CONCLUSION
GÉNÉRALE
Conclusion générale
« Si vous ne pensez pas, créez de nouveaux mots
»
VOLTAIRE
L'objectif de cette étude était de
dégager les différentes formes de néologismes
représentés par un corpus d'étudiants étrangers
francophones pour une recherche sociolinguistique. Cette recherche a pour objet
de déterminer les raisons pour lesquelles les étudiants
francophones font recours aux créations lexicales et d'analyser
l'ensemble des néologismes collectés chez ces derniers, à
savoir : les créativités lexicales aussi bien que les
emprunts.
Premièrement, à l'essor de cette recherche, le
concept de la néologie et du néologisme constituent des
éléments clés qui ont écarté toute
ambiguïté par apport à notre sujet. Pour cela, nous nous
sommes référé aux travaux de quelques auteurs tels que
SABLAYROLLES J-F, L. GUILBERT, L-S MERCIER et autres. D'après les
définitions données par les dictionnaires de linguistiques et
différents théoriciens, ces deux termes démontrent
implicitement l'évolution du français moderne. En second lieu,
nous avons classifié et dégagé la typologie de
procédés de formation des néologismes inspirée par
celle de J-F SABLAYROLLES.
Par la suite, pour analyser la morphologie des lexies
néologiques, nous avons évoqué les disciples responsables
de l'analyse des mots et des phrases. Il est question de la lexicologie
responsable de l'étude de la structure d'une langue et de la
sémantique qui a servi à analyser les sens des nouvelles
unités collectées. Une grille d'analyse a été
établie pour rendre compte des lexies collectées et donner des
explications sur le processus de leur formation.
Notre méthodologie reposait sur une double analyse du
corpus à savoir : une étude quantitative et qualitative. La
première étant centré sur une analyse statique
tâchait de lister des affinités d'ensembles tels que : les
procédés créatifs les plus fréquents que d'autres,
le nombre de créativités lexicales par apport aux emprunts, les
matrices lexicogéniques les plus productives, les langues d'origines
des
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emprunts etc. l'analyse qualitative en second lieu, nous a
permis d'examiner les lexies néologiques isolées de leurs
cotextes, d'étudier leurs caractéristiques selon un aspect
morphologique, sémantique et pragmatique.
Les néologismes ont été recensés
manuellement et de façon semi-automatique à l'aide d'un logiciel
de correcteur « druide antidote 8 », afin de garantir les
résultats. Malgré son efficacité dans le repérage
et l'identification des néologismes sémantiques, il est
évident que la méthode manuelle peut par inattention laisser
passer des néologismes potentiels. C'est pourquoi, nous avions convenu
pour la semi-automatisation du repérage. Par contre, cette
méthode pratique quant à l'identification des néologismes
formels autorise amplement les néologismes de sens tel que des noms
employés comme adjectifs. Nous avons choisi cette méthode afin de
garantir un maximum de précisions dans notre recherche.
Le premier constat auquel, a abouti cette étude, est
que la majorité des lexies néologiques recensées sont
formées au strict respect des règles de la création du mot
français. Sauf, deux lexies « incouptiser » et «
incouation », enregistrées comme verbe et nom et qui sont
formées à partir d'une locution « un coup ».
C'est une création qui ne figure pas dans les règles de la langue
française. La règle se veut une construction de verbes à
partir de noms et adjectifs et non au détriment de locutions.
La deuxième remarque que nous avions pu dégager
concernant les néologismes collectés est qu'ils proviennent de
langues différentes. Nous les avons réparties dans un graphique
selon la dominance des néologismes par langue comme suit :
anglais, arabe algérien, arabe standard,
bambara, tamasheq, nouchi et autres
(espagnol, romani, malinké, peulh,
kikongo, français).
Le résultat de l'analyse des créativités
lexicales montre que les néologismes émus par les
étudiants étrangers francophones reflétant la langue
française pratiquée dans divers pays d'Afrique de l'ouest, que
les lexies néologiques ne sont pas exclusivement construites à
partir du formant de la langue française. Les étudiants
étrangers utilisent plusieurs langues, qu'ils alternent tout en puisant
les règles de leurs combinaisons aux sources de la langue
française.
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Le nombre exhaustif des néologismes collectés
prouve l'importance de ce vocable qu'est la néologie. La néologie
n'est pas un fait insignifiant mais un concept qui use de toutes les
disciplines de la linguistique afin d'analyser le lexique d'une langue. Le
produit de ce concept qui est à même d'être
étudié est le néologisme.
Un certain nombre de questions se posait au cours de cette
recherche : la plus justifiée qui se pose, est qu'est-ce qu'un
néologisme ? N'importe qui semble connaitre la réponse « un
nouveau mot ». Par contre, tout s'obscurcit lors de la recherche, ce
concept si banal, se complexifie. En plus de celle-ci, d'autres questions se
formulaient, pourquoi les étudiants, font-ils recours aux
créativités lexicales ? Est-ce un simple jeu de mots ? Est-ce
pour enrichir la langue par l'intégration des nouvelles unités ?
