9.4.2 Transiter par le Tchad -Diffa-Agadez
Un autre parcours plus au moins similaire au premier est celui
des réfugiés soudanais au Tchad et de certains
déplacés internes soudanais dont la particularité est
qu'ils ne transitent pas par la Libye. En effet, de ces espaces, ils transitent
par le Tchad, descendent jusqu'à N'Guigmi au Niger puis remontent
à Diffa, passent par Zinder pour rejoindre Agadez et finir sur le site
dédié aux demandeurs d'asile et réfugiés.
Nous sommes donc dans un schéma où des personnes
qui quittent les camps de réfugiés et déplacés
internes finissent encore dans ces mêmes espaces.
9.4.3 De Bangui à Agadez
L'encadré ci-dessous nous retrace le parcours de
Hussein, un Centrafricain qui quitte son pays en passant par le Soudan transite
par la Libye pour se retrouver à Agadez. C'est une trajectoire moins
fréquente dans la population étudiée. C'est pourquoi il
est apparu essentiel de la mettre en exergue (encadré 8.4) ci-dessous
afin de saisir la complexité des flux mixtes.
249
Encadré 8 : Hussein demandeur d'asile de
nationalité centrafricaine
« Je m'appelle Hussein de nationalité
centrafricaine, 20 ans. Je suis arrivé à Agadez le 17 janvier
2018 en passant par le Soudan. La guerre m'a fait quitter mon pays.
J'étais à Bangui, j'ai dû quitter en février 2014,
car il y avait la guerre. On a brûlé ma maison, tué toute
ma famille. C'est l'oeuvre des Anti Balakas. Ils m'ont frappé.
Arrivé au Soudan en décembre 2014 à
Nyala je vends de l'eau, il n'y avait plus de sécurité. J'ai
quitté le Soudan en février 2016 pour la Libye. Je partais
à Tripoli, on m'arrête à Saffa où la katiba Achara
m'arrête pour m'exiger de payer l'équivalent de 100 000 F. Ils
m'ont torturé pendant 3 jours pour que j'appelle mes parents. J'ai fait
6 mois dans leur prison. Trois jours après ramadan, ils m'ont fait
sortir de la prison. J'étais resté 4 mois chez un vieux Tchadien
qui a un restaurant. Il m'a soigné.
J'ai travaillé comme déchargeur de camion
car je ne peux pas aller à Tripoli à cause de
l'insécurité, j'ai appris qu'il y a des postes de
réfugiés au Niger. Je suis venu voir si le HCR peut m'offrir une
bonne ville pour vivre.
J'ai quitté la Centrafrique pour le Soudan à
cause de l'insécurité. Au Soudan, il n'y avait pas de travail. En
Libye j'ai appris qu'il y a de la place pour les réfugiés au
Niger. J'ai dit au vieux Tchadien que je vais venir au Niger. J'ai payé
60000FCFA au transporteur puis 1000 FCFA à Madama pour passer la
frontière.
Arrivé à Agadez, le taxi moto m'a
amené au bureau de l'APBE. J'ai dormi là-bas pendant 3 jours
avant de faire les formalités d'écoute et d'hébergement
dans les cases.
En cas d'octroi du statut de réfugiés, je
serais obligé de rester au Niger, car je n'ai pas de famille. Si je
rentre au pays, ils peuvent me tuer.
Si on me refuse le statut, je ne sais pas quoi faire, Dieu
décidera. Je remercie Dieu, depuis que je suis venu ici, je n'ai pas vu
quelqu'un qui est en train de se bagarrer ou tuer.
Au pays, je fais du commerce c'est la première fois
que je suis sorti du pays. Mais ici je ne travaille pas. Un Soudanais m'a
donné 30 000 FCFA pour que je rentre en Libye Maintenant mon père
et ma mère ; c'est le HCR seulement. C'est le HCR qui peut
décider de m'amener là où il veut. Si le HCR pense qu'ici
il n'y'a pas de sécurité, il peut m'amener ailleurs.
».
250
Le parcours d'Hussein montre la persistance de
l'insécurité dans certains pays africains depuis plusieurs
années. En effet, partie de son pays en 2014 pour le Soudan à la
recherche d'un environnement de paix il est contraint de quitter ce pays pour
la Libye. Là il passe par la prison avant de rejoindre Agadez (Niger)
pour saisir l'offre de protection internationale. A Agadez, il est
enregistré comme demandeurs d'asile et bénéfice des
services d'assistance humanitaire. La requête de protection de Hussein,
relève de la catégorie des demandes
délibérées. Car il affirme avoir quitté la Libye
pour demander asile au Niger. Ne sachant pas trop lire son avenir, il se confie
au HCR pour décider de ce qui est mieux pour lui.
|