a. Un consensus sur la nécessaire
attractivité
Signaux de la marque employeur
Nous avons vu précédemment que la construction
(ou le maintien) d'une bonne image de Marque employeur est primordiale dans la
mise en place de ce type de stratégie d'attraction de candidats. Il est
d'autant plus important d'effectuer des recherches pour repérer les
composants essentiels à la création de signaux adéquats
avec les valeurs que l'entreprise souhaite mettre en avant pour résulter
d'une attraction positive.
Benjamin Leconte-Caseau 12
ICN 3A
La marque se transmet par des signaux à destination des
candidats. Ceux-ci influent sur la perception des employés potentiels
concernant la crédibilité de la marque et l'attraction de
l'entreprise. Si les signaux semblent crédibles, alors la proposition de
valeur associée à l'entreprise sera crédible et
perçue comme telle (Hoeffler & Keller, 2002). On constate ainsi une
dépendance entre la fiabilité des signaux envoyés et la
façon dont les employés potentiels la percevront. Erdem &
Swait (1998) ponctuent cette observation en constatant que la perception est
dépendante de la volonté et de l'habilité de l'entreprise
à délivrer ce qui est promis au candidat. Buss (2002) affirme que
les signaux envoyés au candidat pendant la période de
recrutement, affectent les attentes et les évaluations
ultérieures de l'emploi par les prospects. Ces derniers formulent ainsi
de promesses subjectives par interprétation des signaux envoyés.
La consistance et la crédibilité des signaux sont donc
primordiales dans le concept de marque employeur.
? l'attraction positive de candidat est le but principal
d'une marque employeur.
? l'entreprise communique sur son attractivité par
l'émission de signaux en direction des candidats.
Consistance et
crédibilité
Il a été précédemment
démontré que la marque employeur est divisée en
composantes qui servent de fondations pour la mise en place de cette
stratégie. L'attraction des candidats à hauts potentiels
s'effectue ainsi par l'émission de signaux spécifiques vers ce
public cible. Le schéma conceptuel modifié par d'Erdem &
Swait (figure 1 ci-dessous) informe de l'importance que les deux auteurs
donnent à la crédibilité et à la consistance des
signaux dans leur vision du concept d'attractivité.
Figure : 1 Modèle intégrateur des signaux d'une
marque employeur par d'Erdem & Swait (1998)
Benjamin Leconte-Caseau 13
ICN 3A
Si l'on concentre notre attention sur la partie « signaux
de la marque employeur », on comprend qu'un signal est consistant
lorsqu'il est crédible et clairement défini.
? la proposition de valeur communiquée aux candidats
doit être consistante et crédible.
Pour acquérir cette consistance, la clarté et la
crédibilité doivent être inscrites dans une logique
bidimensionnelle, composée des dimensions substantielles et
temporelles.
La dimension substantielle désigne le fait que les
signaux de la marque employeur dépendent de la façon dont les
valeurs communiquées sont alignées par rapport aux valeurs
présentes au sein même de l'entreprise et de ses produits.
(Backhaus &Tikoo 2004 ; Mitchell en 2002)
La dimension temporelle reflète la capacité de
l'entreprise à pérenniser dans le temps la force de sa marque
employeur et de ses signaux délivrés (Park, Jaworski &
Macinnis, 1986).
De plus, Erdem & Swait réaffirment en 2004 que plus
les signaux de la marque employeur seront consistants, plus grande sera la
crédibilité du futur employeur aux yeux de ses prospects. Il
s'agit ici d'oeuvrer pour que l'évolution dans le temps d'une marque
employeur coïncide avec celle de l'entreprise qui la met en place.
Celle-ci et sa marque employeur doivent évoluer temporellement et
substantiellement ensemble pour atteindre leurs objectifs communs : les
conséquences positives sur l'attractivité de l'entreprise. De
mauvaises promesses peuvent conduire à un mécontentement des
salariés, un « turn over » plus important, résultant
d'une communication orale négative ; l'engagement des employés
peut rapidement décroitre (Miles & Mangold, 2004). On observe ainsi
une création d'un contrat psychologique entre le candidat et
l'entreprise dû à l'envoi de signaux et leurs
interprétations par les candidats.
