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Thèse unique de doctorat criminologie.


par Jean Noel PacàƒÂ´me KANA
Université Félix Houphouet Boigny d'Abidjan - Doctorat en Criminologie 2019
  

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2. Concepts implicites

La conceptualisation de « conflit foncier» laisse transparaître quelques centres d'intérêts parmi lesquels nous retiendrons: Système agraire, Violence, Crime, Crise, Déviance.

2.1 Système agraire

S'investir dans une entreprise de définition des contours sémantiques du concept de « système agraire » ne parait pas chose aisée et son identité étymologique est fonction des paramètres physiques, biologiques, humains, géographique économique et relationnel. Pour bien comprendre le sens du concept, il parait nécessaire de passer en revue les conceptions traditionnelle et moderniste avant d'en venir à la conception purement socio-rurale.

En effet, dans la conception traditionnelle, les auteurs abordent la question de système agraire dans une dynamique systémique. Ils intègrent les pratiques agricoles, les « manières concrètes d'agir » comme moyen d'analyse et comme expression de la cohérence du système. Le système agraire peut selon eux, être scindé en sous-systèmes constitutifs ; d'un côté le système agraire ou foncier et de l'autre, le système de production lui-même décomposé en système d'élevage ou de cultures. L'ensemble est en perpétuelle dynamique spatio-temporelle et les pratiques agricoles sont à l'origine de la formation d'objets repérables dans le paysage (Besson, 1992).

Chercher donc à définir le système agraire reviendrait à le considérer en amont comme un système composé de ces deux sous-systèmes puis en aval, à analyser la relation entretenue par ces deux sous-systèmes. C'est dans ce contexte que

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Mazoyer (1975) affirme que « Chaque système agraire est l'expression théorique d'un type d'agriculture historiquement constitué et géographiquement localisé, composé d'un écosystème cultivé caractéristique et d'un système social productif défini [ou «système technique, économique et social»], celui-ci permettant d'exploiter durablement la fertilité de l'écosystème cultivé correspondant ». Autrement, l'auteur pense qu'analyser et concevoir en termes de système agraire, l'agriculture pratiquée à un moment et en un lieu donnés, consiste à la décomposer en deux sous-systèmes principaux, l'écosystème cultivé et le système social productif, à étudier l'organisation et le fonctionnement de chacun de ces sous-systèmes dans leurs interrelations.

Dans ce regard systémique, Cholley (1946) établit une interdépendance entre l'écosystème et le système social ; autrement entre le cultivateur et l'espace de culture. Ainsi, il affirme qu'« on arriverait à serrer de beaucoup plus près la réalité en considérant que l'activité agricole révèle une véritable combinaison ou un complexe d'éléments empruntés à des domaines différents très étroitement liés pourtant ; éléments à tel point solidaires qu'il n'est pas concevable que l'un d'entre eux se transforme radicalement sans que les autres n'en soient pas sensiblement affectés et que la combinaison tout entière ne s'en trouve pas modifiée dans sa structure, dans son dynamisme, dans ses aspects extérieurs même ». En d'autres termes, le système agraire parait pour lui comme le lien indissociable, interdépendant et interactionnel entre l'écosystème (espace de culture) et le système social composé d'acteurs inclus dans un environnement déterminé. Et ce sont précisément ces interactions réciproques entre les éléments relevant, d'une part, de « l'écosystème cultivé » et, d'autre part, du « système social productif » qui confèrent à l'ensemble le caractère de système agraire (Cochet, 2011).

Pour George (1956), il est certes nécessaire de définir le système agraire à partir du système composé de l'écosystème et du système social, mais insiste sur l'intégration des données géographique et économique dans la définition. Il pense donc que le système agraire est l'ensemble des données relatives à l'aspect morphologique des terroirs et aux combinaisons qualitatives sur lequel repose le système d'exploitation. De cette définition, deux éléments nouveaux apparaissent : les formes d'utilisation du sol et la manière d'assurer cette utilisation. Le système agraire permet donc d'identifier toute forme d'agriculture comme un système d'interactions entre la mise en place et la gestion d'un écosystème cultivé.

