9.5.5 Retourner en Libye
Toutefois certains indiquent avoir l'intention de retourner en
Libye si jamais l'incertitude sur leur demande persiste ou en cas de
réponse négative sur leur requête. Ils envisagent de
retourner en Libye pour prendre le bateau et aller en Europe. En fait, dans les
mobiles à l'origine de leurs déplacements en Libye, on note que
beaucoup voulaient rejoindre l'Europe. Ceci est motivé par l'absence
d'opportunité au Tchad et même en Libye devenue un enfer
terrestre. C'est aussi motivé par les tentatives réussies de
compatriotes et des connaissances ayant pu rejoindre le
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vieux continent par cet itinéraire. Sur les
réseaux sociaux, ces personnes partagent les photos de l'Europe, mais
aussi les conseils nécessaires pour être en contact avec les
passeurs et la stratégie pour survivre une fois en Europe avec les
interviews. La diaspora soudanaise installée dans le vieux continent
n'est pas en marge de cette dynamique. Elle participe au financement de la
migration à l'échelle du continent africain et même de
l'Europe. Elle fournit également des informations utiles au
périple.
9.6 Attendre l'asile
9.6.1 A la recherche de son conjoint
Une femme malienne interrogée indique n'avoir pas de
nouvelles de son mari partie en Europe
« Je m'appelle Zara, j'ai quitté Mopti pour la
Libye. Arrivée à la gare d'Agadez un homme qui parle fulfulde
nous a dit que c'est très dangereux. Il nous a mis dans un taxi moto
pour le centre OIM. Je suis avec mes enfants à la recherche de leur
père qui a quitté pour le Maroc dans l'intention de rejoindre
l'Europe. Depuis trois ans on n'a aucune nouvelle. J'ai quitté le
village, car la grand-mère de ma fille l'a fait quitter l'école
pour un mariage alors que c'est une gamine. Je partais en Libye pour chercher
du travail afin de pouvoir élever mes enfants. J'ai vendu l'or que ma
maman m'a laissé après sa mort. Arrivé à l'OIM j'ai
dit que je ne voulais pas rentrer au pays. J'ai donc fait la demande d'asile.
Je ne voulais pas rester au Niger, je veux un pays qui est bon ».
(Zara,
demandeuse d'asile, Agadez, 28-07-2018)
C'est donc pour aller à la recherche de son conjoint
qu'elle a décidé de se mettre sur cette route migratoire. Des cas
pareils ne sont pas isolés. Beaucoup de migrants laissent leur vie dans
le Sahara, dans les centres de détentions en Libye ou dans la
Méditerranée. Les difficultés pour identifier les corps en
l'absence de document d'identité ne permettent pas de communiquer aux
pays d'origine les décès de leurs ressortissants. C'est pourquoi
beaucoup de familles n'arrivent pas à faire leur deuil. Certains
répondants estiment avoir perdu le contact avec les proches après
un séjour dans les centres de détentions ou à la suite du
vol de leur téléphone portable. Les numéros sont
gardés sur des bouts de papier. La perte de ce sésame est
synonyme de pertes des contacts avec les proches surtouts pour les Soudanais.
La grande mobilité liée au nomadisme et à
l'insécurité constitue un des facteurs qui font que les gens
n'ont pas dans certains cas les moyens de prendre des nouvelles de leurs
proches. Cependant, une minorité affirme être en contact avec la
famille. Il s'agit des réfugiés installés dans les camps
de réfugiés au Tchad et dont les parents continuent à y
vivre. Du fait que ces Soudanais viennent des mêmes camps au Tchad, ils
peuvent prendre des nouvelles des proches par personnes interposées.
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