Hydro-hégémonie
Un autre élément qui semble crucial pour mieux
cerner les enjeux de l'hydro-diplomatie et la situation à la
frontière entre les États-Unis et le Mexique est le concept
d'hydro-hégémonie. Robert G. Varady, Andrea K. Gerlak et Emily D.
McGovern en proposent une définition dans le chapitre
« Hydrosolidarity and its place in International Water
Diplomacy » de l'ouvrage Hydro-Diplomacy: Sharing Water
Across Border : « the term implies features unequal power
relationships such as upstream-downstream interactions between states »
(Pangare 2014, 23). Ce concept implique nécessairement qu'une relation
de pouvoir existe entre les différentes entités impliquées
dans la gouvernance hydrique et que l'une d'entre elles est toujours plus
puissante que l'autre. Cette supériorité peut être due
à des particularités géographiques (amont et aval).
L'exemple des relations hydriques entre les États-Unis et le Mexique
à l'époque de la mise en place du Traité de 1944, et
encore après, peut s'apparenter à de
l'hydro-hégémonie. En effet, comme expliqué dans
l'introduction, les États-Unis, possédant l'amont du fleuve
Colorado, pouvaient décider de la plupart des principes des
traités concernant cette rivière. C'était également
le cas à cause d'une sécheresse en 1943 dans la vallée de
Mexicali qui avait affaibli le Mexique, comme il en sera question dans la
prochaine partie. Quant au Mexique, détenant la plupart des affluents du
Rio Grande, il devait avoir une influence essentielle dans la mise en place des
principes pour le fleuve. Il sera néanmoins observable, dans une section
dédiée à la situation inégale entre les deux pays
lors de la signature du Traité de 1944, que le Texas, entre autres, a eu
un très fort impact dans les principes d'approvisionnement en eau du Rio
Grande (Mumme et Little 2010, 256). De plus, lorsque le Traité de 1944
fut signé et lors de la détermination des principes de ce
dernier, les États-Unis se pensaient supérieurs diplomatiquement,
économiquement et même au niveau de l'ethnie. En effet, la
frontière représentait une limite entre le Nord et le Sud, entre
un peuple civilisé et un autre qui ne l'était pas, selon la
pensée étatsunienne (Massey 2016, 160). Dans cette perspective,
il n'est pas faux de penser que les États-Unis désiraient mettre
en place des principes qui les avantageaient le plus sans se soucier des
retombées environnementales probables de ces principes sur le Mexique
puisque cette question n'était pas importante lors de la signature du
Traité. Ainsi, les politiques binationales évoluent, même
si durant de longues décennies, les problèmes en aval des
fleuves, causés par de mauvaises pratiques en amont et par une mauvaise
gestion globale des ressources, ne se voyaient pas résolus par les
États-Unis puisque cela ne les impactait pas directement.
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