9.2.6.3 Problème ethnico-politique
Dans certains pays, les problèmes ethniques font que
certains groupes sont pris pour cible par les autorités. Face à
ces exactions, les victimes fuient pour se mettre à l'abri. Dans une
telle perspective, le point d'arrivée est généralement le
pays voisin en lien parfois avec la présence des membres de la
même communauté qui peuvent faciliter son accueil. Ce type de
fuite concerne par exemple, certains Tchadiens présents parmi les
demandeurs d'asile à Agadez.
9.2.6.4 Fuir le Nord du Nigéria pour Agadez
La décision de quitter les Etats du nord-ouest du
Nigéria est motivée par les violences religieuses. En effet, les
femmes nigérianes interrogées à Agadez rapportent avoir
quitté à la suite d'une explosion à la mosquée de
Kano un jour de vendredi. La panique consécutive à l'incident est
si inhabituelle qu'elles ont pris la décision de quitter la ville en
direction du Niger. Le long du trajet le transport est financé
grâce à la mendicité. Après un séjour
à Zinder elles rejoignent Agadez ayant entendu parler de la
supposée rentabilité de la mendicité dans cette ville.
Certaines parviennent aussi à s'insérer dans la
domesticité et toutes vont demander l'asile.
9.2.7 Se soustraire de la justice
Dans la longue liste des facteurs du départ du pays se
trouve pour quelques rares personnes ayant la volonté de se soustraire
à la justice pour des faits relevant du droit. Par exemple, un ancien
officier de l'armée camerounaise affirme que lors d'un interrogatoire
qui a mal tourné, il a tué un officier supérieur en
cherchant à obtenir des aveux dans le cadre de l'opération
épervier39. Cette situation l'a conduit en prison où
il restera plusieurs mois avant d'être exfiltré de son pays afin
d'échapper à la justice. En effet, en complicité avec la
justice et l'armée il parvient à sortir nuitamment de la prison
et est transporté à la frontière du Nigéria.
Là, il se voit remettre son passeport et reçoit pour ordre de
disparaitre et ne plus revenir au Cameroun. C'est ainsi qu'il emprunte le
chemin de la migration avec pour objectif d'être toujours aussi loin
que
39 L'Opération Épervier est une vaste
opération judiciaire initiée dans le cadre de la lutte
anti-corruption au Cameroun. Cette opération a été
lancée par le gouvernement du Premier ministre Ephraïm Inoni en
2006, sous la pression des bailleurs de fonds internationaux
244
possible du Cameroun. Il transite par le Nigéria puis
le Bénin, le Mali, l'Algérie (Tin Zaouatine) puis Tamanrasset
avant d'être expulsé au Niger.
À ce cas s'ajoute celui d'un élève
tchadien qui a participé à une manifestation à laquelle
une personne a perdu la vie. Leader syndical, la justice est à sa
recherche afin de répondre de ce crime dont il est accusé. C'est
pour se soustraire à la justice qu'il a fui jusqu'en Libye puis
continué au Niger.
En général, ces cas sont très rares et pris
en charge par le CICR dont c'est le mandat.
9.3 Choisir le Niger comme destination 9.3.1 Des
expulsés de l'Algérie
Certains demandeurs d'asile en provenance de l'Algérie
sont des expulsés de ce pays. En effet, depuis 2014 à la suite
d'un accord verbal avec le Niger, l'Algérie organise l'expulsion des
migrants nigériens jusqu'à Agadez. À partir de 2016, une
forme de retour forcé commence à émerger sur cet axe. Il
s'agit des migrants subsahariens, des demandeurs d'asile et
réfugiés qui sont expulsés et convoyés jusqu'au
point zéro par les forces de l'ordre algériennes. Là, ils
reçoivent l'ordre de continuer à pied leur chemin jusqu'au Niger
et au village frontalier d'Assamaka distant de 15 km. Cette forme d'expulsion
est plus connue sous le nom de « piétons ». Arrivés au
poste frontalier la police les enregistre (photos ci-dessous) avant qu'ils ne
passent devant les organisations humanitaires notamment l'OIM pour le
profilage.
Photo 31 : Rond-point zéro
Crédit photo : B Ayouba Tinni, Assamaka, août
2019
245
Photo 32 : Enregistrement des expulsés piétons
Crédit photo : B Ayouba Tinni, Assamaka, août 2019
Après cette étape l'agent du projet Postes
d'Observation des Mouvements Migratoires (POMM) mis en oeuvre avec l'appui
financier du HCR sur place identifie les personnes en demande de protection et
celles possédant déjà des documents de demandeurs d'asile
ou de réfugiés. Contact est alors pris avec le HCR afin qu'il
soit référé à l'institution une fois à
Agadez. Ainsi sont identifiées les personnes en quête d'asile qui
vont sur place être référencées afin de
bénéficier de la protection internationale.
Les migrants expulsés d'Algérie sont
sensibilisés sur le mécanisme de retour volontaire assisté
qu'offre l'OIM. Certains refusent d'adhérer. En effet, ils ne veulent
pas retourner dans leur pays d'origine pour des raisons diverses. Ces derniers
prennent connaissance de la possibilité de demander l'asile à
Agadez. Ils sont orientés vers le HCR et la DREC pour des écoutes
préliminaires. Les informations recueillies peuvent permettre
d'apprécier l'existence d'éléments qui requièrent
l'ouverture d'un dossier. Dans tous les cas, les personnes
référées par l'OIM sont écoutées et des
demandes d'asile formulées. Après cette étape ils prennent
attache avec le HCR pour bénéficier de la protection
internationale : accès à la sécurité, aux services
sociaux de base c'est-à-dire essentiellement la santé,
accès à un abri et prise en charge alimentaire et sanitaire.
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