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Conclusion partielle
En définitive, il convient de noter que l'approche
méthodologique mobilisée lie techniques quantitatives et
qualitatives. À cela s'ajoutent, la collecte de données
secondaires, l'analyse du contenu et l'observation. Cette approche
intégrée est mieux indiquée pour analyser la
problématique soulevée dans cette thèse.
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Chapitre 2 : Panorama de la migration au Niger
Vaste territoire d'une superficie de 1 267 000Km, le Niger
est pays au climat à dominante sahélo-saharien aux 3/4
désertiques. L'agriculture et l'élevage constituent les
principales activités de la population. L'agriculture sous pluie est
limitée à la bande sud du pays. Cette portion du territoire
accueille plus des 3/4 de la population du pays. Elle se retrouve donc avec des
fortes densités de plus de 250 habitants au Km dans certaines
régions. L'agriculture vivrière au Niger est soumise aux caprices
du climat, à la pauvreté des sols, aux inondations et est souvent
exposée aux attaques des criquets pèlerins. Ces dernières
années le caractère quasi cyclique des crises alimentaires ont
accentué les difficultés des paysans nigériens. Dans ce
contexte, les migrations ont été sans conteste le principal moyen
de faire face aux crises conjoncturelles (Olivier de Sardan, 2008).
La migration au Niger s'effectue aussi dans un contexte de
forte croissance démographique. De 11 millions d'habitants en 2001, la
population est estimée à 20 millions en 2020. Cette croissance
démographique est soutenue par un taux d'accroissement de 3,9%, l'un des
plus élevé du monde. Cela a pour conséquence
l'extrême jeunesse de sa population, la moitié de cette population
ayant moins de 15
ans. es défis à relever en
termes de bouche à nourrir, éduquer, soins de santé et de
développement agricole sont ainsi très nombreux. L'agriculture
par exemple s'effectue sous des contraintes majeures comme le soulignent ces
propos : « La région d'Aguié comporte plusieurs types de
systèmes agraires. Mais au-delà de cette diversité, ce
qu'il conviendrait de noter c'est surtout la mutation que l'ensemble des
systèmes traversent. Ils évoluent dans un contexte marqué
par une pression foncière sans précédent, rarement
égalée ailleurs au Niger et qui se traduit par
l'impossibilité de pratiquer la jachère. Partout l'agriculture
fonctionne sur des contraintes majeures, principalement foncières,
indépendamment des types de systèmes agraires. Selon les
statistiques fournies par les services compétents, la plupart des
exploitations ne dépassent guère trois hectares. C'est en
réponse à cette situation que les systèmes agraires sont
engagés dans un processus de mutation qui les amène à
opter pour une double logique de gestion du risque et d'intensification »
(Yamba, 2004). Dans bien de cas, manques de terres à cultiver et
démographie sont souvent évoquées comme facteurs motivant
la migration.
Sur le plan économique, le Niger est un pays pauvre
dont une partie du budget de l'État est supportée par l'aide
extérieure. Cette situation est aggravée par les
difficultés économiques des pays de la sous-région avec
lesquels le pays entretient des relations commerciales. En effet,
46
selon le Plan de Développement Économique et
Social (PDES) 2017-2021- « la récession économique et la
dépréciation de la Naira au Nigeria ayant eu un impact
négatif sur les échanges du Niger avec ce grand partenaire
commercial dans la sous-région » (Ministère du plan,
2017).
Avec un taux de pauvreté de 44,1% et un revenu moyen
par habitant de 420 dollars, c'est l'une des nations les plus pauvres du monde.
Le Niger est classé dernier (189 sur 189 pays) en 2019 au titre de
l'indice de développement humain (0,394) du Programme des Nations Unies
pour le développement (PNUD).
Le Niger est dans un environnement de crise
sécuritaire. La crise libyenne déclenchée en 2011 et son
inscription dans la durée constitue le premier foyer de crises
politiques aux frontières Nord. La rébellion armée puis la
montée en puissance des groupes terroristes au Mali à partir de
2012 a donné lieu à un deuxième foyer de crise
sécuritaire à la frontière ouest du pays le long des
régions de Tillabéri et Tahoua.
En 2013, la crise de Boko Haram et ses répercussions au
Niger constituent le troisième noyau d'insécurité à
l'extrême sud-est sur la frontière avec le Nigeria le long de la
région de Diffa.