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Cette conception traditionnelle a certes de mérite de poser les bases sémantiques du concept (de système agraire) en relevant son caractère systémique mais à y voir de près, elle tend à confondre le concept de système agraire à celui de structure agraire. D'autres contributeurs dans un regard moderniste, intègrent des notions de techniques agricoles et les modifications de rapports sociaux dans la définition.

Ainsi, Dufumier (2007) pense que le concept de système agraire est aussi complexe qu'exigeant. Cette complexité est le reflet de la réalité qu'il cherche à décrire. Celle-ci proviendrait, d'une part, de l'exigence de combinaison d'échelles d'analyse très différentes, et d'autre part, de celle d'exprimer le faisceau de relations. Dès lors, il affirme que le système agraire ne peut alors être considéré comme un simple système technique de pratiques agricoles, ni réduit aux seules structures de répartition des terres destinées à l'agriculture. Dans ce paradigme, définir le système agraire revient à analyser conjointement les transformations des techniques agricoles et les modifications qui interviennent dans les rapports sociaux, non pas seulement à l'échelle locale mais aussi au niveau national et international.

Pour Mazoyer et Roudard (1997), le système agraire est « l'expression théorique d'un type d'agriculture historiquement constitué et géographiquement localisé, composé d'un écosystème cultivé caractéristique et d'un système social productif défini, celui-ci permettant d'exploiter durablement la fertilité de l'écosystème cultivé correspondant ». De cette définition, il ressort avec Moindrot (1995), trois éléments : l'étude des paysages agraires, les systèmes de production agricole et les structures foncières.

Cette conception moderniste intègre certes de nouveaux éléments dans la conceptualisation du terme de système agraire mais souffre de mutisme lorsqu'il s'agit de prendre en compte la spécificité rurale qui fait part belle au respect des principes coutumiers. Toute chose qui a constitué le point d'ancrage d'une conception d'obédience socio-rurale.

Ainsi, des tenants de la conception socio-rurale, Agnissan (2012) reste le plus prolixe et pense qu'aujourd'hui, avec l'urbanisation et son acculturation, l'homme moderne africain perçoit de moins en moins ses rapports avec la nature en termes de complémentarité dialectique et tend à évacuer sa dimension sacrée et lui substituer une forme d'antagonisme. Les logiques qui fondent la dynamique des systèmes

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agraires urbains obéissent plus à des considérations d'ordre socioéconomique (rentabilité, profit, productivité) et ignorent souvent la logique socioreligieuse et symbolique sous-jacentes. L'on assiste selon l'auteur, à l'émergence de nouveaux types de comportements humains et de "gestion laïque" des systèmes agraires urbains qui mettent en péril la survie des forêts sacrées inscrites dans un processus de désacralisation permanente. Autrement, l'auteur pense que l'intégration de la dimension sacrée de la terre et ses composants, pourrait certainement permettre d'aiguiser la compréhension du concept sous nos tropiques.

Par ailleurs, Agnissan insiste sur le fait que l'espace physique ou géographique est doublée d'une dimension spirituelle, sacré, un espace mythique culturellement géré par les autochtones. Ces attributs sacrés s'expriment à travers les constituants physiques de l'environnement (eaux, minéraux, montage, arbre, forêt, etc.) qui ne sont pas de simples objets matériels mais des entités écologiques habitées par des esprits (les génies et les ancêtres). L'auteur innove et intègre un élément nouveau : aspect sacré des constituants physiques de l'écosystème dans l'étymologie du concept de

système agraire. Dès lors, définir le système agraire dans une dynamique
Agnissanienne, serait prioriser les attributs sacrés de la terre qui deviennent de ce fait, le substrat de l'identité même du concept (de système agraire).

Retenons dans le cadre de ce travail que le système agraire est un système composé de terres dotées d'attributs sacrés et de cultivateurs entretenant des liens étroits avec la terre cultivée ou à cultiver.

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"En amour, en art, en politique, il faut nous arranger pour que notre légèreté pèse lourd dans la balance."   Sacha Guitry