Conclusion partielle
L'étude a permis de mettre en exergue le profil des
migrants. Il ressort que ce sont des jeunes, célibataires, instruits de
l'enseignement général en majorité originaires de
l'Afrique de l'Ouest et centrale. Certains veulent aller travailler en Afrique
du Nord tandis qu'une autre partie envisage l'Europe. Ces personnes en
mobilité se trouvent, malgré elles, en attente à cause des
tracasseries routières avec pour corollaire les faux frais à
payer, l'attente des fonds additionnels, l'absence de documents
d'identité mais surtout la lutte contre la migration
irrégulière. L'attente se manifeste par un allongement du temps
de séjour à Agadez, la vulnérabilité
financière et des
199
conditions de vie précaires. Les lieux d'attente sont
les ghettos, les gares et le centre de transit de l'OIM.
200
Chapitre 8 : Niamey-Dakar : voyage avec les
rapatriés de l'Organisation Internationale pour les
Migrations
Installée au Niger depuis 2006, l'Organisation
internationale pour les migrations a ouvert des centres de transit dans la
région d'Agadez dans la foulée de la crise libyenne (2010-2011)
pour mettre en place un programme de « retour volontaire assisté
(RVA) ». Durant cette période, les bénéficiaires
étaient essentiellement des Nigériens et ressortissants de pays
tiers de retour de la Libye et de l'Algérie.
Au fil des années, avec la persistance de la crise
libyenne et la politique d'externalisation des frontières
européennes au Sahel, l'OIM a développé une
véritable « industrie du rapatriement » à partir du
Niger comme l'indique le tableau ci-dessous.
Tableau 8:Migrants ayant bénéficié
d'un RVA du Niger vers le pays d'origine
Année
|
Nombre de personnes
|
2016
|
4
|
788
|
2017
|
6
|
461
|
2018
|
14 977
|
2019
|
16 378
|
2020
|
9
|
068
|
2021
|
2
|
484
|
|
Source : OIM
En effet en 2016, l'agence affirme avoir rapatrié 4
788 personnes, ce chiffre grimpant en 2017 à 6 461 pour atteindre 14 977
en 2018. En 2019, il est à 16 378 personnes et 9068 en 2020. De janvier
à mai 2021, le tableau révèle 2 484 migrants ayant
bénéficié du retour volontaire assisté.
L'évolution fulgurante du nombre de rapatriés témoigne de
l'ampleur de cette industrie qui comprend l'accueil, l'hébergement, la
restauration des migrants à travers ces centres de transit (Arlit,
Dirkou, Agadez et Niamey). Selon l'OIM, l'aide au retour volontaire et à
la réintégration est un « soutien administratif, logistique
et financier, y compris à des fins de réintégration,
apporté à des migrants qui ne peuvent ou veulent rester dans le
pays hôte ou le pays de transit et qui décident de retourner dans
leur pays d'origine ». En fait, depuis le sommet de La Valette
201
en 2015 et la mise en place d'un fond fiduciaire d'urgence
pour l'Afrique, l'OIM s'est positionnée comme un pilier fondamental dans
la gestion des flux migratoires au Niger. Ainsi, l'État du Niger bloque
la migration vers l'Afrique du Nord et l'OIM se charge de recueillir et
rapatrier les migrants non nigériens vers leur pays d'origine. Depuis
lors, on note une diversification du profil des bénéficiaires.
Aux retournés de la Libye s'ajoutent les expulsés de
l'Algérie auxquels s'adjoignent des migrants coincés dans la
région d'Agadez du fait des politiques restrictives. On note
également des migrants abandonnés dans le Sahara qui sont
récupérés dans le cadre de la mise en place du projet
« Migrants Rescue and Assistance in Agadez Region (MIRAA) », A cela
s'ajoute des migrants (2208 personnes entre le 6 juin 2016 et le 27 septembre
2017) mis à la disposition de l'OIM par la police aux fins de
rapatriement dans le cadre de la lutte contre la migration dite
irrégulière. À ce groupe, on adjoint les personnes
enrôlées lors des initiatives de mobilisation communautaire de
l'OIM pour décourager la migration vers l'Afrique du Nord et faire la
promotion du retour dit volontaire dans le cadre du projet « Migrant
Resource and Response Mechanism (MRRM) ».
