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Externalisation des politiques migratoires européennes au Niger: reconfigurations des lieux et des trajectoires des migrants


par Bachirou AYOUBA TINNI
Université Abdou Moumouni de Niamey - These de Doctorat  2021
  

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Conclusion partielle

En définitive, il convient de noter que l'approche méthodologique mobilisée lie techniques quantitatives et qualitatives. À cela s'ajoutent, la collecte de données secondaires, l'analyse du contenu et l'observation. Cette approche intégrée est mieux indiquée pour analyser la problématique soulevée dans cette thèse.

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Chapitre 2 : Panorama de la migration au Niger

Vaste territoire d'une superficie de 1 267 000Km, le Niger est pays au climat à dominante sahélo-saharien aux 3/4 désertiques. L'agriculture et l'élevage constituent les principales activités de la population. L'agriculture sous pluie est limitée à la bande sud du pays. Cette portion du territoire accueille plus des 3/4 de la population du pays. Elle se retrouve donc avec des fortes densités de plus de 250 habitants au Km dans certaines régions. L'agriculture vivrière au Niger est soumise aux caprices du climat, à la pauvreté des sols, aux inondations et est souvent exposée aux attaques des criquets pèlerins. Ces dernières années le caractère quasi cyclique des crises alimentaires ont accentué les difficultés des paysans nigériens. Dans ce contexte, les migrations ont été sans conteste le principal moyen de faire face aux crises conjoncturelles (Olivier de Sardan, 2008).

La migration au Niger s'effectue aussi dans un contexte de forte croissance démographique. De 11 millions d'habitants en 2001, la population est estimée à 20 millions en 2020. Cette croissance démographique est soutenue par un taux d'accroissement de 3,9%, l'un des plus élevé du monde. Cela a pour conséquence l'extrême jeunesse de sa population, la moitié de cette population ayant moins de 15 ans. es défis à relever en termes de bouche à nourrir, éduquer, soins de santé et de développement agricole sont ainsi très nombreux. L'agriculture par exemple s'effectue sous des contraintes majeures comme le soulignent ces propos : « La région d'Aguié comporte plusieurs types de systèmes agraires. Mais au-delà de cette diversité, ce qu'il conviendrait de noter c'est surtout la mutation que l'ensemble des systèmes traversent. Ils évoluent dans un contexte marqué par une pression foncière sans précédent, rarement égalée ailleurs au Niger et qui se traduit par l'impossibilité de pratiquer la jachère. Partout l'agriculture fonctionne sur des contraintes majeures, principalement foncières, indépendamment des types de systèmes agraires. Selon les statistiques fournies par les services compétents, la plupart des exploitations ne dépassent guère trois hectares. C'est en réponse à cette situation que les systèmes agraires sont engagés dans un processus de mutation qui les amène à opter pour une double logique de gestion du risque et d'intensification » (Yamba, 2004). Dans bien de cas, manques de terres à cultiver et démographie sont souvent évoquées comme facteurs motivant la migration.

Sur le plan économique, le Niger est un pays pauvre dont une partie du budget de l'État est supportée par l'aide extérieure. Cette situation est aggravée par les difficultés économiques des pays de la sous-région avec lesquels le pays entretient des relations commerciales. En effet,

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selon le Plan de Développement Économique et Social (PDES) 2017-2021- « la récession économique et la dépréciation de la Naira au Nigeria ayant eu un impact négatif sur les échanges du Niger avec ce grand partenaire commercial dans la sous-région » (Ministère du plan, 2017).

Avec un taux de pauvreté de 44,1% et un revenu moyen par habitant de 420 dollars, c'est l'une des nations les plus pauvres du monde. Le Niger est classé dernier (189 sur 189 pays) en 2019 au titre de l'indice de développement humain (0,394) du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD).

Le Niger est dans un environnement de crise sécuritaire. La crise libyenne déclenchée en 2011 et son inscription dans la durée constitue le premier foyer de crises politiques aux frontières Nord. La rébellion armée puis la montée en puissance des groupes terroristes au Mali à partir de 2012 a donné lieu à un deuxième foyer de crise sécuritaire à la frontière ouest du pays le long des régions de Tillabéri et Tahoua.

En 2013, la crise de Boko Haram et ses répercussions au Niger constituent le troisième noyau d'insécurité à l'extrême sud-est sur la frontière avec le Nigeria le long de la région de Diffa.

