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Transports et développement dans la métropole d'abidjan quel modèle de ville derrière les projets dans les transports ?


par Gaspard Ostian
Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne - Master Dynped  2021
  

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Partie 2 : Le futur du transport abidjanais :

ambitions, acteurs, moyens

La première partie nous a permis de poser un contexte autour de notre sujet d'étude : d'abord, l'importance d'Abidjan à échelle nationale et régionale. Aussi, un état des lieux dans les grandes lignes de l'état du secteur des transports dans la métropole et de son fonctionnement.

La seconde partie de ce travail portera davantage sur le futur du transport abidjanais. Il sera envisagé selon de multiples angles : les ambitions autour du Grand Abidjan, les moyens existant pour les réaliser, les problématiques auxquelles il faut répondre, et la façon dont cela se traduit dans le réel à travers les projets concrets mis en place. Une partie de l'analyse s'attachera à observer les discours, des autorités politiques mais également des acteurs du transport métropolitain.

Nous étudierons ainsi d'abord la volonté politique qui est à l'oeuvre, et les moyens qu'elle se donne pour atteindre des objectifs délimités. Nous observerons ensuite très concrètement un certain nombre de projets réalisés ou projetés dans le courant de la dernière décennie, afin de mettre en perspective les ambitions et les capacités de réalisation de la puissance publique.

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Chapitre 3 : Une volonté de faire d'Abidjan un leader régional

Ce chapitre sera consacré à comprendre les ambitions qu'ont les pouvoirs publics pour la ville d'Abidjan. Nous observerons particulièrement le travail d'analyse réalisé afin d'identifier les enjeux à dépasser pour atteindre les objectifs fixés, ainsi que les moyens déployés pour y parvenir. Ce chapitre est donc préliminaire à l'étude stricte des projets dans les transports, qui viendra après.

1- Les ambitions de l'État : Abidjan, premier hub de la sous-région

A) Un objectif annoncé de retrouver sa place de première économie de l'Afrique de l'Ouest

Le début de la seconde moitié du XXe siècle a vu la Côte d'Ivoire se positionner en puissance régionale de premier plan. Si elle l'est toujours aujourd'hui, les périodes de crise traversées entre les années 1980 et 2000 ont terni son rayonnement. Cela se traduit directement dans la réputation d'Abidjan : son surnom de Perle des lagunes, s'il reste présent dans les esprits, n'a plus son éclat d'antan. La revalorisation de la Côte d'Ivoire par la revalorisation d'Abidjan est donc l'un des objectifs non-dissimulés du SDUGA. On peut trouver en page 9 l'extrait suivant :

« La vision pour le Grand Abidjan est fondée sur les principes de développement durable et est destinée à contribuer au renforcement de l'économie de la Côte d'Ivoire par l'amélioration de l'infrastructure économique et l'enrichissement de la qualité de vie dans le Grand Abidjan grâce à la mise en place d'infrastructures sociales et équipements urbains adéquats. [É] La vision de la planification de l'Occupation du Sol est de permettre au Grand Abidjan de devenir à nouveau le premier centre économique de l'Afrique de l'Ouest. »

SDUGA, 2015.

Cet extrait, situé au tout début de ce document de 172 pages, s'inscrit dans la partie qui expose la vision générale de la planification prévue par le SDUGA. L'objectif et la raison d'être de ce

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document sont clairs : propulser par l'économie Abidjan en position de leader de la sous-région. Cela doit reposer sur un principe de croissance économique, auquel s'ajoute un respect de l'environnement et une préservation du patrimoine naturel du territoire qui montre qu'Abidjan se positionne également comme un acteur responsable du monde de demain. L'accent est mis sur le tourisme : le Grand Abidjan doit être leader, et le monde doit pouvoir le voir. Pour ce faire, le document présente quatre objectifs pour un programme de « croissance intelligente ».

1) Établir des initiatives de ville compacte afin d'endiguer l'expansion urbaine coûteuse et prédatrice d'espace ; Fournir une gamme d'opportunités d'emploi à proximité des zones d'habitations.

2) Promouvoir un développement urbain axé sur l'usage des transports en commun ; Privilégier le transport collectif et vert au détriment de l'utilisation des véhicules privés.

3) Promouvoir une meilleure qualité de vie :

i. Créer le sentiment d'identité et d'appartenance des résidents à travers des espaces et des bâtiments communautaires.

ii. Répartir équitablement les équipements publics, y compris des centres de santé et d'éducation faciles d'accès.

iii. Fournir des types de logements accessibles à toutes les couches sociales.

