2.1.1.1.1 Verbatim :
Entretien avec Mme M. réalisé en mai 2016.
Moi : Bonjour, comme vous le savez je vous
interroge à propos de votre enseignement lors de la pratique des jeux de
lutte ; nous allons commencer par apprendre à vous connaître,
présentez-vous et présentez moi votre classe.
Mme M : Alors, M.L, j'enseigne depuis un
certain nombre d'années dans cette école, j'ai eu mon
diplôme d'enseignante en 1996 mais je n'ai pas toujours fait ce
métier. Auparavant je travaillais dans une entreprise commerciale.
Concernant ma classe maintenant, je n'ai plus grand-chose à dire, tu as
déjà vu l'essentiel. Il s'agit d'une classe de 22
élèves avec des niveaux très variés, il y a plus de
filles que de garçons et l'ambiance est plutôt agréable en
EPS même si le naturel de certains perturbateurs peut vite revenir au
galop.
Moi : Que pouvez-vous dire de cette
activité sportive en CP ? Est-ce la première fois que vous
enseigner les jeux de lutte ?
Mme M : En fait, j'ai toujours aimé la
pratique des jeux de lutte avec les classes. Je n'ai pas toujours eu des CP et
j'ai pu remarquer que c'était une façon pour certains de se
révéler car ils découvrent leurs possibilités
physiques, c'est vraiment génial. Après, depuis que j'ai des CP,
non je n'avais jamais réalisé de cours de jeux de lutte. En fait,
nous avons le choix de
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faire la demande d'un professionnel sportif engagé par
la mairie le plus souvent pour enseigner à notre place certaines APSA.
Dans mon cas, c'est la première fois que je fais le choix de m'engager
pleinement dans ce domaine. Cette année ce sont les jeux de lutte, la
danse et pour le reste comme la natation etc., nous avons d'office quelqu'un.
En fait, je trouve que c'est tellement intéressant de développer
certaines aptitudes et compétences auprès de ces
élèves que j'ai tendance à vouloir gérer de plus en
plus l'enseignement, même sportif et artistique. Les élèves
peuvent prendre conscience des concepts spatio-temporels qui sont à
stabiliser, mobiliser voire renforcer pour certains (entre,
devant/derrière, haut/bas, loin/près, dessus/dessous,
gauche/droite...). D'ailleurs une étude faite en 1997 montre que ces
concepts spatio-temporels ne sont pas tous acquis à la même
période. Si la majorité de ces concepts doivent être acquis
à l'entrée de CP certains demandent une période de
stabilisation plus grande qui se mettra en place plus tard. La
sociabilité et le respect des règles et des autres c'est aussi
quelque chose qui m'importe énormément et les jeux de lutte comme
beaucoup d'autres APSA me permettent de vérifier il reste des
compétences à développer dans d'autres domaines. Par
rapport aux règles de sécurité, je me rends compte si les
élèves écoutent bien les consignes, je regarde comment le
travail en groupe se passe etc.
Moi : Ah d'accord, et du coup comment
devez-vous agir avec les élèves pour qu'ils se sentent en
confiance vu que vous n'aviez pas l'habitude d'enseigner les jeux de lutte ?
M.L : En fait, moi aussi je suis une bonne
élève et je m'appuie beaucoup sur l'observation de mes
collègues et les conseils que les anciens peuvent m'apporter. Donc pour
répondre à ta question, je m'inspire d'un peu de tout ça
et de certains documents institutionnels et puis ça marche tout seul.
Généralement les petits n'ont pas réellement de
difficultés à s'engager lorsqu'ils peuvent courir partout et se
dépenser autrement que sur une chaise en classe.
Après, il est évident de mettre en place une
certaine pédagogie. L'approche que l'on utilisera sera
déterminante pour permettre au plus grand nombre de s'investir. Il
conviendra de mettre les élèves dans des conditions qui leur
inspirent confiance au regard d'un discours sécurisant et au regard
d'installations sécurisantes (tapis mousses de réception, espace
bien délimité etc. En définitive il s'agit de tout ce qui
évite de se faire mal.
