B. CONTRÔLE ET MISE EN SCÈNE DE LA
DISPONIBILITÉ
Pour cette partie, nous allons nous appuyer sur l'oeuvre
d'Erving Goffman, La mise en scène de la vie quotidienne - la
présentation de soi, écrite en 1956. Erving Goffman part
d'une comparaison très détaillée entre le monde social et
le théâtre ou plutôt, il montre à quel point il est
difficile de différencier le monde du théâtre. La
métaphore de l'acteur est intéressante pour parler du
télétravailleur car il dispose d'une façade - ce qu'il
montre de lui à l'écran - définie comme «la
partie de la représentation qui a pour fonction normale d'établir
et de fixer la définition de la situation qui est proposée aux
observateurs» (p: 26). Il dispose également d'un décor
et de coulisse (quand il coupe son micro et sa caméra) : «
C'est là qu'on fabrique ouvertement les illusions et les impressions
(...) C'est là que l'acteur peut se détendre, qu'il peut
abandonner sa façade, cesser de réciter un rôle, et
dépouiller son personnage. » (p : 110)
Au-devant de la scène, les apparences sont toutes les
preuves que le travailleur est bien là, mais ces preuves peuvent
très bien être forgées de toute pièce (ou du moins
ne pas avoir la même signification pour les deux parties - acteur et
public) : « Et de fait, les personnes observées emploient
parfois ces moyens propres à influencer la manière dont
l'observateur les traite. (...) Les personnes observées peuvent
réorienter leur cadre de référence et consacrer leurs
efforts à créer les impressions désirées. (...)
La nécessité dans laquelle se trouve l'observateur de se
fier à des représentations de la réalité engendre
la possibilité de représentations frauduleuses »
(p : 238)
Ici nous allons analyser les objets qui constituent la
représentation en télétravail : les coulisses (l'espace
privé des participants : le lit, la cuisine, leur entourage), la
façade qui tend, par certaines stratégies, vers une
idéalisation (« tendance des acteurs à donner à
leur public une impression idéalisée par tous les moyens.»
p: 40) afin de coïncider avec ce qui est attendu (le fait de
travailler).
1. LIRE SES MAILS EN COULISSE
Lorsque nous avons demandé aux participants de
décrire leur journée type, une très grande majorité
(11/13) disent commencer par lire leurs mails. C'est une étape rituelle,
mais elle ne se fait pas toujours de manière conventionnelle pour plus
d'un tiers des personnes interrogées. En effet, trois participants les
lisent en petit déjeunant :
« Souvent je commence à travailler quand je
prends mon petit déjeuner : j'ouvre mon ordinateur comme ça les
mails se chargent pendant que je mange. » (Sarah, cadre depuis 2 ans et 9
mois dans une firme multinationale d'agroalimentaire)
Deux autres commencent à trier leurs courriels depuis leur
lit (1), (2):
(1)
58
« Quand le réveil est un peu trop difficile, je
prends mon ordi et je m'assois sur mon lit - c'est un truc que je fais de plus
en plus. Je trie mes mails pendant un quart d'heure et je réponds aux
mails prioritaires. » (Emma, stagiaire depuis 3 mois dans une
multinationale agroalimentaire)
(2) « Du coup moi je mets mon réveil à
8h45, je mets 5-10 minutes à me lever ; mon ordinateur est sur la table
de chevet et j'ouvre mon ordinateur doucement je commence à lire mes,
j'ouvre Slack ...
I : t'es dans ton lit à ce moment-là ?
A : Oui, me juge pas (rires) Tout le monde fait
ça j'ai l'impression » (Alexandre, stagiaire dans une
entreprise britannique d'ingénierie informatique)
La distance temporelle entre le lever et le début du
travail est considérablement raccourcie - le passage des coulisses
à la mise en scène est presque instantanée :
« Je me levais à 8h55 pour commencer à 9h.
Je venais dans le salon, je m'asseyais à ma table, je prenais mon petit
déjeuner devant mon ordinateur (mais c'est ce que je fais tous les
matins même en présentiel), je me connecte au serveur via un VPN
et qui d'ailleurs peut être utilisé comme outil de contrôle
sur ma présence. » (Marine, chargée de communication dans
une association sportive)
Ce n'est pas un hasard si l'activité qui est faite en
coulisse concerne les mails : il s'agit d'une routine qui ne nécessite
pas d'implication physique pour produire des résultats. De plus,
lorsqu'il s'agit d'une lecture (et non pas d'une rédaction) de mail, le
niveau de concentration requis est plus bas (ce qui ne signifie pas que la
tâche soit inutile).
