III/ Sécuriser le quartier
A) Sociétés de sécurité
privée et vigiles de rue
En réponse à la demande sécuritaire,
c'est d'abord le marché des entreprises privées qui a investi les
rues de ces nouveaux quartiers principalement résidentiels et
touristiques de la Zone Sud. Il semblerait en effet, que tant au plan
international que national ou local, la réunion de plusieurs facteurs,
parmi lesquels l'augmentation de la criminalité, l'augmentation des
angoisses face à celle-ci, le discrédit envers les
autorités étatiques ou la simple constatation des lacunes de ces
autorités, ont offert des espaces légaux et des incitations
économiques ayant pour conséquence un fort développement
des entreprises de sécurité privée. Si la violence
légitime est reconnue, au sein des démocraties modernes, comme
appartenant à l'État, les chiffres indiquent cependant un
transfert croissant de cette prérogative vers les institutions
privées. Alors que dans les pays du Nord, la croissance annuelle du
marché de la sécurité privée ne frôle que les
8%, dans les pays du Sud, en revanche, les enquêtes quantitatives
exposent des taux variant entre 30 et 40% (Vanderschueren, 2000 ; Felix, 2002 ;
Melo, 2008), au point que dans beaucoup de ces pays, les agents de
sécurité privée sont aujourd'hui plus nombreux que les
agents de l'État. Comme l'a expliqué Caldeira, ces entreprises
sont apparues au Brésil à la fin des années 60, en
réponse aux braquages de banques récurrents (Caldeira, 2000), et
ont connu un fort développement dans les années 90 en
conséquence de l'augmentation de la criminalité (Zanetic, 2009).
En 2005 le nombre de ces agents sur le territoire national oscillait, selon les
différentes enquêtes et modes de calcul, entre 557.500 et
1.648.570 . À titre de
68 69
comparaison, en 2003, le Ministère de la Justice
affirmait que le contingent des forces publiques atteignait le chiffre de
506.411 agents (115.960 policiers civils et 390.451 policiers militaires).
68 Sources : FENAVIST/MEZZO PLANEJAMENTO, 2005
69 Sources : Pesquisa Nacional por Amostra de
Domicílios - PNAD, do Instituto Brasileiro de Geografia e
Estatística - IBGE, 2005
86
La grande majorité des agents de sécurité
privée sont employés par des entreprises (banques, transports de
fonds, centres commerciaux, restaurants,...) ou par le secteur public
lui-même (Zanetic, 2009). Cependant, mon ethnographie montre qu'il existe
également deux secteurs de la sécurité privée, dont
l'offre se dirige plutôt en direction des particuliers, qui accompagnent
cette croissance générale du marché des entreprises de
sécurité. Le premier, qui s'inscrit dans les cadres
juridico-légaux, prend la forme d'entreprises de prestations de service
de sécurité et de surveillance à destination des
particuliers. Il s'agit principalement de l'installation de matériels de
surveillance électronique (caméras de surveillance, capteurs de
mouvement) reliés au centre de commande de la société qui,
en cas d'incident, met à disposition des agents qui se rendront sur le
lieu en question. Le second appartient au secteur informel et est interdit par
les normes juridiques. En effet, alors que conformément à
l'article 144, paragraphe 5 de la Constitution Fédérale, seule
revient à la police militaire la tâche de « police ostensible
» sur la voie publique, Natal, tout comme les autres villes
brésiliennes, fourmille d'humbles vigiles informels qui surveillent les
maisons, les carrefours et les rues des quartiers résidentiels. Il
s'agit dans la plupart des cas de quelques individus, chacun assis sur une
chaise en un point stratégique, qui se relaient pour assurer une
présence continue. Ces agents ne possèdent
généralement aucun équipement adapté à
l'appréhension d'un individu armé mais sont
rémunérés par les habitants dans l'optique de dissuader de
potentiels agresseurs. Edson, qui surveille la même rue du Conjuntos dos
Professores depuis 21 ans me raconte :
« On est 3 : Paulo et moi, on se relaie, on fait 12h /
12h et le troisième nous remplace de temps en temps. On surveille les 7
maisons qui sont là, tu vois : à partir de la maison jaune au
fond jusqu'à celle là, la dernière. [...] On n'est pas
armé, on n'a pas le droit, mais si un voleur essaye de cambrioler une
maison, on peut toujours appeler la police. C'est surtout de la dissuasion
qu'on fait, moi je suis entre le voleur et la maison, si le type veut
cambrioler, je sais que je suis son premier ennemi, je suis sur son chemin,
entre lui et sa cible. »70
Entretien avec Edson, homme d'une quarantaine
d'années, vigile dans le Conjunto dos Professores - octobre
2017
Dans le Conjunto dos Professores, ils doivent être
presque une cinquantaine à exercer cette profession, de la même
manière que le décrit Edson. Casquette sur la tête,
70 Traduction de l'auteur
87
paisiblement assis sur une vieille chaise en plastique
placée à l'ombre d'un manguier, ils sont les yeux de la rue.
