WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Villes de la Peur, Pratiques et Discours Sécuritaires au Brésil

( Télécharger le fichier original )
par Alix Macadré
Université de Bretagne Occidentale (UBO) - Master 2 Anthropologie 2018
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

III/ Sécuriser le quartier

A) Sociétés de sécurité privée et vigiles de rue

En réponse à la demande sécuritaire, c'est d'abord le marché des entreprises privées qui a investi les rues de ces nouveaux quartiers principalement résidentiels et touristiques de la Zone Sud. Il semblerait en effet, que tant au plan international que national ou local, la réunion de plusieurs facteurs, parmi lesquels l'augmentation de la criminalité, l'augmentation des angoisses face à celle-ci, le discrédit envers les autorités étatiques ou la simple constatation des lacunes de ces autorités, ont offert des espaces légaux et des incitations économiques ayant pour conséquence un fort développement des entreprises de sécurité privée. Si la violence légitime est reconnue, au sein des démocraties modernes, comme appartenant à l'État, les chiffres indiquent cependant un transfert croissant de cette prérogative vers les institutions privées. Alors que dans les pays du Nord, la croissance annuelle du marché de la sécurité privée ne frôle que les 8%, dans les pays du Sud, en revanche, les enquêtes quantitatives exposent des taux variant entre 30 et 40% (Vanderschueren, 2000 ; Felix, 2002 ; Melo, 2008), au point que dans beaucoup de ces pays, les agents de sécurité privée sont aujourd'hui plus nombreux que les agents de l'État. Comme l'a expliqué Caldeira, ces entreprises sont apparues au Brésil à la fin des années 60, en réponse aux braquages de banques récurrents (Caldeira, 2000), et ont connu un fort développement dans les années 90 en conséquence de l'augmentation de la criminalité (Zanetic, 2009). En 2005 le nombre de ces agents sur le territoire national oscillait, selon les différentes enquêtes et modes de calcul, entre 557.500 et 1.648.570 . À titre de

68 69

comparaison, en 2003, le Ministère de la Justice affirmait que le contingent des forces publiques atteignait le chiffre de 506.411 agents (115.960 policiers civils et 390.451 policiers militaires).

68 Sources : FENAVIST/MEZZO PLANEJAMENTO, 2005

69 Sources : Pesquisa Nacional por Amostra de Domicílios - PNAD, do Instituto Brasileiro de Geografia e Estatística - IBGE, 2005

86

La grande majorité des agents de sécurité privée sont employés par des entreprises (banques, transports de fonds, centres commerciaux, restaurants,...) ou par le secteur public lui-même (Zanetic, 2009). Cependant, mon ethnographie montre qu'il existe également deux secteurs de la sécurité privée, dont l'offre se dirige plutôt en direction des particuliers, qui accompagnent cette croissance générale du marché des entreprises de sécurité. Le premier, qui s'inscrit dans les cadres juridico-légaux, prend la forme d'entreprises de prestations de service de sécurité et de surveillance à destination des particuliers. Il s'agit principalement de l'installation de matériels de surveillance électronique (caméras de surveillance, capteurs de mouvement) reliés au centre de commande de la société qui, en cas d'incident, met à disposition des agents qui se rendront sur le lieu en question. Le second appartient au secteur informel et est interdit par les normes juridiques. En effet, alors que conformément à l'article 144, paragraphe 5 de la Constitution Fédérale, seule revient à la police militaire la tâche de « police ostensible » sur la voie publique, Natal, tout comme les autres villes brésiliennes, fourmille d'humbles vigiles informels qui surveillent les maisons, les carrefours et les rues des quartiers résidentiels. Il s'agit dans la plupart des cas de quelques individus, chacun assis sur une chaise en un point stratégique, qui se relaient pour assurer une présence continue. Ces agents ne possèdent généralement aucun équipement adapté à l'appréhension d'un individu armé mais sont rémunérés par les habitants dans l'optique de dissuader de potentiels agresseurs. Edson, qui surveille la même rue du Conjuntos dos Professores depuis 21 ans me raconte :