L'industrie du rapatriement développée par
l'OIM au Niger à partir d'Agadez comprend l'accueil, le profilage,
l'hébergement, la restauration, la prise en charge sanitaire,
psychologique, la liaison avec les consulats et ambassades pour assurer
l'accès à des documents de voyage. À cela s'ajoute la
mobilisation de compagnies de transport terrestres et aériennes, d'un
personnel, et des agences à l'extérieur du Niger.
Le présent chapitre rend compte du dispositif
d'assistance au retour volontaire mis en place par l'OIM à partir de la
région d'Agadez. Il met en relief, l'itinéraire d'un groupe de
migrants ouest-africains rapatriés par l'OIM de Niamey à Dakar
que nous avons suivi à partir du 6 janvier 2018. Dans le
développement qui suivra, il sera question du profil des
rapatriés, des motivations du retour, et des différentes
étapes du parcours.
8.1 Des rapatriés aux profils divers
Dans cette partie, il sera question d'analyser le profil des
migrants rapatriés par l'OIM dont l'itinéraire de Niamey à
Dakar (Sénégal) a été étudié. Il
s'agit de 29 rapatriés répartis comme l'indique le tableau
ci-dessous.
202
Tableau 9:Répartition des rapatriés en
fonction des pays
Pays d'origine des rapatries
|
Nombre de migrants
|
Burkina Faso
|
2
|
Mali
|
5
|
Guinée (Conakry)
|
1
|
Guinée Bissau
|
2
|
Sénégal
|
16
|
Gambie
|
3
|
Total
|
29
|
|
Source : notre étude.
L'analyse du tableau montre que les Sénégalais
sont les plus nombreux (16) suivi par le Maliens (5). A l'inverse la
Guinée Conakry est la moins représentée avec une seule
personne. Ces rapatriés, nous les avons rencontrés lors de la
deuxième étape de leur itinéraire dans une gare
privée de Niamey. En effet, la première étape du
rapatriement a commencé avec la prise en charge par l'OIM lorsqu'ils
s'inscrivent dans le processus de retour dit volontaire dans leur pays.
Arrivés à Niamey le jeudi 4 janvier 2018 en provenance d'Agadez,
les rapatriés ont passé les journées du vendredi et du
samedi au centre OIM avant d'être emmenés à la gare Rimbo
le samedi 6 janvier en début de soirée. C'est là que nous
les avons trouvés le samedi vers 22h.
Dans le dortoir de la gare privée, les candidats au
retour volontaire sont facilement identifiables. Ils occupent le dortoir en
fonction de la nationalité et du partage de langue. Ainsi, à
l'entrée à gauche se trouvent les Sénégalais. Les
plus nombreux du groupe, ils marquent leur présence dans le dortoir par
un long alignement avec leurs bagages autour d'eux. Plus à droite se
trouvent les Gambiens. Moins nombreux, ils échangent entre eux mais
aussi avec certains Sénégalais en langue peule. Un peu devant les
deux Bissau Guinéens occupent leur matelas et échangent quelques
mots. Un peu plus dans l'angle se côtoient les 5 Maliens et les 2
Burkinabè. Dans tous les groupes, les discussions portent sur la Libye,
Agadez, le centre OIM et le retour au pays. Un peu isolé, le seul
Guinéen de Conakry se distingue par sa solitude. Je m'installe à
côté de lui, à ma gauche, un migrant ghanéen de
retour de la Libye en voie de rapatriement dans son pays d'origine. Deux
profils de rapatriés se dégagent.
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