Cependant, ni les entreprises privées et formelles ni
les vigiles de rue informels, ne satisfont entièrement les habitants du
Conjunto dos Professores. En premier lieu, ils coûtent chers, (chaque
foyer contractant débourse entre 50 et 300 reais par mois pour
les vigiles et/ou entre 200 et 600 reais pour les entreprises en
règle). Par ailleurs, ils ne sont pas toujours efficaces. Et pour finir,
ils font peser sur eux les suspicions. Ana, interrogée sur
l'efficacité de ces deux types de services, se plaint :
« Ma voisine avait un contrat avec [nom de l'entreprise],
elle payait une fortune. Eh bien quand les bandits sont entrés chez elle
pendant qu'elle était en vacances, ça n'a strictement servi
à rien. Alors, moi je dis : est ce que ça vaut vraiment la peine
? [...] Ce genre d'entreprises, ils recrutent leur personnel dans les quartiers
pauvres pour avoir une main d'oeuvre bon marché. Petit à petit
les employés connaissent le quotidien des habitants. Et parfois dans
leur quartier ils s'impliquent avec des vagabonds et montent des plans pour
voler les maisons qu'ils sont censés surveiller. »71
Entretien avec Ana, retraitée et participante
au Conseil communautaire de sécurité du
Conjuntos dos Professores - décembre
2017.
Dans le Conjunto dos Professores, c'est sûrement face
aux constats du manque d'effectifs et de financement de la police militaire et
de l'insuffisance des services proposés par le marché
privé de la sécurité, qu'a été bien
acceptée, dès ses débuts en mars 2016, l'idée d'un
programme de sécurité publique qui associe habilement citoyens et
forces de l'ordre.
B) Le projet Vizinhança Solidária e
Batalhão Participativo
En 2016, en réponse à une demande de la
Secretaria de Estado da Segurança Pública e da Defesa
Social, le Colonel Major Lima, alors Commandant du 5ème Bataillon
de Police Militaire de Natal, initie le projet « Vizinhança
Solidária e Batalhão Participativo »
71 Traduction de l'auteur
88
(voisinage solidaire et bataillon participatif) dans la Zone
Sud de Natal. Inspiré d'autres expériences
développées à travers le monde, le projet s'articule
autour de trois axes principaux : unir les habitants d'un quartier à
travers l'objectif sécuritaire ; rapprocher fortement citoyens et forces
de l'ordre de sorte que la surveillance et les mesures de prévention et
d'intervention soient simplifiées, discutées et optimisées
; utiliser les technologies disponibles pour faciliter la réussite de
ces objectifs sécuritaires.
« Avant, au niveau de la violence c'était super
tranquille. Je suis arrivé ici en 80, dans cette maison. C'était
super tranquille, on laissait la porte ouverte, le portail ouvert, tout
était ouvert. Y'avait pas de voleur, quasiment pas. Mais en raison de la
violence qu'il y a aujourd'hui, on a décidé de créer un
conseil de sécurité avec la Police Militaire. »
Entretien avec Fiona, 64 ans, retraitée et
Présidente du Conseil communautaire de sécurité -
septembre 2017
« Ici à Capim Macio, la situation de la
criminalité était insupportable, personne ne pouvait aller se
balader sur la place, on ne pouvait même pas aller à
l'église. Et au-delà de ma vie personnelle ça a
commencé à affecter ma vie professionnelle aussi. J'ai une
école ici et les gens disaient «ah mais c'est dangereux ici».
Du coup on a décidé de voir si on pouvait changer ça,
faire notre part pour voir si on arrivait à faire baisser les chiffres
de la criminalité à un niveau acceptable. S'il existe un niveau
acceptable de criminalité. C'était ça l'idée.