Dans ce contexte, le pays accueille des populations de réfugiés et demandeurs d'asile sur son territoire depuis 2012. Il s'agit des réfugiés maliens dans les régions de Tillabéri, Tahoua et Niamey. Les réfugiés nigérians sont accueillis dans les régions de Diffa et Maradi.

En lien avec la dégradation du contexte sécuritaire, quatre régions sur les huit que compte le pays enregistrent des personnes déplacées internes. C'est donc un pays qui fait face à des difficultés sécuritaires. Pour y répondre le gouvernement a fait appel à la coopération internationale. Ainsi, le pays abrite des bases militaires françaises, allemandes, américaines, italiennes.

La migration s'effectue dans un contexte de libre circulation. Depuis 1979 la CEDEAO prône la libre circulation des personnes et des biens. L'alinéa 1 de l'article 59 du traité révisé précise que « les citoyens de la Communauté ont le droit d'entrée, de résidence et d'établissement et les États membres s'engagent à reconnaître ces droits aux citoyens de la Communauté conformément aux dispositions des protocoles y afférents ». Cette vision politique a favorisé l'émergence d'un environnement favorable aux mouvements migratoires dans les 15 États membres. Les ressortissants justifiant d'une carte d'identité et d'un carnet de vaccination à jour sont acceptés dans les États membres jusqu'à 90 jours sans visa. Au-delà de cette période, la personne est tenue de se conformer à la législation en vigueur dans l'État où elle se trouve.

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La vision de la CEDEAO sur la libre circulation des personnes et des biens dans l'espace communautaire fait face de plus en plus à des contingences qui plombent la volonté politique affichée. Les enjeux sécuritaires et diplomatiques nés de la chute du régime de Kadhafi militent de plus en plus en faveur du contrôle des frontières.

2.1 Un pays où se superposent plusieurs types de migrations

L'analyse du profil migratoire du Niger révèle une superposition de plusieurs types de migration. Ainsi, on note une circulation des migrants à l'intérieur du pays : migration interne. Le pays émet également des flux de migrants en direction de l'étranger : l'émigration internationale. A l'échelle internationale, le Niger est aussi un espace d'accueil (immigration internationale, mouvement des réfugiés et demandeurs d'asile) et de transit. De plus en plus, en lien avec la dégradation de la situation sécuritaire dans la sous-région, il est enregistré une migration de retour des ressortissants nigériens dans leur pays.

2.1.1 Analyser la migration interne au Niger 2.1.1.1 Prédominance de la migration interne

Au Niger, la migration interne est un phénomène très développé. La figure du migrant est bien connue tant en milieu rural qu'urbain. Il s'agit de ces hommes et femmes qui quittent le milieu rural vers le milieu rural (rural-rural) dans le cadre des migrations de colonisation de terres agricoles, la recherche de l'or ou à cause de l'insécurité. Elle peut aussi prendre la forme d'un déplacement du milieu urbain vers le rural (urbain-rural) ou encore des campagnes vers les villes (rural-urbain). La migration interne s'inscrit dans les temporalités saisonnières et peut aussi être de longue durée, voire même définitive entrainant des changements de résidence des acteurs qui l'animent.

De nos jours, le surpeuplement de certaines zones rurales, la dégradation de l'environnement, les conditions climatiques défavorables, et la pauvreté chronique ont contribué à augmenter l'insécurité alimentaire et la migration. Les jeunes migrants espèrent trouver en ville des compléments au déficit agricole. La migration interne apparait en raison de temporalité souvent courte (3 à 7 mois) des espaces qu'elles concernent (capitales régionales ou du pays) comme l'apprentissage de la migration auquel on initie les jeunes avant l'émigration internationale.

La migration est une stratégie de résilience complètement intégrée dans les revenus des ménages. Les jeunes de 15 à 18 ans commencent la migration sur des courtes distances vers les capitales régionales ou Niamey. Elle commence généralement à la fin des récoltes pour un

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retour au début de la saison des pluies. C'est au cours de cette apprentissage de la migration que les jeunes ruraux apprennent le Bidda (chercher en langue Haoussa) ou le Tcheki (chercher en langue Zarma Sonrai) en ville par la pratique de petits métiers (boys, vendeurs ambulants, conducteurs de taxi moto) comme le soulignent ces propos : « Ici à Ayorou, nous avons beaucoup d'enfants âgés de 10 à 15, qui arrivent à Ayorou chaque année après les récoltes, pour travailler et gagner un peu d'argent. La plupart d'entre eux vendent de l'eau fraiche et ou travaillent en tant que domestiques dans les maisons » (Entretien, Kasso, Ayorou, juillet 2019). En effet, le fait de migrer, dans beaucoup de communautés nigériennes, est un acte de bravoure qui permet aux jeunes de s'émanciper comme le soulignent ces propos :