? la proposition de valeur doit être pérenne
et substantielle aux yeux des candidats pour renforcer la bonne perception de
l'entreprise par ceux-ci.
La conséquence d'une bonne proposition de valeur est
une augmentation de la qualité de perception des employés
prospects pour l'entreprise en tant qu'employeur. Une marque employeur doit
être clairement définie et communiquée pour observer une
attraction positive de l'entreprise pour les candidats.
Benjamin Leconte-Caseau 14
ICN 3A
b. Une doctrine partagée sur les
conséquences Variables individuelles
L'attractivité d'une entreprise pour un candidat selon
Bakchaus dépend de la similarité entre les valeurs que l'un
affirme et que l'autre revendique. On parle alors de « congruence »
ou d'alignement des valeurs entre la personne et l'organisation (Cable et
Graham, 2000 ; Lievens, Decaesteker, Coetsier et Geirnaert, 2001 ; Lievens et
Highhouse 2003 ; Backhaus et Tikoo, 2004). « L'image ou les traits
similaires attireraient ainsi les candidats vers les employeurs partageant
leurs valeurs » 7 rajoutent Lievens & Highhouse, 2003.
Devendorf et Highhouse (2008) examinent, pour leur part,
l'effet de la similarité entre le candidat et les employés
(futurs collègues décrits par une série d'adjectifs) sur
l'attractivité de l'employeur. Leurs résultats montrent que la
similarité perçue et la similarité dite «
prototypique » sont corrélées à l'attraction de
l'employeur (respectivement r = .67 à .79 et r = .15 à .28). Dans
cette étude, la similarité perçue du candidat avec les
salariés de l'entreprise est mesurée avec deux items : « Je
pense que les employés de cette entreprise me ressemblent » et
« Je m'intégrerais bien avec les employés de cette
entreprise ». La similarité prototypique est évaluée
à partir d'une liste de 81 adjectifs pour dire comment les autres
décriraient le répondant. Les auteurs mesurent par ailleurs
l'attraction employeur par trois items dont le fameux : « Pour moi, cette
entreprise serait un bon endroit où travailler ».
? le partage de valeurs communes permet au candidat de se
projeter dans l'avenir au sein d'une entreprise.
Des aspects de la personnalité du candidat, notamment
l'estime de soi et le besoin d'accomplissement, auraient un impact sur l'effet
de caractéristiques organisationnelles composant l'attractivité
selon Turban et Kéon (1993). Ils ponctuent leurs observations en
démontrant qu'un étudiant dont l'estime personnelle est haute,
aura tendance à être attiré par les grandes entreprises
décentralisées. A contrario, l'étudiant ayant un fort
besoin d'accomplissement serait plus attiré par les entreprises dont les
stratégies de rémunération du personnel sont basées
sur le mérite.
7 Lievens, F et Highhouse, S. (2003) the relation of the
instrumental and symbolic attributes to a company attractiveness as an
employer. Personal Psychology, vol 56, n°1, p 75-102
Benjamin Leconte-Caseau 15
ICN 3A
Dans le même contexte, l'étude menée par
Lievens et ses collègues (2001) auprès de jeunes
diplômés montre que les traits de
personnalité des candidats modèrent les effets de certains
attributs organisationnels perçus sur l'attractivité de
l'entreprise. Ils mettent en lumière, le degré de «
conscience professionnelle » (conscientiousness) du candidat qui aurait
pour effet de modérer l'effet de la taille de l'organisation sur
l'attractivité. C'est-à-dire que les étudiants aux
caractères définis comme consciencieux -respect de la discipline
et des obligations- s'avèrent plus attirés par de grandes
entreprises. D'un autre côté, les candidats ayant une ouverture
forte aurait tendance à préférer les organisations
multinationales.
Ces résultats de cette étude sur les traits
individuels d'attraction rejoignent l'argument de Schneider, Smith, Taylor et
Fleenor (1998). Les individus seraient attirés différemment par
des entreprises en fonction de plusieurs facteurs : leurs
intérêts, leurs besoins, leur préférences et de
leurs personnalités.
