Chapitre 2 : Présentation de l'objet
d'étude
Les Kel Tamacheks1, comme ils s'appellent
eux-mêmes, sont présents dans cinq pays africains;
l'Algérie, la Libye, le Niger et le Burkina Faso et le Mali qui nous
intéresse ici (voir carte n°22). Ils sont estimés environ
à 2000 0000 d'individus dont près de 900.000 au Mali. Quatre
confédérations étaient et sont encore présentes au
Nord du Mali, malgré la volonté des différents pouvoirs
publics de voir cette forme d'organisation disparaître.
Il s'agit des Kel Adrar ou Kel Adagh (dans la région
administrative de Kidal), la branche Kel Ataram des Iwellemmeden dans la zone
de Ménaka, (la région administrative de Gao), notamment les Kel
Antessar ou Kel Ansar (dans la région administrative de Tombouctou)
ainsi que les Tademakkat (Tinguereguef) également dans la région
de Tombouctou. Les relations forgées au fil des siècles au sein
de ces confédérations, influencent encore aujourd'hui la vie et
les pratiques des populations Touarègue(Tamacheks).
Carte1 : Espace Touaregs (source :B. Dupuis , A. Saint Girons
)
Dans notre commune expérimentale comme dans tout le
Nord du Mali, les Tamacheks sont constitués de deux rameaux une de race
blanche et l'autre de race noire.
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1 Le terme « Kel-Tamacheq » ou Tamachek en
Français regroupe les groupes ethniques qui parlent la langue
tamachèque celle des Tamacheks (littéralement « ceux venant
des Tamacheqs »), c'est à dire aussi bien les Tamacheks (fraction
blanche) que les Eklans (fraction noire anciennement asservie aux fractions
touarègues). Dans le reste du document, nous confondrons les termes
« Kel-Tamacheq », « Tamacheq », et Tamachek.
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Ils sont essentiellement éleveurs de bovins, d'ovins,
de caprins et de chameaux. La majorité des Tamacheks menaient
traditionnellement une vie de nomade dans les zones exondées, autour des
points d'eau permanents (puits, mares pérennes et semi permanentes). Ils
sont aujourd'hui de plus en plus agriculteurs du fait des difficultés de
l'élevage suite aux différentes sécheresses.
Les aléas climatiques pluviométriques les
contraignent parfois à descendre jusqu'aux rives du fleuve pour
exploiter le pâturage aquatique et pour avoir de l'eau, surtout pendant
les périodes de grandes chaleurs. Quant aux Tamacheks de race noire,
ceux qui ne sont pas éleveurs s'adonnent à toute sorte
d'activité: agriculture, élevage, pêche, exploitation du
domaine forestier, artisanat, manutention... Selon l'activité principale
qu'ils mènent, ils sont sédentaires, semi sédentaires ou
nomades. Les Tamacheks sont présents partout dans la région de
Tombouctou. Pour répondre aux différentes sécheresses, ils
ont créé plusieurs sites de fixation, où ils commencent
à pratiquer une vie de semi-sédentaires avec des écoles et
des centres de santé où se retrouvent les familles d'une
même fraction ou souvent de plusieurs.
Qui sont les Touaregs ?
Le nom de Touareg est d'origine arabe et inconnu de ceux qu'il
désigne : de ce fait, c'est un terme devenu français. Les
Touaregs se désignent eux-mêmes comme Kel tamasheq, « ceux
qui parlent la langue touarègue », montrant ainsi que leur
dénominateur commun est une même culture et avant tout un
même langage. Les Touaregs occupent un territoire immense qui joint le
Maghreb à l'Afrique noire et qui traverse le Sahara en s'appuyant sur
des massifs montagneux où l'altitude corrige les effets de la latitude
et permet la vie, grâce à des ressources hydrauliques et
végétales absentes des déserts environnants : ce sont le
Tassili des Ajjer, l'Ahaggar, l'Aïr et l'Adrar des Ifoghas.
Ainsi, les Touaregs sont-ils dispersés dans de nombreux
États - Libye, Algérie, Mali, Niger, Burkina Faso - avec quelques
petites communautés au Tchad et en Nigeria.
Leur poids démographique est surtout important au Niger
et au Mali, c'est-à-dire au sud du Sahara. Ce sont les étrangers
qui leur ont donné le nom « Touareg » à ces hommes du
désert. Il signifie « les abandonnés » « les
errants ».
A l'époque des explorateurs, avant le début de
la colonisation par la France au 19e siècle, on les surnommait aussi
"les seigneurs du désert". Leur nom véritable c'est
«Imuhar» qui signifie « Hommes libres ».
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Les Touaregs sont des Berbères, peuple qui habite
l'Afrique du nord depuis la préhistoire. Ils sont environ 1,3 million,
divisés en tribus, chacune sous la conduite d'un chef, l'Amenokal, qui
est élu après de longues journées de palabres. Pendant des
centaines d'années, les Touaregs furent les maîtres
incontestés des routes commerciales du Sahara, ce qui leur procurait
profit et autorité.
