8.3.1.3.2 Ouagadougou : fin de course pour les
rapatriés burkinabés
Arrivé à 16h 30 à Ouagadougou l'agent OIM
se retire dans un coin de la gare Rimbo avec les deux Burkinabés qui
sont arrivés à la fin de leur périple : « c'est
toi et le petit-là qui vont descendre ici ? » lance l'agent de
l'OIM chargé de convoyer les migrants. Oui,
répondent-ils. Sur cette réponse, il donne aux deux
Burkinabés retournés volontaires le contact
téléphonique
211
de ses collègues de l'OIM Burkina Faso et le manifeste
du voyage (liste des retournés volontaires et la lettre de l'OIM
Niger).
La consigne est claire, les migrants doivent prendre attache
avec l'agence de leur pays pour récupérer les frais de
subsistance afin de rentrer au village. Mais le problème c'est que les
deux migrants n'ont pas de téléphone. En attendant le lundi, ils
doivent continuer à se prendre en charge et se loger avec les 16 000
FCFA (tableau ci-dessous) perçus à Niamey.
Quelques minutes plus tard, les deux Burkinabè se
retrouvent au portail de la gare. La plus jeune lance à son compatriote
« as-tu trouvé le téléphone ? »,
l'autre répond : « Non pas encore ». Son
aîné était plongé dans une profonde réflexion
sur son retour au village après deux ans d'absence mais fort de ces
convictions religieuses, il lança « Dieu et grand ».
Tableau 11:Frais de subsistance donnés par l'
OIM-Niger aux migrants pour le voyage de retour
Destination
|
Frais de subsistance
(FCFA)
|
Ouagadougou
|
16
|
000
|
Bamako
|
16
|
000
|
Dakar
|
19
|
000
|
Conakry
|
24
|
000
|
Banjul
|
24
|
000
|
Guinée Bissau
|
24
|
000
|
Source : notre étude
8.3.1.3.3 Traverser la frontière entre le
Burkina Faso et le Mali : entre juxtaposition du contrôle, perte de
privilège et tracasseries administratives
Le voyage se poursuit toute la nuit. Arrivé à
Bobo-Dioulasso vers 22h, j'en profite pour échanger quelques mots avec
l'agent OIM sur son travail qu'il résume en quelques mots : «
nous sommes organisés en tour pour les missions de rapatriement. La
mission dure 10 jours pour les convoyeurs. C'est vraiment très fatigant.
Je dois conduire la mission à Dakar faire 1 jour et retourner par voie
terrestre ». Sur ces mots, le chauffeur démarre pour continuer
le voyage toute la nuit jusqu'à la frontière entre le Burkina
Faso et le Mali (Cf. : encadré ci-dessous).
212
Encadré 3: Ttraversée de la frontière
entre le Burkina Faso et le Mali
3h 30, le bus arrive à la brigade territoriale de Ter
Faramana. Les passagers descendent du bus pour rejoindre le poste de la
gendarmerie. De là, l'agent exige deux rangs : un pour les
rapatriés et l'autre pour les passagers. Ce qui fut fait. Un
troisième moins formel se forme entre les deux rangs. Il s'agit de 4
policiers nigérians de la Minusma de retour des congés qui
rejoignent leur poste au Mali. En quelques minutes ils présentent leurs
pièces et sont autorisés à rejoindre le poste de police
situé à 100 m. L'agent OIM fait les démarches
nécessaires pour les candidats au retour volontaire. Il montre le
document de convoyage (lettre et laissez-passer). Néanmoins, ils sont
mis au rang pour passer le contrôle. Le gendarme garde les laissez-passer
et procède à l'appel nominatif des migrants. Chacun répond
à l'appel de son nom pour ensuite recevoir l'autorisation de rejoindre
le poste de police afin de subir un autre contrôle. Ils passent les deux
contrôles sans payer.
Juste après le gendarme ramasse les cartes des autres
passagers pour les remettre à son collègue se trouvant dans le
bureau. Le convoyeur de Rimbo et l'apprenti pénètrent dans le
bureau. Ils échangent quelques mots avec les gendarmes.
Au-dehors, sous la surveillance de deux agents lourdement
armés les passagers doivent attendre l'appel nominatif pour rentrer dans
le bureau et faire les formalités.
