1.5. Allochtone
Le terme se compose de « allo » et «
chtone» du grec « kthôn » «
engendrer » signifie qui a une origine autre, qui a pris
naissance ailleurs ou qui provient d'un autre endroit (Rémy et Beck,
2008).
En effet, deux grandes orientations (distinctive et
minoritaire) gouvernent la compréhension de ce concept.
Ainsi, dans la conception distinctive, les auteurs emploient
le terme pour désigner des groupes ethniques installés depuis peu
de temps sur un territoire présentant encore des caractères
raciaux et ethniques qui les distinguent de la population autochtone. Pour le
Centraal Bureau Voor de Statistick (2003), le terme est utilisé pour
désigner « des personnes ou groupes de personnes d'origine
étrangère ». Autrement, le trait distinctif des
allochtones résiderait dans le fait que cette population est
étrangère à la population native, c'est-à-dire une
population dont la structure n'est pas compacte et soudée en termes de
liens, dont les membres ne partagent pas nécessairement les mêmes
histoires et donc, pourraient ne pas se reconnaitre mutuellement comme
appartenant au groupe allochtone (Kouassi, 2017).
Dans cette même optique, Bonnecase (2001) mettant en
avant l'hétérogénéité dans la structure
allochtone pense que ceux-ci « ne constituent pas un ensemble
d'individus homogène et objectivement délimité
». Autrement, les allochtones, loin de constituer des groupes
homogènes, présentent un caractère de dispersion,
d'installation incontrôlée dans des endroits selon le degré
d'hospitalité du peuple tuteur.
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Aussi, l'auteur met-il en avant la distinction fondamentale
entre allogènes ivoiriens et allogènes non-ivoiriens. A ce sujet,
il affirme que « la notion est relative à un espace de
référence qui, s'il prend souvent pour limite les
frontières du pays (les non Ivoiriens), peut également se
dégager en deçà, au niveau de la région (les
allogènes ivoiriens) et de toute entité spatiale, jusqu'au
village (les ressortissants de communautés villageoises voisines).
Autrement dit, la catégorie « allogène » se
catégoriserait en deux sous-groupes : les allogènes ivoiriens
nommés allochtones et les non-ivoiriens. La première
catégorie, c'est-à-dire celle des allochtones elle-même se
subdiviserait en deux sous-groupes : d'une part les membres d'autres groupes
ethniques (allochto-allogènes) et d'autre part, les membres du
même groupe ethnique mais d'un village différent
c'est-à-dire qu'ils ne partageraient pas les mêmes origines
ancestrales avec la population native. Autrement, le groupe allochtone se
subdivise en ressortissants d'autres communautés ethniques (allochtones)
et en ressortissants du même groupe ethnique mais de villages
différents ; une sorte d'autochto-allochtone.
Cette appréhension du concept alimente certes sa
compréhension dans une dynamique distinctive d'avec la population «
mère », mais force serait de savoir qu'elle souffre de
mutisme quant à la prise en compte de cette catégorie comme
minorité. Toute chose qui sera prise en compte par une autre
appréhension d'obédience minoritaire.
Dans cette nouvelle approche, Rouland, Pierre-Caps et
Poumarède (1996) mettent l'accent sur l'identité allochtone qui
diffère de celle autochtone. Ils pensent que, contrairement à
l'identité autochtone qui est substantielle et primordiale,
l'identité allochtone tient à des référentiels
obligés qui sont subjectifs par rapport au groupe autochtone. A cet
effet, ils affirment que l'identité allochtone « est
instrumentale et subjective. Elle correspond à des
réinterprétations du passé, aux sélections de
séquences chronologiques opérées à l'époque
».
Relativement à ces auteurs, Gnabeli (2008) voit en
cette catégorie, un groupe minoritaire, une sorte de population
dominée. Ainsi, il note que « c'est dans le champ politique
villageois que l'idéologie de l'allogénie va fonctionner pour
désigner des positions légitimes de dominés à
l'égard des dominants (autochtones) ». Ceci pour
désigner la dysproportionnalité dans les rapports de nombre, de
force, d'ancrage culturel de ces peuples d'avec la population autochtone.
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Nous opterons pour une définition qui serait au
confluent de ces deux approches (distinctive et minoritaire). Nous pensons que
la prise en compte de ces deux aspects pourrait véritablement permettre
d'aiguiser la compréhension de ce concept selon l'orientation que nous
souhaitons lui donner dans ce texte.
Ainsi, nous appelons « allochtones », des
peuples ou groupes ethniques installés depuis peu de temps sur un
territoire donné, et qui, tout en constituant une minorité par
rapport à la population tutrice, se réclame d'une identité
subjective par rapport à celle du référentiel
autochtone.
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