« On est 3 : Paulo et moi, on se relaie, on fait 12h / 12h et le troisième nous remplace de temps en temps. On surveille les 7 maisons qui sont là, tu vois : à partir de la maison jaune au fond jusqu'à celle là, la dernière. [...] On n'est pas armé, on n'a pas le droit, mais si un voleur essaye de cambrioler une maison, on peut toujours appeler la police. C'est surtout de la dissuasion qu'on fait, moi je suis entre le voleur et la maison, si le type veut cambrioler, je sais que je suis son premier ennemi, je suis sur son chemin, entre lui et sa cible. »70

Entretien avec Edson, homme d'une quarantaine d'années, vigile dans le Conjunto dos Professores - octobre 2017

Dans le Conjunto dos Professores, ils doivent être presque une cinquantaine à exercer cette profession, de la même manière que le décrit Edson. Casquette sur la tête,

70 Traduction de l'auteur

87

paisiblement assis sur une vieille chaise en plastique placée à l'ombre d'un manguier, ils sont les yeux de la rue.

Cependant, ni les entreprises privées et formelles ni les vigiles de rue informels, ne satisfont entièrement les habitants du Conjunto dos Professores. En premier lieu, ils coûtent chers, (chaque foyer contractant débourse entre 50 et 300 reais par mois pour les vigiles et/ou entre 200 et 600 reais pour les entreprises en règle). Par ailleurs, ils ne sont pas toujours efficaces. Et pour finir, ils font peser sur eux les suspicions. Ana, interrogée sur l'efficacité de ces deux types de services, se plaint :

« Ma voisine avait un contrat avec [nom de l'entreprise], elle payait une fortune. Eh bien quand les bandits sont entrés chez elle pendant qu'elle était en vacances, ça n'a strictement servi à rien. Alors, moi je dis : est ce que ça vaut vraiment la peine ? [...] Ce genre d'entreprises, ils recrutent leur personnel dans les quartiers pauvres pour avoir une main d'oeuvre bon marché. Petit à petit les employés connaissent le quotidien des habitants. Et parfois dans leur quartier ils s'impliquent avec des vagabonds et montent des plans pour voler les maisons qu'ils sont censés surveiller. »71

Entretien avec Ana, retraitée et participante au Conseil communautaire de sécurité du

Conjuntos dos Professores - décembre 2017.

Dans le Conjunto dos Professores, c'est sûrement face aux constats du manque d'effectifs et de financement de la police militaire et de l'insuffisance des services proposés par le marché privé de la sécurité, qu'a été bien acceptée, dès ses débuts en mars 2016, l'idée d'un programme de sécurité publique qui associe habilement citoyens et forces de l'ordre.

B) Le projet Vizinhança Solidária e Batalhão Participativo

En 2016, en réponse à une demande de la Secretaria de Estado da Segurança Pública e da Defesa Social, le Colonel Major Lima, alors Commandant du 5ème Bataillon de Police Militaire de Natal, initie le projet « Vizinhança Solidária e Batalhão Participativo »

71 Traduction de l'auteur

88

(voisinage solidaire et bataillon participatif) dans la Zone Sud de Natal. Inspiré d'autres expériences développées à travers le monde, le projet s'articule autour de trois axes principaux : unir les habitants d'un quartier à travers l'objectif sécuritaire ; rapprocher fortement citoyens et forces de l'ordre de sorte que la surveillance et les mesures de prévention et d'intervention soient simplifiées, discutées et optimisées ; utiliser les technologies disponibles pour faciliter la réussite de ces objectifs sécuritaires.

« Avant, au niveau de la violence c'était super tranquille. Je suis arrivé ici en 80, dans cette maison. C'était super tranquille, on laissait la porte ouverte, le portail ouvert, tout était ouvert. Y'avait pas de voleur, quasiment pas. Mais en raison de la violence qu'il y a aujourd'hui, on a décidé de créer un conseil de sécurité avec la Police Militaire. »

Entretien avec Fiona, 64 ans, retraitée et Présidente du Conseil communautaire de sécurité - septembre 2017

« Ici à Capim Macio, la situation de la criminalité était insupportable, personne ne pouvait aller se balader sur la place, on ne pouvait même pas aller à l'église. Et au-delà de ma vie personnelle ça a commencé à affecter ma vie professionnelle aussi. J'ai une école ici et les gens disaient «ah mais c'est dangereux ici». Du coup on a décidé de voir si on pouvait changer ça, faire notre part pour voir si on arrivait à faire baisser les chiffres de la criminalité à un niveau acceptable. S'il existe un niveau acceptable de criminalité. C'était ça l'idée. »72

