La république démocratique du Congo et le protocole de Maputo. Plaidoyers des organisations féminines du sud-Kivu.par Paulin AGANZE NKALIRWA Université officielle de Bukavu (UOB) - Licence en Relations internationales 2017 |
2.1.2. Dépôt d'une pétition pour la révision de la loi électorale et la promulgation de loi sur la parité. (2015)L'une des premières actions menées par les mouvements des femmes du Sud-Kivu a eu comme objectif la modification de la loi sur la parité ainsi que la modification de la loi électorale qui ne respecte pas le principe de la représentation égale homme-femme alors même que la Constitution l'a clairement établi dans son article 14: « La femme a droit à une représentation équitable au sein des institutions nationales, provinciales et locales. L'État garantit la mise en oeuvre de la parité hommes-femmes dans lesdites institutions. » L'initiateur de cette initiative fut alors le mouvement rien sans les femmes qui, par la suite sera soutenu par le Caucus de femmes, Afem, femme au fone et le centre Amaldefea. Durant le mois d'Avril 2015, les membres de Rien Sans les Femmes ont ainsi initié une pétition adressée au Parlement pour que l'alinéa 4 de l'article 13 de la loi électorale soit révisé et 99 Rapport interne AFEM, Douce Namwezi, approche genre : pas seulement une affaire des femmes, Bukavu, Octobre 2015. 100 Rapport 2016 Fondation Panzi, document tiré des archives de l'ONG Fondation Panzi, p.9. 52 reformulé comme suit : «La non réalisation de la parité homme-femme constitue un motif d'irrecevabilité de la liste concernée». En moins de 3 semaines, 207.315 personnes ont signé cette pétition qui a été remise officiellement au Président de l'Assemblée Nationale le 14 mai 2015 à Kinshasa, par une délégation composée de représentants de 17 organisations de la société civile venue du Nord-Kivu, du Sud-Kivu et de Kinshasa.101 Dans ce cadre, les membres de cette délégation ont pu également s'entretenir avec la Ministre nationale du Genre, de la famille et de l'enfant, le Président du Sénat, le vice-président et la questeur de la Commission Électorale Nationale Indépendante, les Chefs de 8 partis politiques de la majorité et de l'opposition, le représentant du conseil des chefs coutumiers de la RDC ainsi les députés nationaux membres de la Commission socioculturelle et du Caucus de parlementaires du Sud-Kivu, afin de présenter l'objectif de la campagne rien sans les femmes et d'obtenir l'implication d'un plus grand nombre de femmes dans la gestion de la chose publique à travers les partis politiques. 2.1.3. Plaidoyer pour la nomination de 50% de femmes aux postes de prise de décisions en marge de la journée internationale de la femme de mars 2016 Le manque des femmes aux instances de prises de décisions est parfois à l'origine du non prise en compte de la spécificité des femmes en termes de besoin, d'intérêt, des ressources et aspirations dans les efforts du développement du pays. D'où la persistance des disparités entre les hommes et les femmes.102 Durant le mois de mars 2016, les mouvements des femmes du Sud-Kivu ont mené des activités afin d'atteindre les 3 objectifs suivants :
Les activités ont produit des résultats, surtout en ce qui concerne : La visibilité des organisations féminines à travers l'organisation de 3 marches pacifiques au Nord et Sud-Kivu, un match de football des équipes de femmes à Beni au Nord-Kivu, à Kabare et à Walungu, la production et la diffusion d'émissions radio et télévision au 101 Rapport de rien sans les femmes de mai 2015 ; Kinshasa 2015 102 Marie Mossi ASADHO) et Mariana Duarte (OMCT), Alternative report, prepared for CEDAW 36th Cession, 7-25 August 2006. 53 Nord Kivu, Sud Kivu et à Kinshasa, ainsi que la production et distribution des pagnes et t-shirts.103 Ce programme était l'oeuvre de Femme au fone, réalisé par Afem et Mama Radio. Ces différents éléments ont eu un impact direct sur la mobilisation de la communauté et l'élargissement de leur mouvement étant donné que plus de 100 nouvelles organisations ont été créé dans les semaines et mois suivants et qu'aujourd'hui les deux provinces, du nord et du Sud-Kivu comptent plus de 160 organisations féminines. 2.1.4. Le plaidoyer par auprès des autorités Plus de 43 autorités congolaises, particulièrement du Sud-Kivu ont signé un acte d'engagement dans lequel elles s'engagent à nommer plus de femmes aux prises de poste de décisions d'ici mars 2017 pour les positions où ils ont ce pouvoir. Parmi les personnes ayant signés des actes d'engagement on peut souligner le Bourgmestre de la commune de Kadutu, le Président de l'Assemblée Provinciale du Sud-Kivu, la Ministre Nationale du Commerce, le Vice Premier Ministre et Ministre de l'Intérieur, la Ministre Nationale de la Femme, Famille et Enfant, la Présidente de la Dynamique de l'Opposition et le Secrétaire Général de la COFEDEC. 