Insister ensuite sur les consignes me paraît primordial.
Ils doivent toujours savoir ce qu'il faut faire et ne pas faire.
Personnellement, je n'hésite pas à interrompre la séance
pour revenir sur les consignes. Je peux leur faire verbaliser sous forme de
discussions par exemple pour qu'ils se sentent concernés.
Évidemment, on a de tout dans une classe, certains pourront se
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lancer tout de suite dans l'activité et d'autres
prendront plus de temps, il s'agira alors de leur laisser le temps et de les
encourager à poursuivre.
Moi : Avez-vous déjà eu des
élèves ayant un manque de motivation ? M.L :
Toujours en lutte ou ailleurs ?
Moi : Oui toujours en lutte.
M.L : Eh bien oui c'est déjà
arrivé mais je n'ai jamais réellement compris pourquoi. En fait,
j'imagine que soit l'enfant a du mal avec son coéquipier ou bien il n'a
tout simplement pas envie de travailler mais bon ça ne marche pas comme
ça avec moi, je pense qu'il est préférable de les laisser
se rendre compte par eux même qu'ils ratent quelque chose
d'intéressant. Généralement ça dure quelques
minutes cette phase de « j'ai plus envie », puis
l'élève se remet vite au travail soit par lui-même, soit
parce que je l'y incite.
Moi : La question de la proximité d'un
sport de combat doit être un problème pour certains, comment
réagissez-vous (pour instaurer le contact entre les
élèves) ?
M.L : Eh bien croyez-moi, je pensais que les
filles auraient du mal eh bien quelques fois c'est limite le contraire. J'ai
des garçons très minutieux et qui ont du mal avec cette
idée de contact et de ce fait, il est vrai que ce type d'APSA peut
être un problème pour certains. Mais la discussion de groupe et
les exemples sont déterminants. Il suffit que je montre l'exemple et que
certains élèves trouvent ça marrants pour que même
les plus fragiles s'y mettent. En effet à ce stade beaucoup de leurs
apprentissages se font par imitation.
Moi : Et du coup, que faîtes-vous pour
palier à cela ?
M.L : Eh bien.... Je modifie les
binômes. J'aurais tendance à les laisser choisir avec qui ils
voudraient travailler mais bon des fois ça crée de la jalousie et
c'est très pénible. En fait à la première
séance c'est souvent un souci au niveau des binômes de travail
mais une fois qu'ils sont habitués à travailler le corps à
corps, ça va mieux. Au début, on sollicite plutôt le
contact avec le sol, puis avec les mains, dos à dos jusqu'à ce
que le corps entier soit sollicité.
Moi : Les progressions d'activités
sont-elles ordonnées dans un but précis ?
M.L : Bien sûr qu'elles sont
ordonnées mais plutôt censé être ordonnées. En
fait, tout est calculé au millimètre près sur ma fiche de
préparation mais il y a toujours des imprévus. Mais il y a une
progression définie avec des objectifs définie qui ne peut
être modifié. C'est-à-dire que je ne peux pas passer au
combat dès la première séance, j'envisage d'aller
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progressivement, par étape. C'est ce qui est
préconisé de toutes les façons et c'est prouvé
qu'il vaut mieux faire de cette façon pour que le travail soit plus
efficace par la suite.
Moi : D'accord donc j'ai cru comprendre que
parmi vos séances vous avez des activités en groupe c'est bien
ça ?
M.L : Effectivement. En fait le travail en
groupe, en binôme ou en différentes équipes permet aux
élèves de se sentir davantage en confiance et s'ils sont
rassurés c'est déjà un grand pas de fait. Ils prennent
confiance en eux grâce au groupe et ils apprennent aussi à
s'affirmer.
Moi : Pensez-vous que le travail en groupe
est la seule chose qui influence l'investissement des élèves ?