»72
Entretien avec Ricardo, 38 ans, Directeur
d'école et Vice-Président du Conseil communautaire du Conjunto
dos Professores octobre 2017
En mars 2016, le Colonel Major Correia Lima, alors en charge
du commandement du 5ème Bataillon de police militaire de Natal et
diplômé en sécurité publique, lance un projet sous
le nom de Vizinhança Solidária e Batalhão
Participativo . Le projet est une réponse à des forts taux
de criminalité urbaine et à la constatation par le Major
lui-même des problèmes dont souffre le 5ème Bataillon. Il
m'explique :
« Quand nous sommes arrivés pour assumer le
commandement du 5ème Bataillon, qui est le bataillon responsable de la
sécurité de la Zone Sud, nous avons détecté un fort
indice de crimes contre le patrimoine, c'est à
72 Traductions de l'auteur
89
dire des vols, des vols à main armée. Nous avons
aussi détecté que la police avait très peu d'effectifs
pour une région si grande. Pour te donner une idée, en 1998, la
Zone Sud avait 23 voitures pour effectuer le maintien de l'ordre dans toute la
Zone Sud. Et quand je suis arrivé il n'y en avait que 7. On a alors
décidé de changer de stratégie et de passer à
quelque chose de plus proactif, une police de proximité.
»73
Entretien avec le Colonel Major Correia Lima - novembre
2017
L'idée d'une police de proximité fait peu
à peu son chemin au Brésil. Depuis la fin de la dictature
militaire, la tendance est en effet à la décentralisation des
politiques publiques et la sécurité n'y fait pas exception comme
en témoigne l'article 144 de la constitution Fédérale de
1988 qui stipule que « la sécurité est un droit et un devoir
de tous ». C'est Anthony Garotinho, Gouverneur de l'État de Rio de
Janeiro qui, en 1999, va poser en premier les bases de nouveaux programmes de
sécurité publique. Outre le constat d'une augmentation
inquiétante de la criminalité urbaine dans l'État de Rio
de Janeiro comme dans le reste du Brésil, Garotinho pointe du doigt un
problème fâcheux dont souffre la société
brésilienne, résultat de près de trente années de
dictature militaire : les relations entre police et citoyens sont
catastrophiques, basées sur la méfiance et la peur, la haine et
le rejet. Le projet de Garotinho est donc celui de restaurer ces relations
à travers un objectif commun aux deux parties : l'objectif
sécuritaire. En se basant sur le découpage géographique
des Aires Intégrées de Sécurité Publique (AISP),
divisions administratives de sécurité récemment
créées, le Gouverneur de l'État de Rio de Janeiro institue
en 1999 les premiers Conseils Communautaires de Sécurité du pays.
La première section de la loi qui les institue définit leurs
fonctions de manière générale :
« (a) approcher les institutions policières de la
communauté, restaurer leur image, restituer leur
crédibilité et transmettre à la population un sentiment de
sécurité et une plus grande confiance ; (b) améliorer le
contrôle de la criminalité grâce à l'appui de ceux
qui vivent de près et quotidiennement les problèmes : les
habitants ; (c) élever le niveau de conscience communautaire à
propos de la complexité des problèmes relatifs à la
sécurité publique afin que jamais, dans notre Etat, il n'y ait un
espace pour le renforcement de discours qui proposent la barbarie comme
méthode
73 Traduction de l'auteur
90
pour combattre la barbarie. » (Rio de Janeiro (Estado),
Résolution SSP
74
263 du 26 juillet 1999).
Après Rio de Janeiro c'est au tour de Brasilia
d'instaurer des Conseils Communautaires de Sécurité, en 2000,
(Barbosa, 2013), puis Porto Alegre et São Paulo. À Natal ils font
leur apparition en 2013. Institués par l'ordonnance N° 217/2013-GS/SESED
du 30 septembre, ils prennent le nom de Conseils Communautaires de
Coopération de Défense Sociale (CCCDS). Leur objectif
général, selon l'ordonnance est de « promouvoir une forte
intégration des agents de Sécurité Publique avec la
Communauté, guidés par la Philosophie de la Police Communautaire,
avec pour objectif l'amélioration de la qualité du service, le
changement du contexte social et la diminution conséquente de la
criminalité, en identifiant, priorisant et recherchant ensemble des
solutions. »
En mars 2016, le Colonel Major Correia Lima lance, dans la la
Zone Sud de Natal, le projet Vizinhança Solidária e
Batalhão Participativo qui s'inscrit dans la descendance directe
des Conseils nouvellement créés. Plusieurs quartiers de la
région répondent positivement à l'initiative et instituent
des associations citoyennes qui prennent des noms divers selon les quartiers.