4) Préserver et valoriser les ressources naturelles et culturelles.

L'enjeu principal est clair : reprendre la maîtrise de l'urbanisme de la ville. Cela se veut être fait en limitant l'étalement urbain, en améliorant la mobilité, en homogénéisant l'accès au service public, à l'emploi et à l'habitat, et en limitant les dégradations environnementales. Ces enjeux s'inscrivent dans le contexte du monde en développement, mais il est intéressant de constater que les enjeux identifiés ici sont les mêmes que ceux auxquels sont confrontées les autres villes d'importance comparable de la région, comme par exemple Dakar. L'objectif de se démarquer des concurrents régionaux est donc technicisé par le SDUGA, qui s'érige ainsi en plan de dépassement de la concurrence.

Si la Côte d'Ivoire, dès aujourd'hui, peut prétendre à se trouver parmi les principaux centres économiques de la région, l'objectif est de passer nettement en tête. Le défi sous-tendu est

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ambitieux : surpasser le Nigéria et le Ghana. Ces deux concurrents ne sont pas à placer sur le même plan. La Côte d'Ivoire est la troisième économie de la région en termes de PIB, avec ses 50 milliards de dollars annuels. Le Ghana, pays de taille et de population comparables, la devance avec près de 70 milliards de dollars de PIB. La hiérarchie urbaine du Ghana est similaire à celle de la Côte d'Ivoire : la capitale macrocéphale Accra domine largement le réseau urbain national. La croissance des deux pays est comparable, ce qui fait que la concurrence est rude entre eux. Si la Côte d'Ivoire progresse vite, le Ghana a encore une avance confortable dans le volume des richesses produites. Les autorités ivoiriennes savent qu'une valorisation réussie de la capitale économique permettrait un nouveau bond dans leur course au dépassement du Ghana.

La concurrence avec le Nigeria est de nature différente. La démographie nigériane est incomparable avec la démographie ivoirienne, car le pays compte près de 220 millions d'habitants, contre 25 millions en Côte d'Ivoire. De la même façon, le PIB du Nigeria, autour de 500 milliards de dollars, est dix fois supérieur à l'actuel PIB ivoirien. Les autorités ivoiriennes savent qu'elles ne peuvent pas concurrencer le Nigéria en volume. La stratégie de concurrence s'appuie donc sur le niveau de vie. Si Abidjan ne peut rivaliser avec Lagos par la taille11, elle cherche à s'imposer autrement, en augmentant son influence et ses fonctions métropolitaines, et notamment les fonctions de commandement d'influence supranationale. Les autorités ivoiriennes savent pouvoir déjà compter sur Abidjan comme leader de l'Afrique de l'Ouest francophone. Augmenter son attractivité par un vaste plan d'aménagement s'intègre donc clairement dans une dynamique de concurrence métropolitaine à échelle régionale.

B) Améliorer son insertion dans l'économie globalisée : Abidjan, fer de lance de la quête de l'émergence

Les ambitions ivoiriennes concernant Abidjan que nous venons d'exposer sont soutenues par un discours politique : celui de l'émergence. Cette ligne directrice a été fixée par Alassane Ouattara lors de son arrivée au pouvoir en 2011 : « J'ai l'ambition de faire de la Côte d'Ivoire à l'horizon 2020 un pays émergent, une nation réconciliée avec elle-même et avec les autres nations », a-t-il lancé du haut de la tribune des Nations unies, en septembre 2011. Ce discours

11 Lagos compte en 2020 plus de 22 millions d'habitants.

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a été immédiatement appuyé par une politique de grands travaux à travers le Programme présidentiel d'urgence (PPU) qui a mené à d'importantes et rapides réalisations que nous avons décrites précédemment, comme le troisième pont de la ville livré en 2014. Ce discours ambitieux devait être accompagné de réalisations importantes, qui ont été assurées par le biais du PPU. Mais ces réalisations ne prennent leur portée que si elles sont visibles, c'est pourquoi elles se sont beaucoup concentrées dans le Grand Abidjan. Le PPU peut donc être vu comme un prélude de nature spectaculaire au SDUGA, qui présente une approche bien plus globale et élargie de l'aménagement pour la métropole d'Abidjan. Dans la vision présentée par le SDUGA, on peut ainsi trouver la phrase suivante :

« Il s'agit d'une initiative de développement majeure pour la croissance économique nationale afin de soutenir la réalisation de la Côte d'Ivoire en tant qu'une « économie émergente », comme énoncé dans le Plan National de Développement (PND). »

SDUGA, 2015.

