Le pouvoir politique et ses mécanismes chez Michel Foucault et étienne de la Boétie.par MOSES BWALYA Université Loyola du Congo - Graduat 2019 |
CHAPITRE PREMIER :DU GOUVERNEMENT PASTORAL AU POUVOIR POLITIQUEI.0.IntroductionNotre travail porte sur « le pouvoir politique et ses mécanismes chez Michel Foucault et Etienne de la Boétie ».Mais ce pouvoir politique que préconise Michel Foucault, ne se comprend mieux qu'en rapport avec la notion de la gouvernementalité politique des hommes. Voilà pourquoi, dans ce premier chapitre, nous voulons montrer comment Michel Foucault définit la gouvernementalité politique des hommes. Néanmoins, notons que la notion de la gouvernementalité chez Foucault fait également référence à deux notions fondamentales, à savoir : l'Etat et la population.Car, selon lui, l'Etat est un organe suprême qui exécute des mécanismes politiques, et la population également travaille ensemble avec l'Etat en vue de réalisation du bien commun. Ainsi, peut-on s'interroger : comment Michel Foucault conçoit l'idée de gouvernement pastoral au pouvoir politique ?Comment cette notion de gouvernementa-t-elle évoluée dans l'histoire ?Comment peut-on gouverner les hommes selon Foucault?Qu'entend-t-il par la notion de conduite ?Comment s'effectue le passage de la nation à l'Etat chez lui ?C'est à cet ensemble de questions que va répondre ce chapitre. Ainsi, commençons par expliciter comment selon lui s'est effectué le passage du pouvoir pastoral au pouvoir politique. I.1. DE L'IDEE DE GOUVERNEMENT PASTORAL AU POUVOIR POLITIQUEAvant d'entrer en profondeur de ce que pense Foucault de l'idée de gouvernement pastoral au pouvoir politique, il importe de préciser que Michel Foucault s'est servi d'abordde l'histoire du pouvoir pastoral pour arriver à fonder son fameuxprincipe de``gouvernementalité''politique.Selon lui, ce principe exprime '`la rationalité et la raisonabilité''de l'Etatdans le sens oùil sert comme un guide à suivre pour que l'Etat parvienne à son accomplissement total qu'est le bien commun. Et l'Etat selon lui, renvoie au gouvernement. Et dans ce cas, qu'est-ce que, selon lui, gouverner ?Pour Michel Foucault, le mot gouvernerest polysémique, car déjà dans lestemps antiques, ce concept portait le sens étatique, c'est-à-dire une classe des dirigeants d'un Etat.Mais malgré sa polysémie, Michel Foucault, dans sa réflexion ne veut ni le comprendre, ni fonder la loi, mais sa démarche est tout simplement d'analyserles relations de pouvoir qui étaient visées au XVIèmeetXVIIIème sièclespour enfin tenterde créer des nouveaux mécanismes de gestion gouvernementale. Et comme nous l'avons souligné plus-haut, Foucault met beaucoup d'accent sur la relation qui existe entre l'Etat et la population, car il pense que la gouvernementalité est caractérisée par la gestion économique, gestion du pouvoir, gestion de la population, et enfin, l'assurance de la sécurité à un territoire. Cependant, le terme gouverner, dit Foucault, ne doitpas être confonduavec ; « régner, commander, faire la loi, être souverain, être suzerain, être seigneur, être juge, être général, être propriétaire, être maitre, être professeur. (...) Mais, à un certain niveau de compétence politique »3(*).A cet effet, il va s'assigner comme mission d'analyser la responsabilité de l'Etat en fonction de compétence politique, et la conduite de celui qui doit gouverner. Pour ce faire, il vaprocéder par l'histoire de gouvernement politique depuis l'Antiquité jusqu'au Temps moderne, en passant par l'analyse de pouvoir pastoral des âmes au pouvoir politique des hommes. Néanmoins, une question mérite d'être posée :comment, selon lui, s'est effectué le passage du pouvoir pastoral au pouvoir politique ? Qu'elles sont les grands événements du pouvoir pastoral qui ont remarqués Foucault ? En quoi les anciens textes l'ont-ils intéressé ?Pour répondre à ces questions, Foucault fait observer ce qui suit :« Le pastorat dans le christianisme a donné lieu à tout un art de conduire, de diriger, de mener, de guider, de tenir en main, de manipuler les hommes, un art de le suivre et de les pousser pas à pas, un