Dans ce contexte, le pays accueille des populations de
réfugiés et demandeurs d'asile sur son territoire depuis 2012. Il
s'agit des réfugiés maliens dans les régions de
Tillabéri, Tahoua et Niamey. Les réfugiés nigérians
sont accueillis dans les régions de Diffa et Maradi.
En lien avec la dégradation du contexte
sécuritaire, quatre régions sur les huit que compte le pays
enregistrent des personnes déplacées internes. C'est donc un pays
qui fait face à des difficultés sécuritaires. Pour y
répondre le gouvernement a fait appel à la coopération
internationale. Ainsi, le pays abrite des bases militaires françaises,
allemandes, américaines, italiennes.
La migration s'effectue dans un contexte de libre
circulation. Depuis 1979 la CEDEAO prône la libre circulation des
personnes et des biens. L'alinéa 1 de l'article 59 du traité
révisé précise que « les citoyens de la
Communauté ont le droit d'entrée, de résidence et
d'établissement et les États membres s'engagent à
reconnaître ces droits aux citoyens de la Communauté
conformément aux dispositions des protocoles y afférents ».
Cette vision politique a favorisé l'émergence d'un environnement
favorable aux mouvements migratoires dans les 15 États membres. Les
ressortissants justifiant d'une carte d'identité et d'un carnet de
vaccination à jour sont acceptés dans les États membres
jusqu'à 90 jours sans visa. Au-delà de cette période, la
personne est tenue de se conformer à la législation en vigueur
dans l'État où elle se trouve.
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La vision de la CEDEAO sur la libre circulation des personnes
et des biens dans l'espace communautaire fait face de plus en plus à des
contingences qui plombent la volonté politique affichée. Les
enjeux sécuritaires et diplomatiques nés de la chute du
régime de Kadhafi militent de plus en plus en faveur du contrôle
des frontières.
2.1 Un pays où se superposent plusieurs types de
migrations
L'analyse du profil migratoire du Niger révèle
une superposition de plusieurs types de migration. Ainsi, on note une
circulation des migrants à l'intérieur du pays : migration
interne. Le pays émet également des flux de migrants en direction
de l'étranger : l'émigration internationale. A l'échelle
internationale, le Niger est aussi un espace d'accueil (immigration
internationale, mouvement des réfugiés et demandeurs d'asile) et
de transit. De plus en plus, en lien avec la dégradation de la situation
sécuritaire dans la sous-région, il est enregistré une
migration de retour des ressortissants nigériens dans leur pays.
2.1.1 Analyser la migration interne au Niger 2.1.1.1
Prédominance de la migration interne
Au Niger, la migration interne est un phénomène
très développé. La figure du migrant est bien connue tant
en milieu rural qu'urbain. Il s'agit de ces hommes et femmes qui quittent le
milieu rural vers le milieu rural (rural-rural) dans le cadre des migrations de
colonisation de terres agricoles, la recherche de l'or ou à cause de
l'insécurité. Elle peut aussi prendre la forme d'un
déplacement du milieu urbain vers le rural (urbain-rural) ou encore des
campagnes vers les villes (rural-urbain). La migration interne s'inscrit dans
les temporalités saisonnières et peut aussi être de longue
durée, voire même définitive entrainant des changements de
résidence des acteurs qui l'animent.
De nos jours, le surpeuplement de certaines zones rurales, la
dégradation de l'environnement, les conditions climatiques
défavorables, et la pauvreté chronique ont contribué
à augmenter l'insécurité alimentaire et la migration. Les
jeunes migrants espèrent trouver en ville des compléments au
déficit agricole. La migration interne apparait en raison de
temporalité souvent courte (3 à 7 mois) des espaces qu'elles
concernent (capitales régionales ou du pays) comme l'apprentissage de la
migration auquel on initie les jeunes avant l'émigration
internationale.
La migration est une stratégie de résilience
complètement intégrée dans les revenus des ménages.
