I.2.2. L'entrepreneuriat
agricole selon le GRAF
Des travaux d'évaluation des impacts de l'agrobusiness
sur le foncier et la modernisation de l'agriculture ont été
réalisés par le Groupe de recherche et d'action sur le foncier
(GRAF). Pour le GRAF, les notions d'entrepreneur agricole et d'agrobusiness man
traduisent la même réalité. Ces travaux ont donné
une classification des exploitations modernes en quatre groupes en fonction de
la stratégie déployée :
Ø groupe 1 : des exploitations qui
suivent une stratégie de cultures annuelles extensives, en utilisant des
équipements motorisés lourds ;
Ø groupe 2 : des exploitations qui
suivent une stratégie de diversification des activités agricoles,
en utilisant des équipements de traction raisonnés ;
Ø groupe 3 : des exploitations qui
suivent une stratégie d'attente, ayant un taux de mise en valeur faible
;
Ø groupe 4 : des exploitations qui
suivent une stratégie de réalisation progressive d'un projet de
mise en valeur originale.
Les acteurs des deux premiers groupes évoluent dans les
mêmes filières «classiques» que les exploitations
familiales, comme le maïs, le sésame, le niébé, etc.
Ils ne profitent d'aucun avantage comparatif et suivent les itinéraires
et pratiques de l'agriculture extensive fortement mécanisée.
Au contraire, ils ont des coûts de production bien plus
élevés que les exploitations familiales et une rentabilité
économique faible, voire négative. Une minorité des
acteurs, notamment dans le dernier groupe, dispose d'un statut d'entreprise
privée.
En termes de performance des exploitations modernes, le GRAF
estime qu'en dehors des acteurs du dernier groupe, les rendements et les
bénéfices des nouveaux acteurs sont beaucoup plus faibles que
ceux des grands producteurs familiaux. Les facteurs de fragilité et de
durabilité des expériences de l'agrobusiness sur les terres non
aménagées sont :
Ø le maintien du capital sol ;
Ø le coût du personnel compétent ;
Ø le crédit à l'investissement et pour le
fonctionnement ;
Ø la disponibilité d'intrants
spécifiques ;
Ø les fluctuations très fortes des prix et la
non-régulation des marchés.
Une analyse de la création d'emplois et du niveau de
rémunération des exploitations modernes montre que la plupart des
exploitations modernes suivent une stratégie très extensive et
exploitent une partie très limitée des superficies acquises.
Elles emploient une main d'oeuvre saisonnière et temporaire peu
nombreuse, non qualifiée et mal payée. Ces exploitations sont
faiblement créatrices d'emplois indirects. Par contre, les exploitations
du groupe 4, celles qui suivent une stratégie de mise en oeuvre d'un
projet original, emploient un personnel plus nombreux et mieux qualifié
et sont fortement créatrices d'emplois indirects, surtout dans les
secteurs de la transformation agro-alimentaire, de la distribution et du
transport. Aux termes des travaux du GRAF, les leçons en termes de
politiques et de stratégies d'intervention ont été
identifiées :
Ø créer des conditions favorables à
l'émergence d'une agriculture moderne, d'abord par les grands
producteurs familiaux dynamiques et par les acteurs qui ont une capacité
professionnelle et financière pour créer et gérer à
temps plein de véritables entreprises agricoles pouvant
générer de la valeur ajoutée ;
Ø élaborer des mesures de politiques en
étroite collaboration avec les organisations professionnelles et qui
s'adressent aux vrais problèmes de la modernisation de l'agriculture
burkinabé : le financement et le crédit à
l'agriculture, y compris le crédit à l'investissement, la
régulation des marchés des produits agricoles et des intrants
ainsi que le système de la certification des semences;
Ø créer des unités de transformation
agro-alimentaires rentables et durables ;
Ø adapter le rôle des services techniques, leurs
modalités d'intervention et leur statut par rapport aux organisations
professionnelles et aux besoins des exploitations modernes ;
Ø mettre en place des initiatives de
professionnalisation de l'agriculture basées sur des partenariats
négociés entre l'État, les organisations professionnelles,
interprofessionnelles et le secteur privé ;
Ø former les acteurs sur les différents aspects
du métier d'agriculteur professionnel notamment la gestion, la
rentabilité et le marché ;
Ø créer un observatoire sur les exploitations
modernes comprenant les différents types d'acteurs et de domaines
d'intervention, leur promotion, leurs contraintes et leurs impacts
socio-économiques. Cette action peut se réaliser en partenariat
entre des organisations de la société civile, des organismes de
recherche et des organisations paysannes en association avec des services
techniques et administratifs ;
Ø des cadres d'appui pour l'ensemble des intervenants
dans l'agrobusiness (appui - conseil) doivent être créés,
impliquant les structures techniques ;
Ø inscrire l'exploitation moderne dans une vision
cohérente de l'agriculture qui, au-delà de la production,
intègre à la fois les problèmes en amont, comme
l'accès aux intrants, que ceux en aval, notamment la transformation et
la commercialisation.
En d'autres termes, il est impératif d'élaborer
une politique nationale agricole qui définira la place et le rôle
de chaque groupe d'acteurs.
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