La république démocratique du Congo et le protocole de Maputo. Plaidoyers des organisations féminines du sud-Kivu.par Paulin AGANZE NKALIRWA Université officielle de Bukavu (UOB) - Licence en Relations internationales 2017 |
1.2. Agenda du protocole de MaputoLe Protocole à la Charte Africaine des Droits de l'homme et des Peuples relatif aux Droits de la Femme en Afrique (Protocole de Maputo) est le principal instrument juridique de protection des droits femmes et des filles. Il garantit de façon spécifique, en son article 14, le droit à la sante et au contrôle des fonctions de reproduction.57 Les droits des femmes à la sante sexuelle et reproductive comprennent notamment : le droit pour elles d'exercer un contrôle sur leur fécondité ; le droit de décider de leur 57 Marie Thérèse Mengue, « Regard sur la situation de la femme au Cameroun », in Droits de l'homme, libertés et justice sociale en Afrique centrale, Cahier africain des droits de l'homme, Etudes et documents de l'APDHAC, Yaoundé, PUCAC, mars 2011, n°11, p. 45-74, p. 56. 58 M. Jeugue Doungue, Discriminations à l'égard des femmes et développement durable à la lumière du Protocole de Maputo relatif aux droits de la femme en Afrique, Yaoundé: PUCAC, mars 2011, n°11, p. 75-95, p. 84. 30 maternité ; du nombre d'enfants et de l'espacement des naissances; le droit de choisir librement une méthode de contraception ainsi que le droit à l'éducation sur la planification familiale. A l'Alinéa 2(c) de l'Article 14, le Protocole de Maputo engage les États - parties à prendre toutes les mesures appropriées pour protéger " les droits reproductifs des femmes, particulièrement en autorisant l'avortement médicalisé, en cas d'agression sexuelle, de viol, d'inceste et lorsque la grossesse met en danger la sante' mentale et physique de la mère ou la vie de la mère et du foetus".58 Il est important de relever que le Protocole de Maputo est le tout premier traité , à reconnaître l'avortement , dans certaines conditions, comme un droit humain des femmes , dont elles devraient jouir , sans restrictions ni crainte de poursuites judiciaires. 1.2.1. La commission africaine de droit de l'homme et le protocole de MaputoLa Commission Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples (Commission Africaine) se réjouit de la ratification de cet instrument important, par la majorité des États membres de l'Union Africaine. Mais elle fait le constat que plusieurs pays tardent à engager les réformes juridiques nécessaires à l'intégration de ses dispositions pertinentes, dans leur législation interne en particulier, dans le domaine des droits sexuels et reproductifs. Ainsi, dans plusieurs Etats - parties ces droits restent encore caractérisés par le faible accès des femmes et des adolescentes a la planification familiale ; la pénalisation de l'avortement et les obstacles que rencontrent celles-ci pour accéder à des services d'avortement sûrs et disponibles, y compris dans les cas autorises' par la loi nationale. Plusieurs raisons continuent d'être invoquées pour expliquer la persistance de cette situation préjudiciable à la santé mentale et physique des femmes, en dépit des taux très élevés des décès maternels quotidiennement, enregistrés en Afrique. C'est pour aider à inverser cette tendance que la Commission Africaine a adopté des Observations Générales n ° 2 sur l'Article 14.1 (a), (b), (c) et (f) et Article 14. 2 (a) et (c)) du Protocole à la Charte Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples relatif 31 aux Droits des Femmes en Afrique, a l'occasion de sa 55eme Session Ordinaire tenue à Luanda (Angola) du 28 Avril au 12 Mai 2014. Elles donnent des orientations claires sur les obligations générales et spécifiques des États - parties en vue de favoriser l'intégration et la mise en oeuvre effectives des dispositions de l'Article 14 du Protocole de Maputo. Les dites Observations Générales doivent être utilisées également, lors de l'élaboration et de la soumission par les États de leurs rapports périodiques, pour