Dans le Conjunto dos Professores les habitants s'accordent pour baptiser le
nouvel organe « Conseil communautaire de sécurité ».
Pour les autorités de police comme pour les citoyens, l'objectif
recherché est celui de réduire les occurrences criminelles par le
biais de la participation et la coopération.
En pratique, dans le Conjunto dos Professores, le projet
fonctionne de la sorte : environ 700 habitants, dont deux sont directement
reliés à la police militaire, effectuent un contrôle
continu et presque omniscient sur les rues du quartier à l'aide de
nombreuses caméras de surveillance privées et de trois groupes
Whatsapp dont les règles,
75
fréquemment rappelées, sont ainsi
énoncées :
« Ceci sera notre principal instrument et il ne devra
être utilisé qu'en cas de nécessité, lors de
situations imminentes ou évidentes d'insécurité, d'urgence
ou de risque. Individus ou voitures suspectes, actions criminelles
74 Traduction de l'auteur
75 Étant donné qu'un groupe Whatsapp ne peut
contenir que 256 participants, la communauté a réparti la
population en trois groupes similaires (« Emergência 1 »,
« Emergência 2 » et « Emergência 3 »).
91
réelles, demande de secours ou cas similaires... Tout
type d'alertes de criminalité. »76
Extrait des règles d'utilisation des groupes
Whatsapp « Emergência ».
Ainsi, lorsqu'une action criminelle est détectée
ou lorsqu'un individu ou le comportement d'un individu est jugé suspect
par un habitant, ce dernier en informe la communauté par le biais d'un
message sur le groupe Whatsapp, souvent accompagné d'une photo ou d'une
vidéo prise par une caméra de surveillance . Les autres
participants du
77
groupe seront ainsi prévenus du danger potentiel et
pourront, en outre, partager leurs avis sur la situation. Dans la plupart des
cas, les messages postés sur le groupe Whatsapp prennent la forme d'une
demande d'identification adressée au voisinage, d'une demande
d'identification par la police, d'une demande d'intervention de la police en
réponse à un acte criminel ou d'une simple interrogation ou mise
en garde à la vue d'un phénomène jugé
étrange. Deux individus, la Présidente et le
Vice-Président du Conseil communautaire de sécurité, sont
en lien direct avec le téléphone de la patrouille de Police
Militaire en charge de la sécurité du quartier et pourront alors,
si cela est jugé nécessaire, entrer directement en contact avec
celle-ci, sans avoir à passer par la centrale téléphonique
de la Police Militaire. Les résultats semblent probants. Le
Vice-Président du Conseil communautaire de sécurité avance
des chiffres avec un air satisfait :
« Au sein même du CEOSP, la centrale
téléphonique, il existe un temps d'attente de traitement pour que
soit donné un ordre à une patrouille. Ce temps, il est en moyenne
de 23 minutes. [...] Avec notre nouvelle manière de faire, la
communauté elle-même fait le tri pour savoir quelles sont les
situations où la police doit intervenir ou non, et le temps de
réponse et d'arrivée de la voiture est bien plus court.
Aujourd'hui, je calcule, il est de 3 minutes en moyenne. »
Entretien avec Ricardo, 38 ans, Directeur
d'école et Vice-Président du Conseil communautaire du Conjunto
dos Professores octobre 2017
Après deux ans d'existence, le projet
Vizinhança Solidária e Batalhão Participativo
semble en effet satisfaire la majeure partie des habitants du Conjunto dos
Professores qui disent ressentir une plus grande sensation de
sécurité qu'avant le lancement du projet. La police est plus
souvent présente, notamment aux alentours de la place Helio Galvao
qui
76 Traduction de l'auteur
77 Presque toutes les résidences du quartier
sont équipées de caméras de surveillance privées
dont certaines filment la rue.
92
recommencerait à être fréquentée
par les riverains, les relations entre les forces de l'ordre et les citoyens
sont jugées « en amélioration » par les deux parties et
la création des groupes Whatsapp permet une meilleure communication
entre les habitants, les aidant ainsi à identifier rapidement les
sources de danger.