2. GÉRER LES INTRUSIONS
La visioconférence n'est pas toujours très bien
vécue parmi les participants. Chacun se trouve un peu plus
vulnérable que d'ordinaire car c'est l'intimité qui est
montrée à tous - ou une partie - des collaborateurs. Le masque
professionnel - le moi social - est moins convainquant lorsqu'il est
associé avec des scènes de la vie quotidienne
(réceptionner un colis, devoir interagir avec un membre de sa famille,
oublier des anomalies dans le champ de la caméra, etc).
« Mais sinon personnellement je trouve ça assez
intrusif, en plus de générer des bugs dans le réseau donc
ça fluidifie absolument pas la communication, bien au contraire. C'est
juste chez certains clients pour une question de réciprocité. On
met souvent des fonds et parfois y a quand même des bugs, et l'autre fois
je me suis pris une réflexion de « sympa tes petites peluches
». Je leur ai dit, « désolée je vis chez mes parents et
c'est une chambre d'adolescente donc... » » (Delphine, consultante
dans un cabinet de conseil en santé)
Face à cette intrusion, deux parades sont employées
:
Il y a les «fonds» évoqués par Delphine,
qui peuvent être la norme de l'entreprise :
59
« Les fonds Teams nous aident pas mal à maintenir
une certaine distance en mettant un fond derrière nous pour qu'on ne
voit pas à quoi ressemble notre salon. » (Sarah, cadre depuis 2 ans
et 9 mois dans une firme multinationale d'agroalimentaire)
La deuxième astuce consiste à se rendre
invisible en enlevant micro et caméra : Lucas utilise l'expression de
« se mettre en sous-marin » qui résume bien le geste et
l'intention.
« En fait la caméra c'est quand même assez
contraignant je trouve, je ne la mets jamais quand c'est des réunions
à plusieurs par exemple où une réunion de tout le bureau
par exemple, on est 40, j'aime bien l'expression d'une collègue c'est
de se mettre en « sous-marin » c'est-à-dire
que tu te mets micro coupé, caméra coupée et tu suis d'une
oreille voilà. Parce que la caméra, tu es obligé
d'être présent d'être à peu près enfin tu peux
pas tu peux pas faire quelque chose trop d'à côté ; donc
c'est assez contraignant, moi maintenant je la mets plus quand c'est des
collègues directs, mon chef c'est bon. » (Lucas, chargé de
projet dans une Grande Organisation d'Export à Londres)
Toutefois, les stratégies des employés peuvent
échouer et mener à des moments de rupture de façade :
Erving Goffman évoque les « Possible faux pas (lapsus, chute,
nervosité ) ». « Il est possible qu'on n'ait pas mis le
décor en ordre, ou qu'on l'ait préparé pour une autre
représentation, ou qu'on l'ait dérangé au cours de la
représentation. » (p: 56)
Les ruptures font souvent l'objet de rires, qui indiquent la
reconnaissance d'une anomalie narrative. Mais au-delà des rires, il y a
aussi un processus de normalisation puisque ces « faux pas », au fur
et à mesure du temps, sont le lot de tous. Cela rompt certes la
façade d'un employé professionnel, mais fait apparaître le
visage de quelqu'un ayant une vie de famille, une vie privée commune.
« Le pire c'est quand mon chat saute sur le clavier
parce qu'il voit quelqu'un à l'écran comme là,
I : du coup ça doit faire rigoler
A : Bah en fait on est tous comme ça, ce qu'on dit
« c'est les aléas du direct » donc on connait un peu tous nos
chats, ça humanise un peu » (Chloé,
stagiaire au département RSE dans une banque de grande taille)
60
3. LE TCHAT : OUTIL DE MISE EN SCÈNE PAR EXCELLENCE
Les apparences sont toutes les preuves que le travailleur est
bien là, mais ces preuves peuvent être soit inexactes, soit
altérées (ou du moins ne pas avoir la même signification
pour les deux parties - acteur et public).
Ici les apparences données à la
hiérarchie de chaque participant émanent de ses communications
et, celle qui est la plus invasive : la messagerie instantanée.
Parmi les participants, 10 sur 13 avaient à leur
disposition un outil de messagerie instantanée. L'un de ces outils,
partagé par 8 personnes, nous a particulièrement
intéressé : il s'agit de la messagerie Teams, grand
remplaçant de Skype Entreprise, tous deux développés par
Microsoft. La plupart des messageries ont des statuts qui se limitent au fait
d'être « en ligne » ou « hors ligne ». Teams va plus
loin :
Ces cinq statuts peuvent évoluer, soit à la
demande de l'utilisateur, soit en fonction de l'activité de ce dernier.