rendre compte des mesures législatives et autres, par eux prises, dans le domaine de la promotion et de la protection de la santé sexuelle et reproductive des femmes et des adolescentes. La charte africaine des droits de l'Homme et des peuples a été adoptée le 27 juin 1981 à Nairobi lors de la 18ème session conférence de l'UA. Elle est entrée en vigueur le 21 octobre 1986. Cette charte s'inspire de la charte de l'Organisation de l'Unité Africaine (OUA), de la charte des Nations-Unies, et de la déclaration universelle des droits de l'homme. Cependant, elle prend en compte les traditions historiques et les valeurs de civilisation africaine59, en insistant sur le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, et en accordant également une grande place à la famille. Le protocole de Maputo vient compléter cette charte, en affirmant spécifiquement les droits des femmes en Afrique. Il énonce un certain nombre de droits humains, comme l'alimentation, la santé, l'éducation, la dignité, la paix. Il s'attache également à certaines inégalités entre les hommes et les femmes, condamne la discrimination à l'encontre des femmes et statue sur héritage, la succession et droit des veuves. Ce protocole de 30 pages est un instrument régional pour la protection des droits fondamentaux des femmes et se considère lui-même comme étant le premier instrument législatif visant à protéger la femme africaine de toutes les formes de discrimination. Ses 31 articles formulent une série de dispositions pour la protection des droits spécifiques des femmes et des filles en Afrique, en tenant compte de l'environnement socioculturel. Ainsi, le Protocole condamne et interdit les mutilations génitales féminines et proclame le droit à l'autodétermination sexuelle, renforce les droits des 59 Texte intégral de la charte africaine des droits de l'homme et des peuples relatifs aux droits des femmes en Afrique, http://www.achrp.org/fr/instruments/archpr/, consulté le 14/01/2018. 32 femmes dans le mariage et reconnaît aux femmes et aux hommes des droits égaux de posséder et d'acquérir des biens. 43 États ont signé le Protocole de Maputo60. Le protocole a été signé par les État suivants : Afrique du Sud, Algérie, Bénin, Burkina Faso, Burundi, Cameroun, République démocratique du Congo, Côte d'Ivoire, Éthiopie, Gabon, Gambie, Ghana, Guinée-Bissau, Guinée équatoriale, Guinée, Cap-Vert, Comores, Congo, Kenya, Lesotho, Liberia, Libye, Madagascar, Malawi, Mali, Maurice, Mozambique, Namibie, Niger, Nigeria, Rwanda, Sénégal, Seychelles, Sierra Leone, Swaziland, Somalie, Tanzanie, Togo, Tchad, Ouganda, Zambie, Zimbabwe (situation en novembre 2006). Entre-temps, 20 États l'ont ratifié : Bénin, Burkina Faso, Cap-Vert, Comores, Djibouti, Gambie, Lesotho, Libye, Malawi, Mali, Mauritanie, Mozambique, Namibie, Nigeria, Rwanda, Zambie, Sénégal, Seychelles, Afrique du Sud, Togo. 15 États l'ont ratifié jusqu'en octobre 2005, et ayant ainsi atteint le quorum requis, il est formellement entré en vigueur le 25 novembre 2005. Le Protocole est le fruit des efforts déployés par un grand nombre d'organisations non gouvernementales (ONG)61, en vue de protéger explicitement et de manière spécifique les droits des femmes par un protocole additionnel à la Charte africaine des droits de l'homme. Certaines clauses de la Charte de 1986 avaient été critiquées parce qu'elles étaient formulées en des termes si vagues, notamment ce qui concerne les droits des femmes, qu'il n'était guère possible d'en dégager des revendications pour des modifications législatives ou des actions politiques concrètes, en dépit des discriminations massives dont les femmes et les filles font l'objet en Afrique. Après de nombreux cycles de consultation menés au niveau national et régional entre des acteurs gouvernementaux et civils, un document commun, élaboré sous la direction de la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples, a été adopté pour servir de base au Protocole de Maputo. |
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