Entretien avec Ricardo, 38 ans, Directeur d'école et Vice-Président du Conseil communautaire du Conjunto dos Professores octobre 2017

En mars 2016, le Colonel Major Correia Lima, alors en charge du commandement du 5ème Bataillon de police militaire de Natal et diplômé en sécurité publique, lance un projet sous le nom de Vizinhança Solidária e Batalhão Participativo . Le projet est une réponse à des forts taux de criminalité urbaine et à la constatation par le Major lui-même des problèmes dont souffre le 5ème Bataillon. Il m'explique :

« Quand nous sommes arrivés pour assumer le commandement du 5ème Bataillon, qui est le bataillon responsable de la sécurité de la Zone Sud, nous avons détecté un fort indice de crimes contre le patrimoine, c'est à

72 Traductions de l'auteur

89

dire des vols, des vols à main armée. Nous avons aussi détecté que la police avait très peu d'effectifs pour une région si grande. Pour te donner une idée, en 1998, la Zone Sud avait 23 voitures pour effectuer le maintien de l'ordre dans toute la Zone Sud. Et quand je suis arrivé il n'y en avait que 7. On a alors décidé de changer de stratégie et de passer à quelque chose de plus proactif, une police de proximité. »73

Entretien avec le Colonel Major Correia Lima - novembre 2017

L'idée d'une police de proximité fait peu à peu son chemin au Brésil. Depuis la fin de la dictature militaire, la tendance est en effet à la décentralisation des politiques publiques et la sécurité n'y fait pas exception comme en témoigne l'article 144 de la constitution Fédérale de 1988 qui stipule que « la sécurité est un droit et un devoir de tous ». C'est Anthony Garotinho, Gouverneur de l'État de Rio de Janeiro qui, en 1999, va poser en premier les bases de nouveaux programmes de sécurité publique. Outre le constat d'une augmentation inquiétante de la criminalité urbaine dans l'État de Rio de Janeiro comme dans le reste du Brésil, Garotinho pointe du doigt un problème fâcheux dont souffre la société brésilienne, résultat de près de trente années de dictature militaire : les relations entre police et citoyens sont catastrophiques, basées sur la méfiance et la peur, la haine et le rejet. Le projet de Garotinho est donc celui de restaurer ces relations à travers un objectif commun aux deux parties : l'objectif sécuritaire. En se basant sur le découpage géographique des Aires Intégrées de Sécurité Publique (AISP), divisions administratives de sécurité récemment créées, le Gouverneur de l'État de Rio de Janeiro institue en 1999 les premiers Conseils Communautaires de Sécurité du pays. La première section de la loi qui les institue définit leurs fonctions de manière générale :

« (a) approcher les institutions policières de la communauté, restaurer leur image, restituer leur crédibilité et transmettre à la population un sentiment de sécurité et une plus grande confiance ; (b) améliorer le contrôle de la criminalité grâce à l'appui de ceux qui vivent de près et quotidiennement les problèmes : les habitants ; (c) élever le niveau de conscience communautaire à propos de la complexité des problèmes relatifs à la sécurité publique afin que jamais, dans notre Etat, il n'y ait un espace pour le renforcement de discours qui proposent la barbarie comme méthode

73 Traduction de l'auteur

90

pour combattre la barbarie. » (Rio de Janeiro (Estado), Résolution SSP

74

263 du 26 juillet 1999).

Après Rio de Janeiro c'est au tour de Brasilia d'instaurer des Conseils Communautaires de Sécurité, en 2000, (Barbosa, 2013), puis Porto Alegre et São Paulo. À Natal ils font leur apparition en 2013. Institués par l'ordonnance N° 217/2013-GS/SESED du 30 septembre, ils prennent le nom de Conseils Communautaires de Coopération de Défense Sociale (CCCDS). Leur objectif général, selon l'ordonnance est de « promouvoir une forte intégration des agents de Sécurité Publique avec la Communauté, guidés par la Philosophie de la Police Communautaire, avec pour objectif l'amélioration de la qualité du service, le changement du contexte social et la diminution conséquente de la criminalité, en identifiant, priorisant et recherchant ensemble des solutions. »

En mars 2016, le Colonel Major Correia Lima lance, dans la la Zone Sud de Natal, le projet Vizinhança Solidária e Batalhão Participativo qui s'inscrit dans la descendance directe des Conseils nouvellement créés. Plusieurs quartiers de la région répondent positivement à l'initiative et instituent des associations citoyennes qui prennent des noms divers selon les quartiers. Dans le Conjunto dos Professores les habitants s'accordent pour baptiser le nouvel organe « Conseil communautaire de sécurité ». Pour les autorités de police comme pour les citoyens, l'objectif recherché est celui de réduire les occurrences criminelles par le biais de la participation et la coopération.

