§2.Fleuves et bassins versants : la question du
partage des eaux
La pression démographique qui va peser sur cette
ressource, couplée à son inégale répartition, fait
donc plus que jamais apparaitre le XXIè siècle comme le
siècle de l'or bleu.
Pour reprendre la définition de la ressource
stratégique et vérifier si l'eau y répond ou non, il
apparait bien que le caractère rare de l'eau est relatif en fonction de
la situation géographique des populations) mais tendra à se
généraliser compte tenu de la croissance démographique
mondiale et de la pollution dégradant les
réserves.48
Si nos modes de vie et de consommation (agricole, domestique
et industrielle) n'évoluent pas vers la durabilité. Or, l'eau
propre à la consommation est d'une telle nécessité pour la
survie des êtres vivants qu'il se pose la question de reconnaitre l'eau
comme un droit pour tous et pas seulement comme un besoin, ce qui, au niveau
international, a une implication pour le règlement de tous les enjeux
liés à l'eau.
L'eau pourrait donc bien être une ressource
stratégique tant au niveau régional que mondial dans le futur. Il
existe déjà à travers le monde de nombreuses situations de
tensions entre deux ou plusieurs pays qui se cristallisent sur des enjeux
hydriques. Les fleuves et le partage des bassins versants sont les principales
raisons de ces crispations. Un fleuve ne représente pas seulement une
source d'eau (nécessaire à l'irrigation, au développement
industriel, également urbain et social) mais aussi une manne
économique pour toutes les raisons évoquées
précédemment, auxquelles s'ajoute le développement de
l'énergie hydraulique.
Les tensions apparaissent donc entre pays en amont et en aval
du fleuve et principalement lorsque le pays en amont décide de mettre en
place des infrastructures (barrages, centrales hydroélectriques...) pour
stocker, dériver, canaliser, drainer les eaux ou produire de
l'énergie, le risque pour les pays et, en aval c'est la perte d'une
partie conséquente du débit du fleuve, une dégradation de
la qualité de son eau (avec une pollution liée aux
activités humaines en avant), voire des catastrophes écologiques
(comme la mer d'Aral) ou sociales (on peut citer, bien que ce cas n'implique
pas un litige entre deux pays, le barrage des Trois Gorges, en chine, qui a
entrainé le déplacement de 2 à 4millions de personnes).
48 Jeanine et Samuel ASSOULINE, op cit pp.90-98
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La prévision du vice-président de la banque
mondiale en 1995, Israël serageldin, se confirme-t-elle : « les
guerres du XXIè siècle auront l'eau pour enjeu » fait-on la
guerre pour l'eau ou l'eau est-elle un facteur aggravant des tensions ou
conflits entre Etats ?
La question est essentielle car d'elle dépend la
possibilité de résolution de la crise. Deux Etats qui n'ont pas
d'autres raisons de se faire la guerre gagneront plus à coopérer
et à partager intelligemment leurs ressources hydriques. Deux
états en conflits ou ayant des tensions exacerbées auront les
plus grandes difficultés à mettre en oeuvre une volonté
politique de coopération.
Il faut à ce niveau de notre réflexion prendre
un temps pour comprendre la dimension politique de l'eau, perception assez
difficilement partagée en Europe où elle n'est pas en
pénurie. Dans les zones semi-arides et arides, la problématique
de l'eau est intimement liée au politique. Les grands fleuves (le Nil,
l'Euphrate, le Yang-Tsé...) sont les foyers des premières grande
civilisations agraires et urbaines. L'eau et sa maitrise ont pesé sur
les constructions politiques et ont inspiré une analyse sur la nature
des constructions politiques qui en découlent à des nombreux
auteurs en l'occurrence de Montesquieu à Wittfogel en passant par Hegel.
Pour illustrer cette thèse, prenons l'exemple du Pharaon qui tire son
pouvoir du Nil. En effet, le contrôle de l'irrigation et de
l'activité agricole concentrée sur la Valée du Nil pour
assurer la survie du peuple égyptien imposa la mise en place d'un
pouvoir centralisé, fort dans la personne du pharaon.
Quelle peut être aujourd'hui la réalité de
cette thèse de l'hydro-politique ? l'eau ne peut bien entendu pas
être le seul critère expliquant la nature des régimes
politiques en place actuellement dans les pays en zones arides ou semi-arides.
Ces régimes sont le résultat de facteurs multiples et d'une
longue évolution historique. Néanmoins, l'eau reste un enjeu de
politique interne et régionale incontournable pour quelques
gouvernements du monde.
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