M.L : Non, je ne pense pas. J'imagine que le
groupe a une grande influence sur l'engagement des élèves mais je
pense qu'il y a d'autres facteurs qui jouent tels que la période de
l'année, la proximité des vacances, l'actualité, les
consignes, les encouragements etc. En fait, l'investissement des
élèves peut varier pour plusieurs raisons. Par exemple j'ai un
élève très sportif qui a des soucis familiaux quelquefois
et il suffit qu'il ait ces problèmes familiaux la veille du cours de
lutte et toute sa volonté disparait. C'est très variable en
fait.
Moi : Qu'est ce qui favorise la motivation chez
ces enfants ?
M.L : Je suppose que l'illusion du jeu qui se
dégage à travers les APSA favorise la motivation. Le jeu et
l'imaginaire entraînent les enfants facilement. Linda ALLAL en 1979 dans
son ouvrage sur la pédagogie différenciée montrait
l'importance du choix des taches proposées aux enfants. Une grande
partie de la motivation était liée à une tache ni trop
facile ni trop inabordable. C'est ce qu'elle nomme le « Décalage
optimal ».
Moi : D'accord et selon vous, est-ce que les
élèves préfèrent gagner en ayant accompli un effort
ou plutôt en se comparant aux autres pour montrer qu'ils sont les
meilleurs ?
M.I : Les élèves sont très
différents. Certains font cela pour le plaisir,
généralement leurs victoires passent inaperçus aux yeux
des autres. Je pense qu'ils préfèrent pour la plupart gagner
plutôt que réussir les prises demandés.
Moi : Pensez-vous qu'en alliant les deux,
vous pourrez favoriser la motivation de vos élèves ?
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M.L : Le degré d'engagement dans une
tache ou une activité peut résulter effectivement de la
volonté de gagner et de la volonté d'apprendre des techniques de
lutte. Mais on peut aussi parler de motivation intrinsèque et de
motivation extrinsèque. Ainsi certains s'engageront et poursuivront dans
l'activité par ce qu'ils en retireront, par exemple un
bénéfice au regard d'un classement qu'ils considèrent
satisfaisants. D'autres poursuivront et s'engageront par la satisfaction d'un
effort ou du travail bien fait. Il est donc important à partir de cela
de veiller à proposer des tâches qui valorisent ces deux concepts
afin de permettre au plus grand nombre de se reconnaitre et de s'investir dans
l'activité.
Moi : Si vous aviez des choses à modifier
la prochaine fois, que feriez-vous ?
M.L : Il y a des choses qui seraient à
revoir au niveau de l'organisation. Certaines démonstrations pourraient
être complétées de commentaires plus précis, il
serait peut-être préférable de laisser les
élèves prendre des initiatives face à un problème
sans les diriger, plutôt en les guidant. Les feedbacks sont très
intéressants pour permettre aux enfants de prendre conscience de leurs
erreurs ou pour encourager leurs propositions de solutions. Le choix du
matériel peut aussi être à revoir pour des questions de
rapidité et pour le côté pratique. Je peux par exemple
ramener un ballon et adapter ma séance autour de cet objet.
Moi : Comment pouvez-vous résumer
l'intérêt de vos élèves pour les jeux de lutte ?
M.L : Je dirai qu'au fil des séances,
ils étaient de plus en plus motivés. Ils participaient à
l'oral, posait des questions, acceptaient les échanges de binômes
etc.
Moi : Qu'elle a été votre force
pour enseigner les jeux de lutte ?
M.L : Des cours bien préparés,
un fort intérêt et pas mal de connaissances concernant les
activités de contact. Ensuite, mes élèves constituent ma
force. Ma motivation passe aussi par le retour et l'investissement des
élèves.
Moi : Je vous remercie de l'attention que
vous avez pu porter à mes questions. Je vous donnerai suite de cet
entretien une fois qu'il sera rédigé.
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