§4.Tensions à venir
Entre 1960 et 2000, les extractions d'eaux souterraines sont
passées de 312 à 734 km3/an et la vitesse d'épuisement des
stocks a plus que doublé. La surexploitation s'élève au
niveau mondial à plus de 100 milliards de m3 par an, principalement en
Inde, en Chine et aux États-Unis. Près de 80% de la population
mondiale vit dans des zones à haut niveau de menace sur la
sécurité hydrique. Le nombre de désastres liés
à des sécheresses ou à
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des inondations, la surface totale affectée ainsi que
les dommages ont crû depuis 1970, en raison de l'artificialisation
croissante des rivières, de l'urbanisation (surtout en zones
côtières).
Selon le rapport du PNUE (Programme des Nations Unies pour
l'Environnement) « GEO- 5 » (UNEP, 2012), les
prélèvements d'eau ont triplé au cours des 50
dernières années, et la demande devrait continuer à
augmenter. Les niveaux de demande en eau excèdent en de nombreux
endroits l'offre soutenable à moyen et long terme, d'où la
probabilité de crises qui s'amplifieront à l'avenir. Selon l'IWMI
(IWMI, 2007), la plupart des grands bassins producteurs de produits agricoles
sont « clos », leurs eaux sont déjà
sur-allouées, 1,2 milliards de personnes vivent dans des régions
de rareté physique de l'eau, et ces constats risquent fort de ne faire
que s'aggraver. Selon les travaux du 2030 Water Resources Group
rapportés dans le World Water Development Report 2015 (WWAP,
2015), la croissance de la demande en eau étant plus rapide que celle de
la population, le monde risque de connaître un déficit hydrique de
40% d'ici 2030 selon le scénario climatique Business As Usual.
Selon l'approche des « limites planétaires », la limite de
consommation d'eau bleue est estimée à 4000 km3/an. Les usages
consomptifs s'élèvent aujourd'hui à 2600 km3/an mais la
limite pourrait être atteinte dans les décennies à
venir.
La définition de seuils quantitatifs de rareté,
de seuils minimaux acceptables de disponibilité en eau, n'est pas chose
aisée tant elle dépend d'autres facteurs éminemment
variables selon le lieu, les techniques et institutions etc. L'indicateur de
stress hydrique le plus souvent utilisé est celui de l'hydrologue
suédoise Malin Falkenmark, selon lequel il y a absence de stress
hydrique à partir de 1700 m3 d'eau par an disponibles par personne.
Selon le PNUE, un tiers de la population africaine vit dans des zones
exposées à la sécheresse, et presque tous les pays
d'Afrique sub-saharienne vont probablement connaître une situation de
stress hydrique (moins de 1700 m3 par personne et par an) d'ici à
2025.
L'OCDE définit le stress hydrique comme «
sévère » lorsque le ratio de l'utilisation totale par
rapport à l'offre renouvelable dépasse 40%, et estime selon ce
critère qu'en 2030 près de la moitié de la population
mondiale (3,9 milliards de personnes) vivront dans des conditions de stress
hydrique sévère. Parmi les facteurs avancés figurent la
croissance démographique, la hausse des niveaux de vie, la
surexploitation des aquifères, la pollution des eaux, la
dégradation des écosystèmes et les changements
climatiques. La distinction « eau bleue » et « eau verte »
a été proposée par Malin Falkenmark. L'eau bleue
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est celle des rivières, des lacs, des nappes
souterraines, distribuée par des canalisations. Elle peut être
transportée, mobilisée par l'Homme pour différents usages.
L'eau verte est celle qui est contenue dans le sol et disponible pour les
plantes. Un usage consomptif se caractérise par le fait qu'il implique
que l'eau extraite ne retourne pas dans son milieu d'origine. C'est le cas par
exemple avec l'évaporation et la transpiration des plantes. Il existe
diverses manières d'approcher l'idée de rareté, stress, ou
pénurie hydrique, qui incluent des dimensions économiques,
sociales, institutionnelles et autres. Pour une synthèse des indicateurs
de stress/pénurie hydrique.
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