Si la personne est inactive sur son clavier pendant plus de 5 minutes, le
statut change de « disponible » à « de retour
bientôt ». Cette fonctionnalité est largement vécue
comme une forme nocive de traçage de la présence.
« Quand tu es en ligne et actif t'es vert, si t'es pas
là depuis je crois que ces cinq ou dix minutes ça se met en
orange et après y a un décompte à côté, c'est
horrible parce qu'il dit en « absent depuis 1h, 2h enfin
autant de temps que t'es absent ». (Emilie, consultante en haute
technologie au sein d'une firme multinationale)
« Oui, mais c'est horrible surtout que
si tu pars aux toilettes, même 2 minutes, tu reviens ta
petite icône indique que tu es absent ! (rires) C'est
tellement pernicieux ! » (Delphine, consultante dans un
cabinet de conseil en santé)
Toutefois, les comportements de chacun face à cet outil
(et le fait d'être en ligne ou pas) varient énormément en
termes d'objectifs et de raisons sous-jacentes. Nous avons identifié
61
3 comportements différents : ceux qui ne regardent pas
leur statut, ceux qui regardent celui des autres, et ceux qui regardent le leur
(ainsi que celui des autres).
a) Ceux qui ne regardent pas leur statut
Deux participants estiment ne pas regarder le statut des
autres ou le leur, mais cela est dû à des raisons
différentes. Sarah a une approche assez utilitariste de l'outil dans le
sens où elle s'en sert simplement les fois où elle souhaite
communiquer avec ses collaborateurs les plus proches, en particulier sa
stagiaire. Comme elle le précise ci-dessous, elle voit le statut sans
pour autant vraiment le regarder : elle met en avant la confiance qu'elle a en
sa collaboratrice. Pour elle, ce qui compte, c'est que son message soit
communiqué. Il s'agit également de notre interviewée qui a
le plus de séniorité, ce qui peut expliquer qu'elle garde cette
approche utilitariste également pour elle (puisqu'elle a « fait ses
preuves », elle ne se sent pas redevable en temps disponible). Enfin, la
culture d'entreprise joue : elle et ses collègues sont encouragés
à prendre du temps pour eux, sans avoir à le justifier (il suffit
de le notifier).
« I : est-ce que tu regardes si ta stagiaire, elle est
présente ?
S : non pas vraiment mais je pense que sans le vouloir tu le
regardes parce que dans Teams tu vois les statuts des gens donc tu sais si elle
est là ou pas de fait. Mais j'ai confiance en son sérieux
enfin je sais que quand elle a des choses à faire elle va les
faire. Après je suis pas regardante sur les horaires de travail. »
(Sarah, cadre depuis 2 ans et 9 mois dans une firme multinationale
d'agroalimentaire)
Pour Yoann, le peu d'attention qu'il porte à la
messagerie instantanée est liée au peu de communication qu'il
émet ou reçoit pendant la journée. Il travaille dans une
grande autonomie et ne rend de compte qu'à sa supérieure
hiérarchique directe qu'il appelle quelques fois par semaine et avec qui
il entretient une relation plutôt horizontale.
« I : et sur Skype tu as le statut en ligne hors ligne
etc. Est-ce que t'y fais attention ou pas plus
que ça ?
Y : ah non pas du tout, je m'en fiche.
I : et du coup est ce que tu as des moyens ou tu ressens tout
simplement le besoin de dire à
ton entourage que tu es présent au boulot ?
Y : non, pas du tout.
I : donc en fait tu peux passer une journée sans trop
communiquer ?
Y : ouais, c'est ça (rires) » (Yoann, alternant
dans une grande mutuelle de santé)
b) 62
Ceux qui regardent les autres
Là encore, nous avons deux cas de figure. Dans le cas
Léa, c'est une démarche qui émane d'une volonté de
conformité (qui consiste, en cas d'incertitude sur le comportement
à avoir, à imiter celui de ses pairs). Elle a aussi beaucoup
d'autonomie mais cela a tendance à la perdre et elle peut trouver un
semblant de cadre par de petits indicateurs.
« I : donc tu me disais : tu regardes ces personnes qui
sont connectées, s'il n'y a personne tu te sens un peu seule s'il y a
tout le monde tu dis ...