Les jeunes de 15 à 18 ans commencent la migration sur des courtes
distances vers les capitales régionales ou Niamey. Elle commence
généralement à la fin des récoltes pour un
48
retour au début de la saison des pluies. C'est au cours
de cette apprentissage de la migration que les jeunes ruraux apprennent le
Bidda (chercher en langue Haoussa) ou le Tcheki (chercher en
langue Zarma Sonrai) en ville par la pratique de petits métiers (boys,
vendeurs ambulants, conducteurs de taxi moto) comme le soulignent ces propos :
« Ici à Ayorou, nous avons beaucoup d'enfants âgés
de 10 à 15, qui arrivent à Ayorou chaque année
après les récoltes, pour travailler et gagner un peu d'argent. La
plupart d'entre eux vendent de l'eau fraiche et ou travaillent en tant que
domestiques dans les maisons » (Entretien, Kasso, Ayorou, juillet
2019). En effet, le fait de migrer, dans beaucoup de communautés
nigériennes, est un acte de bravoure qui permet aux jeunes de
s'émanciper comme le soulignent ces propos :
« La migration concerne toutes les couches de la
population avec un cachet particulier chez les jeunes. Ces derniers ont
développé tout un mythe autour de la migration et
particulièrement pour les destinations vers l'Algérie et la
Libye. Les raisons sont économiques mais certains départs
laissent comprendre que les effets de mode et les exemples de réussite
constituent aussi d'autres causes de la migration. Naitre et grandir à
Tchintabaradem est un facteur qui vous prédispose à la migration
vers la Libye ou l'Algérie. Les départs vers ces pays n'ont pas
de périodes pour les jeunes de Tchintabaradem ». (Entretien
Farouk, Tchintabaradem, janvier 2021).
La migration interne au Niger se féminise avec des
femmes et des jeunes filles qui viennent en ville à la recherche de leur
trousseau de mariage ou de subsistance (Kandagoumni, 2013 ; Seyni ,2019 ; Ide,
2019) dont l'insertion urbaine se passe non sans difficulté. Parmi
elles, la figure du tagalakoy, ces femmes qui viennent du Zarmaganda, traduit
cette souffrance. En effet, l'image de ces femmes rudes au travail avec leur
équipement en balancier constitue de nos jours l'un des aspects
saisissants et poignants de la vie en milieu urbain niaméen car les
visages malgré tout souriants de ces femmes courageuses dissimulent en
fait le drame et les souffrances de tout un peuple que l'on a trop tendance
à oublier (Sidikou, 1987).
La migration des jeunes filles et femmes prend de l'ampleur.
Elle est motivée par la recherche de trousseau de mariage ou des besoins
alimentaires. Leur insertion socio-économique s'effectue dans des
conditions d'hébergement très pénibles et la pratique
d'activités précaires (vente de sable, de gravier, cueillette et
vente de feuille de moringa). Les revenus tirés de ces activités
permettent à ces femmes de contribuer aux besoins alimentaires de leur
ménage à travers des envois de vivres à ceux qui sont
restés au village et des vivres qu'elles rapportent en rentrant,
(Mamoudou, 2012, p 60). En milieu urbain, à l'image de Niamey, il est
fréquent d'observer au niveau des carrefours des femmes migrantes
accompagnées souvent d'enfants s'adonner à la mendicité.
La migration féminine c'est aussi celle des femmes bororos en ville pour
la vente des produits de la pharmacopée traditionnelle mais aussi pour
leurs compétences de tresseuses comme le souligne : « Chez les
Peulhs, il concerne les personnes des deux (2)
49
sexes et se fait en direction des gros centres et des pays
comme le Nigeria, le Benin, le Cameroun, la Côte d'Ivoire, le Burkina
Faso et le Mali. » (PDC, Commune urbaine de Tchintabaradem, P23).
Selon les données de l'ENAMI 2011 (INS, 2013) environ
6 Nigériens sur 100 (6,5%) seulement sont des migrants internes. Il
apparaît que près de la moitié des migrants internes
(44,1%) viennent de la région de Tillabéri (24,7%) et de celle de
Dosso (19,4%).
De l'analyse de la migration interne sur la base des
données de l'ENAMI 2011, il ressort que Niamey polarise l'essentiel des
migrants internes. Elle reçoit principalement les flux en provenance des
régions de Tillabéri et Dosso. Cela s'explique par la
proximité géographique de ces régions avec Niamey, mais
aussi en termes d'opportunité qu'offre la capitale. Notons aussi que les
populations de ces régions parlent largement le zarma sonrai comme
dialecte. Or, la langue est un puissant levier d'insertion sociale.
La région d'Agadez vient en 2ème
position en termes d'accueil de migrants internes. Elle reçoit les
migrants des régions de Zinder, Tahoua et Maradi. Cela se justifie par
les opportunités économiques et d'emploi qu'offrent les mines et
le jardinage dans cette région. Elle est aussi une étape du
parcours migratoire menant vers l'Afrique du Nord. Certains migrants y
séjournent, exercent quelques petits métiers afin de
réunir les ressources nécessaires à la migration au
Maghreb.
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