5.1.5 Diversité d'acteurs de gestion et
confusion de rôles
Les acteurs administratifs sollicités dans le cadre des
conflits fonciers à Sinfra concernent selon P. (59 ans,
commerçante à Blanfla) :
« - Les acteurs de l'administration centrale
(Préfet, Sous-préfet).
-Les acteurs de la justice (Procureur, juge,
greffiers).
-Les acteurs de la répression (Gendarmerie,
police).
-Les acteurs de la chefferie traditionnelle (Chefs de
tribus, de villages, de terre et notabilité).
- Les acteurs cadastraux de la direction
départementale de l'agriculture.
-Les acteurs des comités villageois de gestion
foncière rurale ».
Cette pluralité d'acteurs qui interviennent
concomitamment, simultanément ou succinctement dans les conflits
fonciers, pose quelques fois des problèmes de confusion des rôles,
de conflits de compétences, d'imprécision dans les actions
individuelles et collectives à poser, d'incompréhension entre ces
praticiens du droit formel et informel. Ceux-ci parfois se contredisent,
s'entrechoquent, se heurtent en interprétant les textes, créant
ou perpétuant un doute corrosif chez ces ruraux qui, pour la
majorité, sont analphabètes.
Cette contradiction se perçoit à travers les
interprétations divergentes de la loi n° 98750 du 23 Décembre
1998 modifiée par la loi n° 2004-412 du 14 Août 2004, de ses
décrets complémentaires et mesures d'accompagnement (le
décret n°99-593 du 13 octobre 1999, le décret n°99-594
du 13 Octobre 1999, arrêté n°147 MINAGRA du 9 décembre
1999, arrêté n°0002 MINAGRA du 8 février 2000,
décret n°99-595 du 13Octobre 1999, arrêté n°085
MINAGRA du 15 juin 2000, arrêté n°102 MINAGRA 6 Septembre
2000, arrêté n°139 MINAGRA du 6 Septembre 2000,
arrêté n°140 MINAGRA du 6 Septembre 2000, arrêté
n°033 MINAGRA du 28 Mai 2001, arrêté n°041 MEMIDI
MINAGRA du 12 Juin 2001, loi n°2001-635 du 9 octobre 2001).
La procédure de gestion des conflits fonciers à
Sinfra se trouve donc biaisée et partiellement exécutée.
Cela est d'autant plus perceptible à travers des omissions, des
enchaînements ou des cumuls que des nombreux ruraux disent constater dans
la chronologie des étapes usuelles. Autrement, cette procédure
paraît orientée au su ou à l'insu de ces praticiens du
droit local qui, intentionnellement ou non, entretiennent un flou
procédural et juridique. Ainsi, les décisions prises par
certaines autorités au bas
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de la stratification administrative, sont au quotidien remises
en cause par des instances supérieures.
Selon le chef K. (68 ans, planteur, Chef du village
kouêtinfla, entretien effectué en Mars 2016) « les
décisions que nous prenons sont souvent annulées par notre
hiérarchie ».
De plus, 65% des ruraux interrogés affirment que les
décideurs prennent dans beaucoup de cas, des décisions
différentes sur le même problème de terre, à telle
enseigne que même si tu n'as pas raison ici, tu peux avoir raison
ailleurs.
Cette aporie procédurale effectuée le plus
souvent de façon hétérodoxe par les autorités
locales de Sinfra est tributaire du profit que peuvent à la fois tirer
ceux qui ont le pouvoir de décider et ceux qui ont sollicité
expressément cette catégorie de décideurs au
détriment d'une autre. En d'autres termes, les litiges fonciers sont
soumis par les ruraux aux « décideurs » susceptibles
d'effectuer des investigations « fictives » afin d'obliquer
les décisions de justice en leur faveur.
Ainsi, lorsque la décision est favorable à une
des parties en conflit, cette décision est radicalement rejetée
par la partie « perdante » dans des atermoiements courts
avec une sollicitation des instances supérieures pouvant effectuer de
nouvelles « investigations » à même de leur
donner suite favorable.
Dans cette logique de contradiction entre décideurs
locaux de Sinfra, de nombreux ruraux accusent un favoritisme dans le
recrutement de certains acteurs de référence en matière
foncière. Ceux-ci présenteraient une incompétence et un
manque de savoir-faire relatifs à leur fonction. Lesquels se manifestent
par des lacunes criardes aussi bien au niveau de la connaissance de la loi
foncière qu'au niveau des procédures légales applicables
en la matière.
Les investigations effectuées sur le terrain
d'étude ont révélé que nombre de ces
administrateurs locaux ne disposaient pas de la loi foncière et se
contentent jusque-là de quelques enseignements reçus lors des
séminaires de formation ou des informations reçues
pêle-mêle. De ce fait, même si la plupart des interventions
de ces décideurs s'érigent dans des transactions amiables,
celles-ci sont sans fondement juridique et paraissent inappropriées dans
le contexte socio-foncier de Sinfra. La procédure de justice qui devait
être nourrie à la sève de la loi foncière afin
d'alimenter la coloration de la décision foncière, se trouve
orientée de façon lacunaire,
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clientéliste, intéressée et illogiques
par ceux qui le pouvoir de décider, même si cette décision
peut faire et fait souvent l'objet de révocation par des instances
supérieures.
En somme, il faille retenir que les facteurs internes aux
consciences individuelles ont une influence évidente dans l'explication
de l'échec de la gestion des conflits fonciers à Sinfra. Le dire
ne sous-entend pas rejeter l'impact environnemental ou mieux les facteurs
externes (aux acteurs sociaux) dans l'explication de l'échec de la
gestion. Ces facteurs endogènes viennent, selon les données du
terrain se greffer aux facteurs exogènes pour rendre compte de
l'échec de la gestion des litiges fonciers à Sinfra.
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