Cependant, la participation citoyenne à la surveillance
de la voie publique ne saurait remplacer efficacement le rôle dissuasif
de la Police Militaire. Le 5ème bataillon en charge de la Zone Sud ne
possédant que sept voiture pour assurer la sécurité de
175.000 habitants, sa présence dans tous les quartiers ne peut
être effective et continue. Avec le développement des liens entre
le bataillon et les citoyens, promu par le projet Vizinhança
Solidária e Batalhão Participativo, s'est aussi ouverte la
possibilité pour les communautés d'utiliser leur ressources pour
maintenir les patrouilles de police dans leur enceinte. En effet, si le
rapprochement des forces de l'ordre et des citoyens était effectivement
un des axes fondamentaux du projet, j'ai pu observé que les rapports
dépassent souvent le simple rapprochement pour passer sous le joug de ce
qu'on pourrait caractériser de tentatives stratégiques
d'appropriation de la Police Militaire par les habitants du Conjunto dos
Professores. La criminalité urbaine et le fort sentiment
d'insécurité ressenti par les individus, joint à un
sous-effectif policier aux bas salaires, voire sans salaire , sont parmi les
facteurs
78
principaux qui induisent l'émergence de
stratégies corruptives de la part des habitants à destination des
policiers :
« Ils passent la journée dans la rue, de 7h
à 19h. Quand ils finissent leur service, je leur offre un repas. Parce
que si tu n'offres pas quelque chose, tu n'as rien en retour. D'une certaine
manière, tu dois offrir quelque chose. Donc je leur paye un repas. On ne
peut pas leur donner d'argent , du coup
79
je vais quelque part, un snack par exemple, je paye en avance une
quantité
X et ensuite les policiers vont là-bas et mangent. On
paye le déjeuner aussi, j'en paye un par semaine dans un restaurant,
selon le nombre de personnes qui vont déjeuner. La semaine
dernière ils étaient six, six policiers. Et j'ai réussi
à négocier un autre déjeuner. Donc deux déjeuners
par semaine. [...]. Il faut leur offrir quelque chose tu comprends. Ils ne
viennent pas parce qu'ils sont fonctionnaires, parce qu'ils sont de la
police
78 Fin 2017, les policiers (mais aussi les pompiers et les
enseignants) restèrent impayés pendant 3 mois, ce qui mena
à une grève illégale des forces de l'ordre qui dura plus
de trois semaines.
79 Après m'avoir confié, dans cet entretien, ne
pas donner de pot-de-vins aux policiers, Fiona l'a pourtant fait devant moi
quelques jours plus tard.
93
militaire ou parce qu'ils ont la responsabilité de
venir. Non. Parce qu'il y a plein de quartiers. Rien que dans la zone sud il y
a douze quartiers qu'ils doivent surveiller. Ils viennent parce qu'ici on les
reçoit bien. »
Entretien avec Fiona, 64 ans, retraitée et
Présidente du Conseil communautaire de sécurité -
septembre 2017
Outre ces offres de repas, la communauté organise
régulièrement des événements au profit de la police
militaire : petit-déjeuner sur la place de l'église, fête
des enfants de policiers, anniversaire du bataillon,... Et fin 2017, lorsque
les polices civiles et militaires de Natal initièrent une grève
qui allait durer plus des trois semaines en réponse à des
salaires en retard de trois mois, plusieurs communautés de quartiers de
la Zone Sud (Conjunto dos Professores en tête) s'unirent pour venir en
aide aux policiers du 5ème bataillon, parvenant à réunir
une somme de plus de 6000 reais et à leur pourvoir environ 250 «
cestas
80
basicas » .
81
Si derrière le discours officiel qui est celui de
« remercier la police pour le travail qu'ils font dans notre
communauté », existent en réalité de
véritables stratégies sécuritaires qui sont à
l'oeuvre et mon ethnographie montre que les habitants du Conjunto dos
Professores, profitent amplement du projet Vizinhança
Solidária e Batalhão Participativo pour soudoyer
discrètement les forces de police, dans l'espoir de
bénéficier de traitements de faveur et d'une meilleure
protection.
80 Environ 1500€
81 Les «cestas basicas» sont des sacs d'une
vingtaine de kilos, remplis d'aliments de bases (riz, harricots, huile,
café, sucre, pâtes,...). On peut les acheter en supermarché
pour une somme d'environ 50 reais.
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