« La migration concerne toutes les couches de la population avec un cachet particulier chez les jeunes. Ces derniers ont développé tout un mythe autour de la migration et particulièrement pour les destinations vers l'Algérie et la Libye. Les raisons sont économiques mais certains départs laissent comprendre que les effets de mode et les exemples de réussite constituent aussi d'autres causes de la migration. Naitre et grandir à Tchintabaradem est un facteur qui vous prédispose à la migration vers la Libye ou l'Algérie. Les départs vers ces pays n'ont pas de périodes pour les jeunes de Tchintabaradem ». (Entretien Farouk, Tchintabaradem, janvier 2021).

La migration interne au Niger se féminise avec des femmes et des jeunes filles qui viennent en ville à la recherche de leur trousseau de mariage ou de subsistance (Kandagoumni, 2013 ; Seyni ,2019 ; Ide, 2019) dont l'insertion urbaine se passe non sans difficulté. Parmi elles, la figure du tagalakoy, ces femmes qui viennent du Zarmaganda, traduit cette souffrance. En effet, l'image de ces femmes rudes au travail avec leur équipement en balancier constitue de nos jours l'un des aspects saisissants et poignants de la vie en milieu urbain niaméen car les visages malgré tout souriants de ces femmes courageuses dissimulent en fait le drame et les souffrances de tout un peuple que l'on a trop tendance à oublier (Sidikou, 1987).

La migration des jeunes filles et femmes prend de l'ampleur. Elle est motivée par la recherche de trousseau de mariage ou des besoins alimentaires. Leur insertion socio-économique s'effectue dans des conditions d'hébergement très pénibles et la pratique d'activités précaires (vente de sable, de gravier, cueillette et vente de feuille de moringa). Les revenus tirés de ces activités permettent à ces femmes de contribuer aux besoins alimentaires de leur ménage à travers des envois de vivres à ceux qui sont restés au village et des vivres qu'elles rapportent en rentrant, (Mamoudou, 2012, p 60). En milieu urbain, à l'image de Niamey, il est fréquent d'observer au niveau des carrefours des femmes migrantes accompagnées souvent d'enfants s'adonner à la mendicité. La migration féminine c'est aussi celle des femmes bororos en ville pour la vente des produits de la pharmacopée traditionnelle mais aussi pour leurs compétences de tresseuses comme le souligne : « Chez les Peulhs, il concerne les personnes des deux (2)

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sexes et se fait en direction des gros centres et des pays comme le Nigeria, le Benin, le Cameroun, la Côte d'Ivoire, le Burkina Faso et le Mali. » (PDC, Commune urbaine de Tchintabaradem, P23).

Selon les données de l'ENAMI 2011 (INS, 2013) environ 6 Nigériens sur 100 (6,5%) seulement sont des migrants internes. Il apparaît que près de la moitié des migrants internes (44,1%) viennent de la région de Tillabéri (24,7%) et de celle de Dosso (19,4%).

De l'analyse de la migration interne sur la base des données de l'ENAMI 2011, il ressort que Niamey polarise l'essentiel des migrants internes. Elle reçoit principalement les flux en provenance des régions de Tillabéri et Dosso. Cela s'explique par la proximité géographique de ces régions avec Niamey, mais aussi en termes d'opportunité qu'offre la capitale. Notons aussi que les populations de ces régions parlent largement le zarma sonrai comme dialecte. Or, la langue est un puissant levier d'insertion sociale.

La région d'Agadez vient en 2ème position en termes d'accueil de migrants internes. Elle reçoit les migrants des régions de Zinder, Tahoua et Maradi. Cela se justifie par les opportunités économiques et d'emploi qu'offrent les mines et le jardinage dans cette région. Elle est aussi une étape du parcours migratoire menant vers l'Afrique du Nord. Certains migrants y séjournent, exercent quelques petits métiers afin de réunir les ressources nécessaires à la migration au Maghreb.

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"Piètre disciple, qui ne surpasse pas son maitre !"   Léonard de Vinci