9.3.2 Tranquillité à Agadez
Sur l'axe Agadez-Madama-Libye, les demandeurs d'asile et
réfugiés interrogés avancent plusieurs raisons pour
justifier le choix du Niger comme destination. Parmi elles on peut noter
l'insécurité en Libye. Les demandeurs d'asile étant
majoritairement soudanais, ils se trouvent
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en nombre dans le sud de la Libye et ne veulent ni retourner
au Tchad leur premier pays d'asile pour certains, ni au Soudan. Ils
décident alors de tenter leur chance à Agadez.
Aux Soudanais on peut adjoindre d'autres nationalités
qui pour les mêmes raisons décident de rebrousser chemin au Niger
pour sauver leur vie en attendant une évolution favorable de la
situation sécuritaire en Libye.
9.3.3 Un appel d'air à relativiser
Le choix de venir au Niger fonctionne également comme
un appel d'air à mettre au registre de la bonne connaissance des
activités du HCR et des possibilités que cette organisation offre
en termes de réinstallation. Les Soudanais dont une grande
communauté se trouve en Europe, aux USA et au Canada sont
informés que l'agence onusienne a ouvert un mécanisme de
réinstallation à partir du Niger. L'annonce du premier vol de ce
mécanisme dit ETM a atterri à Niamey avec 54 personnes de
nationalités érythréennes, éthiopiennes,
somaliennes et un Soudanais a fait le tour du monde dans les médias.
Avec la force des réseaux sociaux, la nouvelle s'est répandue.
Ainsi, l'ETM a conduit les Soudanais à tenter leurs chances au Niger.
Cette période de lancement d'ETM a coïncidé
quelques jours plus tard avec l'ouverture à Agadez par le HCR via IRC
d'une case de passage dans le but d'héberger les demandeurs d'asile. Les
premiers pensionnaires de cet espace d'hébergement sont en
majorité des Soudanais. Les conditions d'accueil y sont nettement
supérieures à celles de l'OIM. Des kits individuels, des lits de
dortoirs avec des chambres climatisées, un accès à Canal +
au quartier administratif d'Agadez sont mis à la disposition des
occupants. Là également, les réseaux sociaux ont
joué un rôle essentiel dans la diffusion de l'ouverture de ce lieu
d'accueil ainsi que des éléments de confort qui s'y trouvent.
Dans ce contexte, les jeunes Soudanais en difficultés sont
conseillés par leurs compatriotes sur place d'aller au Niger où
le HCR a ouvert un « camp » comme l'explique Abdallah :
« On a quitté le Soudan avec mon
beau-frère et mon grand frère pour la Libye dans l'espoir d'aller
en Europe. J'étais à Sebha pendant un an. Mon beau-frère
et mon grand frère sont partis à la mer pour voir comment les
gens traversent pour aller en Europe. Ils ne sont plus revenus. Les gens m'ont
dit d'aller au Niger il y a une ONG qui s'occupe des enfants. Ma femme a vendu
ses boucles d'oreilles en or pour payer le transport jusqu'au Niger.
Arrivé à Agadez, on était à la grande
mosquée. Les frères m'ont loué une maison pendant un mois
puis je suis parti à l'OIM. Ma femme a accouché là-bas.
Après OIM m'a orienté vers le HCR qui m'a amené dans cette
maison »
(Abdallah, demandeur d'asile, Agadez 21-07-2020).
Ainsi, la nouvelle s'est vite propagée en Libye,
à Janciya où il y a une grande concentration de migrants
africains ; les Soudanais se passent rapidement le message sur l'ouverture
d'un
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« camp » à Agadez. D'où un effet
« appel d'air » à la fin du mois de décembre 2017 alors
que les combats s'intensifient dans le sud de la Libye. Cet afflux va connaitre
son apogée en janvier 2018 avec plus de 2000 Soudanais voulant demander
l'asile à Agadez afin de bénéficier de la protection
internationale comme le souligne Adam : « J'ai appris avec des amis
à Sebha qu'au Niger l'UNHCR offre protection aux gens. Mes amis ont
cotisé pour moi afin de payer le transport pour le Niger. J'étais
venu à Agadez en mars 2018. En ce moment je n'avais pas la prise en
charge alimentaire. Je dormais à la gare, car y'avait pas de sites pour
nous. » (Adam demandeur d'asile, Agadez 19-07-2020).
Les commerçants soudanais ont joué un rôle
important dans l'afflux par la mise à disposition des frais de voyage
pour les démunis afin de rejoindre Agadez à travers divers
arrangements. Certaines personnes interrogées soulignent avoir
voyagé avec les commerçants soudanais jusqu'à Agadez.
L'afflux est bien sûr à relativiser eu
égard au chiffre de 2000 personnes venues de la Libye, lorsque l'on
estime qu'à la même période plus de 500 000 Soudanais sont
en Libye et 200 000 sont réfugiés au Tchad. C'est donc
insignifiant au regard du stock de personnes de nationalité soudanaise
dans ces deux pays.
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