art qui a cette fonction de prendre en charge les hommes collectivement et individuellement tout au long de leur vie et à chaque pas de leur existence. »4(*) De cette affirmation deFoucault, résulte l'idée selon laquelle s'accomplit le pouvoir pastoral. Dans ce pouvoir, le pasteur cherche le bien-être de sesbrebis, il se donnait en entièreté jusqu'au point demourir pour que ses brebis vivent.Pour lui, telle doit être également la finalitédu pouvoir politique dans le sens oùle gouvernementqui gère le trésor public doit chercher à tout prixà rassurer la sécurité etla souveraineté de l'Etat pour l'intérêt de son peuple. C'est à ce niveau que seront adoptées des expressions ou des théories gouvernementales politiques. Telest le cas du prince de Machiavel. Mais si telle est la conception du pouvoir pastoral, mais qu'est-ce que le `Gouvernement de l'Etat selon lui ?'. Pour Michel Foucault,la notion de gouvernementtrouve son sens dans ce qu'onpeut appeler : `Continuité ascendante et Continuité descendante'. Parcontinuité ascendante, il entend une théorie qui exprime l'un des critères qu'on attend de la personne qui aspire à gouverner un Etat.En d'autres termes, la continuité ascendante montre en filigrane comment doit être celui qui veut gouverner. A ce sujet, il note ce qui suit : « Continuité ascendante, en ce sens que celui qui veut pouvoir gouverner l'Etat d'abord doit savoir se gouverner lui-même ; puis à un autre niveau, gouverner sa famille, son bien, son domaine, et, finalement, il arrivera à gouverner l'Etat »5(*). En clair, par le principe de continuité ascendante, Foucault définitle profil dela personne qui aspire à gouverner l'Etaten prenant l'exemple des parents, comme legouvernement du point de vue familial,l'individu, du point de vue gouvernement depersonnel, et aussi le gouvernement comme gérant de la population, c'est-à-dire, par le fait de gérer la chose publique politiquement.Mais comment est-ce qu'on parvient au pouvoir selon lui ?Il précise que le prince de Machiavel donne en maximum quatre mécanismes d'acquisition du pouvoir qui correspondent aux différentes façons de le conserver :par la vertu ; par la fortuna, par la faveur des citoyens et par les scélératesses.Mais il met plus d'accent sur le pouvoir acquis par la faveur des citoyens parce que, c'est dans celui-cique le peuple donne le pouvoir à qu'il veut, soit par la nomination, par les élections, ou par imposition de la personne désirée. Mais il faut noter que l'accession au pouvoir est tout de même accompagnée de multiples difficultés dans le sens oùen occupant un Etat nouveau, le prince rencontre plusieurs difficultés :d'un côté, il est ennemi de tous les hommes qui tiraient profit de l'ancien régime car ils se sentent privés de leurs intérêts ; et de l'autre côté, il est ennemi de tous ceux qui l'ont aidé à accéder à son nouvel Etat, et à qui, il ne peut tenir des promesses fallacieuses, ni attaquer. Ces difficultés, note Foucault, peuvent amener parfois le prince à ne pas garder ses relations avec son peuple car « on a besoin, pour entrer dans un pays, de la faveur des habitants »6(*). Et c'est sous la considération du contrat signé par les deux parties, d'une part, le gouvernement, et d'autre part, la population.Mais soulignons aussi que pour Foucault la notion de gouvernement est une démarche volontaire ; elle est volontaire parce que rien ne garantit sa soumission au souverain. Et à ce sujet, il écrit ce qui suit :« Si l'on dit à une population « fais ceci », rien ne prouve non seulement qu'elle le fera, mais tout simplement qu'elle pourra le faire »7(*).En fait, c'est cette possibilité qui dépend de la volonté de la population et qui fait sa force parce qu'elle peut être d'accord ou pas d'une décision émanant de la part du chef. Mais comment était constitué la notion de gouvernement dans l'histoire ? * 3 M. FOUCAULT, Op. Cit., P.119. * 4Ibid., p.168. * 5M. FOUCAULT, Op. Cit., p.97. * 6 N. MACHIAVEL, Le Prince, trad. Par Y. Levy, Paris, Flammarion, 1980, p.10, cité par Ibidem. * 7M. FOUCAULT, Op. Cit., p.73. |
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