Mais bientôt les caravanes de chameaux qu'ils emmenaient
de part et d'autre des déserts africains disparurent avec l'apparition
des pistes et des voitures : transporter des marchandises à dos de
bête devint vite obsolète et inefficace. Peu à peu, ces
nomades se sont sédentarisés, se fixant à proximité
du pâturage ou se faisant embaucher, plus ou moins provisoirement dans
les chantiers de prospection pétrolière ou minière.
Obligés de se spécialiser dans l'agriculture et l'élevage
pour survivre, ils vivent en général dans les montagnes. La
gestion des pâturages, rares, implique des déplacements
fréquents.
L'identité Touarègue est très forte, et
leur civilisation et leurs coutumes les distinguent très nettement des
autres peuples d'Afrique. Ce sont avant tout des guerriers, les
véritables maîtres du désert avec leur hardiesse
légendaire qui n'avait pas d'égale. Les Touaregs s'étaient
taillés à la pointe de la lance et de l'épée une
fâcheuse réputation et ils avaient su inspirer la terreur à
tout le Sahara.
Ils habitent des tentes qui, à l'origine,
étaient en peau de chameau. Qu'ils soit sous la tente ou au-dehors,
l'homme Touareg garde son voile. Le « Eguewid » ou «
taguelmoust», un tissu imbibé d'indigo et mesurant jusqu'à
15 mètres de long dissimule ses cheveux, sa bouche, son nez et
même ses yeux sont noircis avec du « sadj-ni », du noir. Le
chèche peut être de différentes couleurs, rouge, jaune ou
vert, et aussi de deux couleurs qui ont une signification spéciale : le
blanc en signe de respect, et l'indigo de lin pour les jours de fête et
quand il fait plus froid, car il est plus épais que le coton. Chaque
manière de le draper, plus ou moins remonté sur la bouche et le
nez, indique une attitude : respectueux, agressif, méfiant, triste,
insolent...
Pourquoi les hommes doivent-ils porter ce voile
continuellement ?
La première raison invoquée a trait aux mauvais
esprits, risquant d'entrer par les orifices du nez ou de la bouche. La
deuxième : pour se protéger du sable lors des tempêtes.
Peuples de nomades, les femmes se déplaçaient avec leur mari et
se protégeaient également le visage lors des tempêtes,
toutefois la tempête passée elles se découvraient. Quant
à l'homme il n'enlève jamais son voile, lorsqu'il mange ou boit
il glisse la main sous son voile.
La troisième explication c'est que le «
taguelmoust » cache le visage des hommes devant leur ennemis, afin qu'ils
ne soient pas reconnus.
Mais pourquoi le portent-ils continuellement et ne le quittent
que pour dormir ?
Le voile, l'élément le plus intrigant de ce
climat de légendes qui entoure ce peuple de nomades, est un signe de
respect envers les femmes. C'est surtout devant elles qu'il est impoli,
irrespectueux voire honteux de se dévoiler.
Les Touaregs sont dans l'ensemble peu arabisés : la
femme jouit d'un statut privilégié et bénéficie
d'une autonomie et d'une écoute particulière au sein de la
société.
La filiation s'établit par les femmes, et l'enfant
appartient à la tribu et à la classe sociale de sa
mère.
Une grande liberté semble exister entre les sexes et
les réunions poétiques et musicales sont l'occasion de rapports
très libres entre hommes et femmes. La majeure partie des Touaregs est
monogame et chaque futur marié doit apporter une dot composée de
dromadaires et de boeufs à la famille de la mariée. La tente et
son ameublement est fournie au couple par la famille de la mariée, cette
dernière en gardera la propriété en cas de divorce
laissant son ex-mari sans toit.
Le statut de la femme Touareg est unique au
monde.
Les hommes Touareg réservent à la femme une
place d'honneur. Alors que les femmes sont, en général plus ou
moins maltraitées et exploitées dans le monde, chez les Touaregs,
tout au contraire, elles tiennent un rôle privilégié,
unique par rapport à l'homme. Très respectée dans cette
société matriarcale, le pouvoir, est toutefois exercé par
l'homme et se transmet de façon matrilinéaire.
Le statut de la « Targuia » lui assure d'être
libre, libre comme l'air, libre de choisir son mari et de disposer de ses
biens. Monogame depuis toujours (ce serait une humiliation pour une femme de
partager son mari), l'homme touareg ne se contente pas d'aimer et de
chérir son épouse, il l'admire. Ce respect empreint d'admiration
que les hommes Touaregs vouent à leurs compagnes ne se retrouve dans
aucune autre civilisation moderne ou ancienne.
« Moi, fils du désert, et frère du
chameau, Le manque est ma patrie et l'espérance est ma gloire, Et le
monde des apparences me donne la nausée et des vertiges qui me tournent
le coeur ». Poème de SOUELOUM DIAGHO,
Poète touareg
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