Si l'on met en aparté le niveau d'expérience du
candidat, il s'avère que l'appartenance à une cohorte
générationnelle influencerait les attentes à
l'égard de la position ou de l'entreprise convoitée. Cet effet
d'appartenance a déjà été avancé dans des
travaux sur le domaine du Marketing, notamment en ce qui concerne les
préférences de consommation des acheteurs (Schewe et Meredith,
2004). Les praticiens et les chercheurs montrent également un
intérêt grandissant et des questionnements spécifiques sur
les attentes des nouvelles générations face aux
précédentes (génération Y contre X ou Y contre Z).
Dans cette perspective, Moroko et Uncles (2009) proposent des critères
de segmentation des différentes stratégies de gestion de la
marque employeur vecteurs de modérateurs potentiels : l'âge ou
appartenance à une cohorte organisationnelle - Baby boomers,
génération X, Y ou Z. .-, le statut familial -célibataire,
marié avec des enfants. .-, le« niveau » hiérarchique -
jeune diplômé, junior, senior, cadre dirigeant -, le type d'emploi
- technique, ressources humaines, marketing, comptabilité, finance. .-,
le type de contrat - CDI, CDD, stage -, l'ancienneté - moins de 6 mois
dans l'entreprise, entre 6 mois et 1 an, plus d'1 an. .-, la localisation
géographique - au siège/filiale, ville, région, pays - ou
encore le choix de carrière - volonté de travailler dans un
secteur/une industrie particulière par exemple-.
? les besoins du candidat influencent sa décision de
rejoindre ou non une entreprise.
? les types de besoins différents en fonction de
l'appartenance du candidat à un type de
génération.
Collins et Stevens (2002) ont emprunté la
théorie de l'image de marque du marketing, l'ont appliquée au
recrutement. Les chercheurs ont essayé de déterminer l'impact des
aspects suivants sur l'attitude des chercheurs d'emploi à l'égard
de l'organisation : les informations diffusées au
Benjamin Leconte-Caseau 16
ICN 3A
sujet de l'organisation (dont la source n'est pas
l'entreprise), les commandites, le bouche à oreille et les
publicités corporatives. Ils ont nommé cette approche «
l'image de marque de l'employeur»
:
« [...} consumers use brand image to make comparisons and
discriminate among similar products or services.[. ..} On the basis of the
finding in the marketing literature, we expected that individuals' application
decision regarding firms in their decision set (i.e., those firms about which
they are making application decisions) may be affected by employer brand image,
which we define as potential applicants' attitudes and perceived attributes
about the job or organization. » 8
Contrairement à la majorité des recherches en
attraction, Collins et Stevens ont interrogé des étudiants qui
s'étaient préalablement inscrits à un centre de placement.
En conséquence, les 133 répondants étaient activement en
recherche d'emploi au moment de l'enquête. Les conclusions ont
démontré qu'il existait une relation entre les perceptions du
chercheur d'emploi vis-à-vis de l'organisation et trois des quatre
variables à l'étude, soit les informations diffusées au
sujet de l'organisation (dont la source n'est pas l'entreprise), le bouche
à oreille et les publicités corporatives. De plus, les auteurs
ont observé que les attitudes du chercheur d'emploi (par exemple, son
degré d'appréciation à l'égard de l'organisation)
ainsi que les attributs organisationnels qu'il perçoit (image de marque
de l'employeur) avaient un effet médiateur entre les pratiques du
recrutement et la décision de soumettre une candidature.
? le candidat se forge une idée de son potentiel
employeur en fonction des informations dont il dispose. ? plus une
entreprise communique vers les candidats, plus elle peut influencer la prise de
décision en sa faveur.
Variables organisationnelles
Plusieurs auteurs se sont penchés sur les
conséquences de l'attraction employeur d'une entreprise. En effet,
d'après Cable et Turban (2001), les candidats potentiels
développent des croyances sur des aspects objectifs de l'organisation.