L : je me dit qu'il faut que je m'y mette »
(Léa, cheffe de projet junior depuis un an et demi dans un cabinet
d'urbanisme)
Pour Marine, qui a sous sa responsabilité plusieurs
stagiaires, le fait que l'un de ces derniers ne se connecte jamais,
couplé à un travail inexistant a été un motif
d'alerte. Cela n'est pas lié à son style de management car elle
base selon elle ses relations professionnelles sur la confiance. C'est
d'ailleurs ce qui a aidé à résoudre le problème
:
« J'avais un autre stagiaire à qui je faisais
confiance et en fait j'ai remarqué qu'il n'était jamais
connecté, tout ce que je lui demandais ce n'était pas fait dans
les temps. Et j'avais tendance à regarder s'il se connectait, comme je
ne travaillais que l'après-midi, je leur avais demandé
d'être présents de 14h à 17h. Et en fait il était
rarement connecté. Donc j'ai dû le recadrer plusieurs fois. Et en
fait il m'a avoué qu'il n'arrivait pas à
télétravailler, parce que trop d'éléments
perturbateurs, plus envie de regarder la télé que d'habitude...
On a fini par y arriver. » (Marine, 1 an et 3 mois d'expérience
dans une association sportive)
c) Ceux qui regardent tout, surtout son propre statut
Chez les juniors interrogés, les personnes qui
surveillent de près l'outil de messagerie instantanée sont
majoritaires. C'est dans ce cas de figure que la mise en scène est
à la fois réelle et consciente pour chacun.
Pour Emilie, la mise en scène de sa présence
(par l'intermédiaire de Teams) était un moyen, au premier
confinement, de dissimuler son décrochage. Avec l'instauration du
télétravail, elle était réduite à une partie
monotone de son travail et vivait mal la coupure sociale.
« Quand je parle de détachement c'est dans le
sens où on ne se rend pas vraiment compte de ce qu'on fait, de
l'importance de ce qu'on fait ; mais tu te mets devant ton ordi quand
même. Donc j'avais un peu une perte de motivation. Je l'ai ressenti par
le fait que je me levais de plus en plus tard : au début je
commençais à 8h 8h30 et après c'est passé à
9 heures, à 8h55 que j'allais aller travailler. Donc j'avais plus trop
de rythme à la fin, c'était assez compliqué »
(Emilie, consultante en haute technologie au sein d'une firme
multinationale)
63
Se mettre en vert sur Teams était donc un moyen pour
elle de « garder la face » (Becker), le temps d'aller mieux.
« Je ne voulais pas montrer à mes
collègues que je décrochais donc par exemple le matin, vers 8h50,
je mettais ma petite pastille verte et j'allais déjeuner »
« C'est vrai que je fais extrêmement attention
à ça ; je veux montrer à mes collègues que je suis
présente vu que je suis pas avec eux » (Emilie, consultante en
haute technologie au sein d'une firme multinationale)
Elle a aussi trouvé un moyen de tromper son ordinateur,
en empêchant sa mise en veille au bout de quelques minutes.
Ici, la mise en scène était vécue comme
absolument nécessaire, tandis que d'autres comportements similaires
servent l'objectif « d'avoir une bonne impression générale
» et surtout de ne pas être celui ou celle qui s'absente tout le
temps.
Delphine a intégré le fait de bouger sa souris
de temps en temps pour ne pas apparaître absente lorsqu'elle travaille en
dehors de son ordinateur :
« C'est vrai qu'on peut nous fliquer comme ça
c'est assez embêtant, moi il m'arrive parfois de travailler sur un truc
et de pas être sur Teams, de préparer mes slides mentalement en
dessinant sur des feuilles et régulièrement juste de passer mon
doigt sur la souris pour être affichée comme connectée.
» (Delphine, consultante dans un cabinet de conseil en
santé)
Lors de notre entrevue réalisée en face à
face, Louis m'a directement montré ce qu'il faisait pour
prétendre qu'il travaillait (alors que nous discutions) :
« Là tu vois par exemple je suis en train de
te répondre là je prends 15 minutes pour discuter avec toi mais
pour me rendre visible je vais sur skype ma pastille elle se met en
vert.