En pratique, dans le Conjunto dos Professores, le projet fonctionne de la sorte : environ 700 habitants, dont deux sont directement reliés à la police militaire, effectuent un contrôle continu et presque omniscient sur les rues du quartier à l'aide de nombreuses caméras de surveillance privées et de trois groupes Whatsapp dont les règles,

75

fréquemment rappelées, sont ainsi énoncées :

« Ceci sera notre principal instrument et il ne devra être utilisé qu'en cas de nécessité, lors de situations imminentes ou évidentes d'insécurité, d'urgence ou de risque. Individus ou voitures suspectes, actions criminelles

74 Traduction de l'auteur

75 Étant donné qu'un groupe Whatsapp ne peut contenir que 256 participants, la communauté a réparti la population en trois groupes similaires (« Emergência 1 », « Emergência 2 » et « Emergência 3 »).

91

réelles, demande de secours ou cas similaires... Tout type d'alertes de criminalité. »76

Extrait des règles d'utilisation des groupes Whatsapp « Emergência ».

Ainsi, lorsqu'une action criminelle est détectée ou lorsqu'un individu ou le comportement d'un individu est jugé suspect par un habitant, ce dernier en informe la communauté par le biais d'un message sur le groupe Whatsapp, souvent accompagné d'une photo ou d'une vidéo prise par une caméra de surveillance . Les autres participants du

77

groupe seront ainsi prévenus du danger potentiel et pourront, en outre, partager leurs avis sur la situation. Dans la plupart des cas, les messages postés sur le groupe Whatsapp prennent la forme d'une demande d'identification adressée au voisinage, d'une demande d'identification par la police, d'une demande d'intervention de la police en réponse à un acte criminel ou d'une simple interrogation ou mise en garde à la vue d'un phénomène jugé étrange. Deux individus, la Présidente et le Vice-Président du Conseil communautaire de sécurité, sont en lien direct avec le téléphone de la patrouille de Police Militaire en charge de la sécurité du quartier et pourront alors, si cela est jugé nécessaire, entrer directement en contact avec celle-ci, sans avoir à passer par la centrale téléphonique de la Police Militaire. Les résultats semblent probants. Le Vice-Président du Conseil communautaire de sécurité avance des chiffres avec un air satisfait :

« Au sein même du CEOSP, la centrale téléphonique, il existe un temps d'attente de traitement pour que soit donné un ordre à une patrouille. Ce temps, il est en moyenne de 23 minutes. [...] Avec notre nouvelle manière de faire, la communauté elle-même fait le tri pour savoir quelles sont les situations où la police doit intervenir ou non, et le temps de réponse et d'arrivée de la voiture est bien plus court. Aujourd'hui, je calcule, il est de 3 minutes en moyenne. »

Entretien avec Ricardo, 38 ans, Directeur d'école et Vice-Président du Conseil communautaire du Conjunto dos Professores octobre 2017

Après deux ans d'existence, le projet Vizinhança Solidária e Batalhão Participativo semble en effet satisfaire la majeure partie des habitants du Conjunto dos Professores qui disent ressentir une plus grande sensation de sécurité qu'avant le lancement du projet. La police est plus souvent présente, notamment aux alentours de la place Helio Galvao qui

76 Traduction de l'auteur

77 Presque toutes les résidences du quartier sont équipées de caméras de surveillance privées dont certaines filment la rue.

92

recommencerait à être fréquentée par les riverains, les relations entre les forces de l'ordre et les citoyens sont jugées « en amélioration » par les deux parties et la création des groupes Whatsapp permet une meilleure communication entre les habitants, les aidant ainsi à identifier rapidement les sources de danger.