On y inclut la taille, la localisation, le niveau de décentralisation ou
encore la dispersion géographique. Lievens, Van Hoye et Schreurs en 2005
ont conclu que ces croyances influencent la prise de décision des
candidats potentiels de rejoindre une entreprise ou non, et, par
conséquent ont un impact direct sur l'attractivité de
l'entreprise. En 2001, l'étude de Lievens et ses collègues
avaient déjà soulevé le fait que pour les
8 Collins, C. J. et Stevens, C. K. (2002). The relationship
between early recruitment-related activities and the application decisions of
new labor-market entrants: A brand equity approach to recruitment. Journal
of Applied Psychology, vol. 87, n°6, p.1122
Benjamin Leconte-Caseau 17 ICN 3A
jeunes diplômés, le degré
d'internationalisation, jumelé avec les croyances citées
ci-dessus, avait un impact positif sur l'attraction des entreprises. Ces futurs
candidats seraient ainsi plus attirés par des organisations
multinationales, décentralisées, de taille moyenne ou grande. La
taille représente la caractéristique la plus visible de
l'entreprise et la plus importante pour les individus, en conséquence
elle serait vectrice d'attractivité (Lievens et al, 2001). L'importance
de l'internationalisation s'explique par la volonté des
générations Y et Z de vouloir s'expatrier, tout en assurant une
sécurité financière et d'emploi. L'attractivité de
l'entreprise est donc renforcée si celle-ci offre des
opportunités de carrières à l'international.
? l'entreprise doit affiner ses signaux employeur en fonction
de la génération des candidats ciblés.
De la même manière que les croyances
précédentes forgent une projection imagée de l'entreprise
par le candidat, le niveau de décentralisation est un autre
élément important pour les candidats dans la prise de
décision de rejoindre une organisation (Wanous, 1980). Lorsque l'on
parle de décentralisation, on parle surtout de la culture, et des
valeurs véhiculées par l'entreprise (Lievens et al., 2001 ;
Turban et Keon, 1993). Le partage de valeurs communes entre le candidat et
l'entreprise donne naissance à un contrat psychologique, aussi
appelé promesse subjective, qui devient les fondations des futures
relations entre les deux protagonistes. C'est-à-dire que la
compréhension de l'image créée par l'entreprise, permet au
candidat de se projeter au sein de l'entreprise et notamment d'y projeter son
avenir professionnel à moyen et long terme. Ceci est possible par
l'adéquation des valeurs personnelles du candidat avec celles
communiquées clairement par l'organisation.
? le partage de valeurs communes est nécessaire
à l'attractivité.
? le partage de valeurs communes permet une
création d'un contrat psychologique entre le candidat et le
l'entreprise.
L'image de marque et la notoriété de
l'entreprise semblent également pouvoir être des variables
intermédiaires importantes. La construction et le maintien de l'image de
marque employeur, à l'instar de l'image de marque, passe en premier lieu
par sa réputation. Ambler et Barrow (1996) rappellent que la
réputation se développe sur la base de l'observation et le
contrôle d'un comportement cohérent dans le temps. La
réputation serait, selon O'Brien (1995), composée de trois
dimensions : la compétence, la cohérence et
l'intégrité. Venant compléter l'aspect qualitatif de la
réputation à travers l'image de marque, la
notoriété peut être considérée comme son
corolaire quantitatif. La notoriété est définie comme le
degré de présence dans l'esprit des
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individus, elle est notamment mesurée par la
notoriété spontanée et assistée. Si la marque
employeur ne bénéficie pas d'une forte notoriété ou
d'une bonne image de marque, elle devrait par conséquent attirer moins
de candidatures et/ou des candidats moins qualifiés. Autrement dit, il y
a moins de chance qu'un candidat postule dans une entreprise qu'il ne connait
pas ou dont il perçoit l'image comme étant mauvaise. La
notoriété et l'image de marque constitueraient ainsi des
variables modératrices entre la marque employeur et ses
conséquences externes, en particulier l'attractivité de
l'entreprise.
? L'image de marque et la réputation d'une entreprise
influencent l'attractivité employeur.
Enfin, d'autres facteurs de contingences, plus «
macro-économiques » peuvent être pris en considération
tels que les conditions du marché du travail (Rynes et Barber, 1990). La
marque employeur pourrait donc être déterminante en cas de
pénurie de main d'oeuvre ou d'un manque de candidat.
? Nécessité de maintenir et de
développer le capitale image de marque et réputation employeur au
coeur de la stratégie d'attraction des candidats.
C. Une Réflexion sur les stratégies
d'investissements
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