Quels sont les procédés de formation utilisés dans les
créations ? Quels sont les procédés les plus productifs
?
L'analyse des néologismes selon les
procédés de créations montre que les matrices
morphosémantiques sont les plus prolifiques dans la production de
nouvelles unités lexicales. Mais dans cette étude le verlan
occupe une place importante avec une proportion plus élevée par
apport aux procédés censés être les plus productifs
de la langue française. Il est notamment question de la composition et
de la dérivation. L'emprunt par contre reste incontournable il fait
office d'une présence considérable dans cette étude.
L'hybridation néologique du français avec d'autres langues,
produit une variété de mots très vaste contribuant ainsi
à la richesse de langue.
Pour montrer comment ont été fabriquées
les lexies néologiques, il nous a fallu les étudier sur une
dimension lexicologique. Comme résultat, nous avons enregistré
des néologismes obtenus par affixation (préfixation, suffixation,
parasynthétiques), par combinaison des lexies généralement
autonomes, composition (savante, hybride), verlan, extension et restriction de
sens etc. ainsi que les figures de styles qui se révèlent
productives en néologie sémantique. Ce qui veut dire que la
néologie chez nos enquêtés n'intervient pas uniquement sur
la forme mais aussi sur l'élargissement du sens et de sa restriction.
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Sémantiquement, nous avons analysé le sens des
néologismes en replaçant l'unité néologique dans
son cotexte et contexte de production et en nous référant
à divers dictionnaires d'usage courant et d'autres manuels
lexicographiques. Ceux-ci, nous ont facilité l'interprétation des
nouvelles lexies.
Le travail effectué au niveau des emprunts a
démontré que les types d'emprunts les plus dominants, sont les
emprunts lexicaux, lesquels font objet d'une importation
morphosémantique. Cela témoigne de la fainéantise de
l'être humain renonçant à son ingéniosité
créative au dépend des mots d'une langue étrangère.
Certes, ces mots ne peuvent pas toujours être remplacés donc on se
voit contraint de les employer telle quelle. MICHEL BREAL79 dans son
ouvrage, Essai de sémantique, les a qualifiés : « des
mots qui ne s'inventent pas deux fois, mais ils se propagent de peuple à
peuple, pour devenir le bien commun de toute l'humanité ».
Les néologismes ont été brièvement
accompagnés de commentaires qui démontrent que leur usage a
été fait délibérément. Ils ont
été créés à des fins voulues afin de
répondre à un besoin communicationnel et à une forte envie
de transgresser les règles normatives de la langue française.
Certains étudiants les utilisent pour créer leur propre
vocabulaire et codifier leur langage, auquel ils recourent uniquement avec un
groupe restreint d'amis(es).
Les nouvelles unités lexicales recensées,
prouvent que la néologie qui s'opère chez les étudiants
étrangers francophones, est structurée autour d'un lexique
certifié et non certifié, c'est-à-dire que les nouvelles
lexies enregistrées existent éventuellement dans le
système linguistique français. Nous assistons simplement à
des modifications morphosémantiques des unités lexicales
déjà contenues dans la langue.
Ces propos rejoignent la distinction s'établissant
entre la production et la création d'une lexie néologique que B.
Fradin (cité par CUSIN-BERCHE F.), présente comme suit : «
la productivité est la capacité à créer des
expressions, qui ont pour vocation à devenir des unités
lexicales, en recourant aux moyens formels qu'offre la langue pour construire
des lexèmes ou des expressions [...] La créativité en
revanche s'affranchit des règles servant à la construction des
unités lexicales.
79 BREAL M. Essai de Sémantique :
«sciences des significations », Paris, Hachette, 1897, p.362.
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Elle ne met pas en oeuvre -- ou pas uniquement -- des
procédés appartenant à la grammaire de la langue
(analogie, verlan, etc.) ».
Au terme de cette analyse, il est important de rappeler les
propos de quelques chercheurs ayant abordé le concept de néologie
:
« La définition très large, très
ouverte du phénomène de la néologie est si accueillante
qu'en fin de parcours elle cerne mal la nouveauté par rapport au
vocabulaire lexicalisé et par rapport à la norme
».80
« Les néologismes, toujours aussi nombreux,
sont en outre formés selon de nouveaux modèles » et «
il faut accepter qu'une langue vivante change de norme »81
Il est certain que ce champ d'études ne sera jamais
mené à son terme, vu que le corpus de données se
renouvelle incessamment avec l'émergence de nouvelles lexies. Ces
études ne se limitent pas qu'au cadre de la lexicologie ou de la
lexicographie, elles concernent en effet, toutes les branches de la langue et
celles des sciences du langage en particulier.
80 Sablayrolles, J.-F. (2000) : La
néologie en français contemporain. Examen du concept et analyse
de productions néologiques récentes, Paris, Honoré
Champion éditeur, coll. « Lexica », no 4, 589 p.
81 Alain Rey et Josette Rey-Debove dans
l'introduction du Nouveau Petit Robert, p. XIV.
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