Cependant, la participation citoyenne à la surveillance de la voie publique ne saurait remplacer efficacement le rôle dissuasif de la Police Militaire. Le 5ème bataillon en charge de la Zone Sud ne possédant que sept voiture pour assurer la sécurité de 175.000 habitants, sa présence dans tous les quartiers ne peut être effective et continue. Avec le développement des liens entre le bataillon et les citoyens, promu par le projet Vizinhança Solidária e Batalhão Participativo, s'est aussi ouverte la possibilité pour les communautés d'utiliser leur ressources pour maintenir les patrouilles de police dans leur enceinte. En effet, si le rapprochement des forces de l'ordre et des citoyens était effectivement un des axes fondamentaux du projet, j'ai pu observé que les rapports dépassent souvent le simple rapprochement pour passer sous le joug de ce qu'on pourrait caractériser de tentatives stratégiques d'appropriation de la Police Militaire par les habitants du Conjunto dos Professores. La criminalité urbaine et le fort sentiment d'insécurité ressenti par les individus, joint à un sous-effectif policier aux bas salaires, voire sans salaire , sont parmi les facteurs

78

principaux qui induisent l'émergence de stratégies corruptives de la part des habitants à destination des policiers :

« Ils passent la journée dans la rue, de 7h à 19h. Quand ils finissent leur service, je leur offre un repas. Parce que si tu n'offres pas quelque chose, tu n'as rien en retour. D'une certaine manière, tu dois offrir quelque chose. Donc je leur paye un repas. On ne peut pas leur donner d'argent , du coup

79

je vais quelque part, un snack par exemple, je paye en avance une quantité

X et ensuite les policiers vont là-bas et mangent. On paye le déjeuner aussi, j'en paye un par semaine dans un restaurant, selon le nombre de personnes qui vont déjeuner. La semaine dernière ils étaient six, six policiers. Et j'ai réussi à négocier un autre déjeuner. Donc deux déjeuners par semaine. [...]. Il faut leur offrir quelque chose tu comprends. Ils ne viennent pas parce qu'ils sont fonctionnaires, parce qu'ils sont de la police

78 Fin 2017, les policiers (mais aussi les pompiers et les enseignants) restèrent impayés pendant 3 mois, ce qui mena à une grève illégale des forces de l'ordre qui dura plus de trois semaines.

79 Après m'avoir confié, dans cet entretien, ne pas donner de pot-de-vins aux policiers, Fiona l'a pourtant fait devant moi quelques jours plus tard.

93

militaire ou parce qu'ils ont la responsabilité de venir. Non. Parce qu'il y a plein de quartiers. Rien que dans la zone sud il y a douze quartiers qu'ils doivent surveiller. Ils viennent parce qu'ici on les reçoit bien. »

Entretien avec Fiona, 64 ans, retraitée et Présidente du Conseil communautaire de sécurité - septembre 2017

Outre ces offres de repas, la communauté organise régulièrement des événements au profit de la police militaire : petit-déjeuner sur la place de l'église, fête des enfants de policiers, anniversaire du bataillon,... Et fin 2017, lorsque les polices civiles et militaires de Natal initièrent une grève qui allait durer plus des trois semaines en réponse à des salaires en retard de trois mois, plusieurs communautés de quartiers de la Zone Sud (Conjunto dos Professores en tête) s'unirent pour venir en aide aux policiers du 5ème bataillon, parvenant à réunir une somme de plus de 6000 reais et à leur pourvoir environ 250 « cestas

80

basicas » .

81

Si derrière le discours officiel qui est celui de « remercier la police pour le travail qu'ils font dans notre communauté », existent en réalité de véritables stratégies sécuritaires qui sont à l'oeuvre et mon ethnographie montre que les habitants du Conjunto dos Professores, profitent amplement du projet Vizinhança Solidária e Batalhão Participativo pour soudoyer discrètement les forces de police, dans l'espoir de bénéficier de traitements de faveur et d'une meilleure protection.

80 Environ 1500€

81 Les «cestas basicas» sont des sacs d'une vingtaine de kilos, remplis d'aliments de bases (riz, harricots, huile, café, sucre, pâtes,...). On peut les acheter en supermarché pour une somme d'environ 50 reais.

94

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Je ne pense pas qu'un écrivain puisse avoir de profondes assises s'il n'a pas ressenti avec amertume les injustices de la société ou il vit"   Thomas Lanier dit Tennessie Williams