Certains ressortent et rejoignent le poste de police pendant
que d'autres reviennent attendre avec le groupe. J'observe sans comprendre
grand-chose. Dix minutes plus tard, le convoyeur sort du poste de gendarmerie
et lança en langue Haoussa « on part vous arranger la route en
prenant la direction du poste de police situé à 150 m
».
20 minutes plus tard, le convoyeur revient au poste de
gendarmerie. L'apprenti lui parle en langue «il faut leur parler sinon
ils vont nous perdre le temps ». Celui-ci lança aux gendarmes
« Chef, on ne peut pas appeler 2-2 ? » Le gendarme
répond « non, non, un à un. Si les gens adhèrent,
ça va aller. Mais si les gens se mettent à parler français
que ça prend du temps. »
Soudain, je suis invité à passer dans le bureau
pour les formalités. J'y pénètre, l'agent regarde ma carte
d'étudiant et me regarde, ensuite il me montra un billet de 2000 FCFA.
Sur le bureau il avait beaucoup de billets. J'ai compris alors qu'il venait de
faire payer les autres passagers. Néanmoins je tente de négocier.
Chef, je suis étudiant, sans ressource. Il me
213
rétorque « Nous même on a
étudié, il faut payer c'est tout ». J'ai payé
les 2000 FCFA et repris ma carte pour rejoindre le poste de police
Pendant, ce temps, les passagers n'ayant pas payé les
2000 FCFA attendent dehors. Parmi eux un Nigérien fonctionnaire
international avec ces deux enfants qui rejoint son poste au Mali. L'apprenti
négocie, les autres passagers acceptent de payer et de rejoindre le
poste de police sauf le fonctionnaire international. L'apprenti intervient mais
les gendarmes restent intraitables. Il autorise l'apprenti à continuer
le voyage sans eux. Il est prêt à rester sur place. Le gendarme
constatant la détermination du fonctionnaire lui remet ainsi qu'à
ses enfants leur carte pour rejoindre les autres passagers au poste de
police.
Source : Carnet de terrain, 7/01/2018
Arrivés au poste de police, les rapatriés et les
policiers de la MINUSMA ont déjà fini les formalités et
ont rejoint le bus. Trois agents armés assurent la garde et deux autres
se tiennent devant le bâtiment. Les cartes sont collectées au fur
et à mesure de la venue des passagers. La police en profite pour
collecter des statistiques sur le sexe et la nationalité des voyageurs.
Ensuite, les passagers sont invités à s'asseoir sur un banc. Les
cartes sont subséquemment ramenées dans le bureau. À
l'appel de son nom, le passager doit rentrer régler son cas. Le
convoyeur était encore là pour faciliter le passage à la
frontière. À l'intérieur trois agents de police.
Derrière un bureau, chaque passager doit payer 2000 FCFA.
À l'appel, je me présente. L'agent fixe ma carte
et me regarde une nouvelle fois avant de dire monsieur 2000 FCFA. Je
négocie : « chef je suis un étudiant ». Le convoyeur du
bus lance « chef, c'est un étudiant », l'agent répond
« nous même on a étudié » (extrait de carnet de
terrain) L'agent me regarde à nouveau et me demande de payer 1000 FCFA.
Je m'exécute, et je rejoins le bus où migrants OIM, militaires
Minusma et autres passagers nous attendent. Notons qu'au poste de police le
convoyeur se fâche contre un passager qui parle mal au policier pendant
que lui tente d'arranger la situation entre eux. Déçu par le
comportement de ce passager, il se dit néanmoins déterminé
à faire son travail qui consiste à faciliter le voyage aux
passagers. Il négocie avec le passager en question pour qu'il paye la
somme exigée pour passer la frontière.
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Pendant ce temps le convoyeur retourne à la gendarmerie
pour négocier le passage des autres passagers qui n'ont pas payé.
Il fait de même à la police. Dans tout le groupe seul le
fonctionnaire international et ses enfants n'ont pas payé « les
faux frais ».
Les fonctionnaires et les étudiants ont donc perdu tous
les privilèges auparavant acquis tout au long du voyage en termes de
facilitation de mobilité.
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