La Côte d'Ivoire a connu deux plans nationaux de développement, entre 2012 et 2015 puis sur le période 2016-2020. Ce dernier suit, selon le ministère du plan et du développement, cinq axes principaux :

1) Le renforcement de la qualité des institutions et de la gouvernance.

2) L'accélération du développement du capital humaine et du bien-être social.

3) L'accélération de la transformation structurelle de l'économie par l'industrialisation.

4) Le développement d'infrastructures sur le territoire et la préservation de l'environnement.

5) Le renforcement de l'intégration régionale et de la coopération internationale.

Le SDUGA est le plan qui applique en aménagement le PND au territoire du Grand Abidjan. Ce dernier y est explicitement présenté comme un outil majeur de la course à l'émergence lancée par le président Ouattara en 2011. Des moyens massifs y sont donc consacrés et sont consignés dans le SDUGA, dans l'objectif d'un développement en trois aspects (économique, durable et social) qui soit le plus rapide possible.

La collecte des données sur le terrain pour cette étude s'est déroulée au début de l'année 2021, soit juste au terme de l'échéance souhaitée par Alassane Ouattara pour atteindre l'émergence. En l'état, la Côte d'Ivoire n'a pas atteint son objectif, qui était très ambitieux,

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malgré des évolutions et un dynamisme certains. Il est intéressant de noter néanmoins que les ambitions politiques ivoiriennes trouvent un écho certain auprès de la population et de différents acteurs que j'ai rencontré sur place. Le directeur de la contractualisation et des aménagements à l'AMUGA, lors de notre entretien, a plusieurs fois en me parlant du futur de la mobilité abidjanaise fait des comparaisons avec des métropoles du monde développé comme Paris ou Bruxelles12. L'enjeu affiché, pour lui, était de sortir du monde en développement pour entrer dans le monde développé. De la même façon, le directeur adjoint à l'ingénierie et la maîtrise d'ouvrage du Port autonome d'Abidjan m'a dit : « tout le monde veut être le hubport »13. Il m'a ainsi assuré que tous les projets de développement du port, qui sont nombreux, importants et sur lesquels nous reviendrons plus tard, visent à s'imposer comme premier centre portuaire de la région, non sans cacher des ambitions continentales. De même à l'aéroport, le chef des opérations aéronautiques m'a déclaré que « l'ambition d'Aeria est de faire de [l'aéroport] Félix Houphouët-Boigny le hub d'Afrique de l'Ouest »14, même en comptant le Nigéria.

Il apparaît donc qu'une mosaïque d'acteurs du transport s'accordent sur l'objectif des acteurs politiques de faire d'Abidjan le premier hub régional. Nous détaillerons par la suite les moyens mobilisés pour y parvenir.

C) Des objectifs sociaux

Nous avons jusqu'ici beaucoup insisté sur des aspects économiques de l'analyse. Ces derniers prennent une part importante dans le référenciel des personnes et dans les discours politiques concernant le développement en Côte d'Ivoire. Mais un volet social n'est néanmoins pas absent de la planification du développement, et le développement humain est l'un des piliers de la quête de l'émergence et du leadership régional d'Abidjan.

« L'équité signifie que tous les membres de la société, y compris les personnes socialement vulnérables devraient bénéficier du système de transport amélioré. Tous les membres devraient également ne pas avoir à souffrir des inconvénients causés par le développement des transports urbains. Certaines personnes seront touchées par l'augmentation de la pollution de l'air et des

12 Entretien réalisé le 28 janvier 2021 dans les locaux de l'AMUGA à Cocody.

13 Entretien du 4 février 2021, réalisé dans la section administrative du Port Autonome d'Abidjan.

14 Entretien réalisé le 15 février 2021, à dans les bureaux de la compagnie Aeria à l'aéroport Félix Houphou`t-Boigny.

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inconvénients sociaux de leur condition de vie. Une prise en compte conséquente de ces personnes doit être assurée au stade de l'étude de faisabilité de chaque projet. »

SDUGA p.27, 2015

Un volet social existe donc dans la conception des autorités planificatrices du Grand Abidjan, qui semble rechercher un développement inclusif. Nous confronterons plus tard cette position affichée, car de nombreux projets nécessitent justement de déplacer des « personnes socialement vulnérables » installées sur les lieux.

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"Et il n'est rien de plus beau que l'instant qui précède le voyage, l'instant ou l'horizon de demain vient nous rendre visite et nous dire ses promesses"   Milan Kundera