2.1.5. Analyse participative de la loi n°15/03 du 1er aout 2015 portant modalité d'application des droits de la femme et de la parité Les associations de femmes, à travers certaines de ses organisations membres, ont organisé différents ateliers d'analyse participative de la loi sur la parité avec des organisations de la société civile et des acteurs clés, pour analyser les aspects positifs et négatifs de la loi, notamment dans la ville de Bukavu et dans différents territoires de la province du Sud-Kivu : à Kabare ; Walungu, Idjwi, Fizi, Shabunda, etc. Par la suite, les rapports de ces ateliers ainsi qu'un rapport indépendant qui avait été produit par l'Observatoire de la Parité, ont été partagés avec le Réseau des Femmes Juristes de l'Est de la RDC (RAFEJE) qui a compilé les informations de tous ces rapports, et ajouté une analyse plus juridique de la loi pour en sortir un rapport conjoint avec les organisations féminines de la province. Ce rapport compilé par le mouvement vise ainsi à analyser les forces et les faiblesses de cette loi, sa conformité avec les engagements internationaux de la RDC ainsi que sa cohérence avec les autres dispositions légales du pays. Les conclusions du rapport soulignent en particulier que bien que cette loi fût très attendue et que l'initiative de légiférer dans le domaine soit à saluer, elle reste encore trop floue 103FAF, Rapport annuel de femmes au phone, Bukavu 2016 54 et inconsistante. Ainsi cette loi, en contenant des dispositions sur l'ensemble des droits des femmes dans tous les domaines, dilue largement les possibilités de mettre en oeuvre concrètement le protocole de Maputo, mais aussi la parité entre les hommes et les femmes. Bien qu'elle intègre la notion de discrimination positive et pose le principe de l'implication des hommes dans la promotion du genre elle ne contient aucune disposition pratique ni de mesure contraignante pour la mise en oeuvre effective de la parité dans les sphères publiques comme privées.104 Ce rapport final compilé était utilisé pour des actions de plaidoyer lors de la journée internationale de la femme 2017. 2.1.6. Plaidoyer et monitoring de la mise en oeuvre de la loi n°15/013 du 1er août 2015 portant modalités d'application des droits de la femme et de la parité Ces associations ont accueilli favorablement la promulgation par le Président de la RDC de la Loi n°15/013 du 1er août 2015 portant modalités d'application des droits de la femme et de la parité. Cependant sa mise en oeuvre effective sur le terrain tarde à se matérialiser. Dans ce contexte, elles ont lancé en novembre 2016 une grande action de plaidoyer et mobilisé l'ensemble de ses membres afin d'informer les autorités concernées de l'existence de cette loi et de ces dispositions concernant leur obligation de prendre des mesures pour l'exécution de la parité notamment au moyen de la discrimination positive ainsi que leur devoir de recevabilité, c'est-à-dire la publication de mesures et leur évaluation annuelle. Ces femmes ont déjà pu rencontrer 43 autorités à ce sujet, confie la secrétaire exécutive du Caucus de femme pour la paix au Sud-Kivu. Durant l'année 2017, l'associations des femmes de médias, AFEM SK avait fait un accompagnement pour rapprocher des autorités ciblées et les appuyer à développer et même publier un rapport annuel d'évaluation des mesures prises pour la parité dans leurs institutions mais également l'élaboration et l'exécution d'un plan d'action pluriannuel pour la mise en oeuvre de la parité à l'aide d'un guide pratique développé par le mouvement.105 104 S,Marcelle, « Plaidoyer sur la Campagne Rien Sans les Femmes », World Pulse, 14 mai 2015. in : https://www.worldpulse. com/fr/community/users/sikuzani-marcelle/posts/36923. 105 AFEM/SK, Réalité des femmes avec référence spécial aux situations des conflits armés, Bukavu sept. 2006, révisé, 2003. 55 2.1.7. Élaboration du 8ième rapport parallèle sur la mise en oeuvre du protocole de Maputo Le caucus des Femmes du Sud-Kivu conjointement avec le Groupe d'Action pour les Droits de la Femme (GADF) ont élaboré un rapport sur la mise en oeuvre du protocole de Maputo en RDC qui a été soumis parallèlement au rapport officiel du gouvernement lors de la session d'examen par le Comité à Genève en 2017106. Le GADF est un groupe de travail de la Maison des Droits de l'Homme appuyé par le Centre Carter. 2.1.8. Plaidoyer au niveau international Marche Pacifique à Bukavu en appui du protocole de Maputo, dénoncer la non réalisation de la parité homme-femme et dénoncer les violences faites à la femme, en mai 2015 par le mouvement rien sans les femmes. Des marches pacifiques de soutien à Bukavu et Uvira ont également accompagné le dépôt de la signature au Parlement le 14 mai 2015 avec une forte mobilisation de la population relayée dans les médias. Que ce soit à New York, en octobre 2015, à l'occasion du quinzième anniversaire de la résolution 1325, tout comme à Addis-Abeba en Janvier 2016 en marge du Sommet de l'Union Africaine, des représentants des mouvements des Femmes ont également porté la voix des femmes et des hommes de la RDC, particulièrement ceux du Sud-Kivu pour la lutte menée en faveur de la parité au pays. |
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