmes environnementaux, de plus en plus prépondérants ?

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"Aux âmes bien nées, la valeur n'attend point le nombre des années"   Corneille