Isolationnisme et la géoéconomie des états-Unis d'Amérique sous Donald Trump. Enjeux et perspectives.par Raphael Mbumba Muamba Université de Lubumbashi(UNILU) /RDC - Licence en Relations Internationales 2018 |
§2. Le contenu de la géoéconomieA la fin de la guerre froide, il a été suggéré que la géoéconomie pouvait succéder à la géopolitique : il n'y avait des perspectives d'affrontement militaire entre les deux blocs. Place à la rivalité économique. Le géopolitologue américain Edward Luttwak évoquait un nouvel ordre mondial ou l'arme économique aurait remplacé l'arme militaire comme principale instrument de puissance au service des Etats. Selon lui, « les menaces militaires et les alliances ont perdu leur importance avec la pacification des échanges internationaux dès lors que les priorités économiques ne sont plus occultées et passent au premier plan. ». La géoéconomie serait l'analyse des stratégies d'ordre économique décidées par les Etats qui peuvent agir en liaison avec les entreprises de leur pays, pour protéger et développer leur économie nationale et maitriser les technologies sensibles, améliorer leur compétitivité commerciale, conquérir des marchés extérieurs et définir les secteurs d'activités économiques considérés comme stratégiques45(*). Le fait de définir une nouvelle discipline qui allait s'ajouter, voire supplanter la géopolitique, était très caractéristique d'une époque où le monde occidental ayant gagné la guerre froide, nourrissait la chimère d'un monde pacifié et vivant sous sa domination tranquille. C'était l'époque de la théorie de la fin de l'histoire développé par Francis Fukuyama, selon laquelle le monde occidental ayant désormais imposé son modèle d'économie de marché et démocratie libérale, il n'y aurait d'affrontement46(*). Il en était fini de l'histoire au sens hégélien du terme. La suite des évènements a fait voler en éclat cette théorie occidentale triomphaliste. Des affrontements stratégiques, pour prendre d'autres formes que ceux dominant pendant la guerre froide, n'en ont pas moins subsisté lourdement. Par ailleurs, les rivalités économiques ont toujours fait partie de stratégies d'affrontement géopolitique ; de blocus aux sanctions de la clause de la nation la plus favorisée dont l'attribution a toujours été un enjeu stratégique, à la construction d'un marché commun en Europe très largement suscité par la peur de l'Union soviétique, des batailles pour le contrôle des matières premières, de la politique de la canonnière destinée à couvrir de force les marchés, en passant par la conquête coloniale, économie et stratégie ont toujours étroitement mêlées. Les rivalités économiques font parties intriquèrent des rivalités géoéconomiques. La compétition entre Etats se plaçant de plus en plus sur le terrain économique, il était temps de disposer d'un outil permettant de saisir les différentes facettes de cette forme de rivalité. C'est désormais chose faite avec la géoéconomie de sortir du cercle restreint des spécialistes dans lequel elle était jusqu'à présent confinée.La mondialisation n'a pas gommé les affrontements économiques entre puissances.Les puissances s'affrontent de nouveau au grand jour pour la maîtrise des sources d'énergie, la conquête des marchés ou le contrôle des innovations technologiques. La guerre en Irak a été le premier rappel significatif des fondamentaux historiques sur les liens indissociables entre la maîtrise d'une énergie vitale telle que le pétrole, et la préservation de la puissance d'un empire comme les États-Unis. L'émergence de la chine comme deuxième puissance économique sur l'échiquier international explique à combien les affrontements armés deviennent chose désormais révolue. Les guerres commerciales prenant de plus en plus de l'ampleur sur la scène internationale, s'inscrivant ainsi dans ce qu'il convient d'appeler le soft power et le smart power au sens de Joseph Nye. La compétition internationale a dorénavant un nouveau terrain, c'est l'économie politique internationale. La géoéconomie devient donc une guerre menée au moyen du commerce. L'argent, la délocalisation industrielle, le commerce devront servir des armes47(*). Le contenu de la géoéconomie étant désormais connu, notre suite aborde son évolution. * 45 Fukuyama, F., la fin de l'histoire et le dernier homme, Paris, Flammarion, coll. Histoire, 1992, p.452. * 46 Idem, p.453. * 47 Luttwak, E., Géoéconomie: un monde sous tension, Paris, Choiseul, 1990, pp. 1-12. |
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