I : donc là actuellement t'es en train de te mettre
à l'actif
Louis : exactement là je me mets actif et donc du
coup si je sais que s'il y a quelqu'un qui va regarder c'est pour voir si je
suis en ligne est verra que je suis vert. » (Louis, auditeur depuis 6 mois
au sein d'une ETI)
En dehors des outils de tchat comme Teams, il y a d'autres
moyens de traquer les employés, comme nous avons pu l'évoquer
précédemment : la réactivité aux appels, aux mails,
mais également la traçabilité des VPN dont ont conscience
seulement une partie des collaborateurs comme Marine :
« On a dû faire un déménagement avec
une amie le week-end dans le sud de la France, donc on est parties vendredi
matin. Pendant que l'une conduisait, l'autre travaillait et gardait les
ordinateurs en marche et secouait les souris pour éviter d'être
notées « absentes » sur les différents outils, et
notamment le VPN. » (Marine, 1 an et 3 mois d'expérience dans une
association sportive)
Les participants cités ne sont pas les seuls dont nous
avons analysé le comportement, qu'il soit mis en scène ou non.
Nous avons résumé l'ensemble dans le tableau suivant :
64
Noms
|
Attitude de mise en scène
|
Interprétation
|
Louis
|
Manière d'être. Utilise Teams pour faire semblant
qu'il est là, a conscience de sa visibilité mais pense in
fine que la productivité prime : "l'important c'est le
résultat"
|
Utilise la mise en scène pour gérer
ses difficultés de concentration, il s'agit d'un
moyen. La fin étant le résultat, qui met plus de temps à
être produit. Rapport utilitariste
|
Sarah
|
Bien plus dans le faire que dans la mise en
scène - n'en ressent pas le besoin, y compris dans la manière
qu'elle a de manager
|
La séniorité diminue les efforts de mise en
scène. Rapport utilitariste
|
Manon
|
Inexistante
|
La mise en scène est absente car l'interviewée a la
main sur l'ensemble de ses projets ; le télétravail est
très bien vécu car lui permet de s'échapper à une
hiérarchie toxique
|
Lucas
|
Existe du fait du changement d'attitude de son manager
|
La mise en scène comme solution
temporaire à un problème de management
|
Marine
|
Existe du fait de l'attitude de son
manager (se rendre disponible au téléphone,
rester active sur son ordi via le VPN)
|
La mise en scène comme solution
temporaire à un problème de management
|
Alexandre
|
N'existe que lors des visioconférences
|
Le mode horizontal couplé à une grande autonomie
résulte en une mise en scène minimale
|
Léa
|
Légère mise en scène pour se conformer au
comportement des autres (ex: les autres sont connectés, je me
connecte)
|
L'éloignement de la hiérarchie et le surplus
d'autonomie résulte en un faible recours à la mise en
scène
|
Yoann
|
Mise en disponibilité réduite au
téléphone, aucune mise en scène
|
Le mode horizontal couplé à une grande autonomie
résulte en une mise en scène minimale
|
Chloé
|
Performative (dans le but de ne pas être
dérangée) mais pas de stratégie. De par son parcours,
c'est dans sa nature d'être disponible « h24 »
|
Mise en disponibilité non mise en scène :
tempérament + expérience
|
Emilie
|
Active : masquer la baisse de
productivité à tout prix
|
La mise en scène comme façade de
productivité
|
65
Delphine
|
Se rend toujours disponible (de par son caractère) mais
ne met pas en scène son travail sauf pour certains cas
|
Mise en disponibilité non mise en scène, %
tempérament + expérience
|
Camille
|
N'existe que lors des visios
|
Disponibilité téléphonique, mails,
mais pas de tchat --> peu de mise en scène
|
Emma
|
Existe pour garder l'apparence des
horaires (décorrélé des attentes de la
hiérarchie)
|
La mise en scène comme moyen de faire ses preuves
|
Les mots clés des interprétations sont les
suivants:
· Utilitarisme
· Séniorisation
· Management oppressif
· Autonomie + horizontalité
· Éloignement de la hiérarchie
Avec le travail à domicile, le coulisse et la
scène ne font plus qu'un. Ce qui fait qu'un acteur entre en
scène, c'est quand il se connecte, c'est là que le public le
voit. Le public - c'est-à-dire la hiérarchie, les collaborateurs
- devient presque omniscient, à ceci près que ce qu'il voit peut
toujours être altéré. Le passage de l'un à l'autre
est si facile (comme se réveiller et regarder ses mails dans son lit),
que la différence entre ce que l'auteur (toujours Erving Goffman),
suivant Emile Durkheim, appelle le « moi intime » et le « moi
social » se réduit.
66
4/ SYNTHÈSE DES RÉSULTATS ET
LIMITES
Au sein de cette partie, plus analytique, nous ferons le
point sur les réponses que nous avons réunies grâce
à notre terrain. Nous pourrons les discuter (A) et en dessiner les
limites pour donner des pistes à des recherches futures (B).
|