Bâti sur un espace de plus de 6 ha, le centre de
transit de l'OIM à Agadez est devenu un passage obligé pour de
nombreux migrants africains. Ces personnes pour la plupart rejoignaient la
ville dans l'intention de continuer en Afrique du Nord. En ce printemps 2017,
les entretiens avec 30 migrants au centre de transit de l'OIM montrent que pour
l'essentiel ils n'ont pas de bonnes informations sur le contexte migratoire de
la région marqué par une répression de la migration dite
irrégulière. Cela s'explique en partie par le fait que les
informations qu'ils possèdent proviennent de leurs compatriotes et amis
qui ont réussi la traversée et se retrouvent au Maghreb ou en
Europe. Leurs informations ne sont donc plus d'actualité compte tenu de
l'application récente de la loi à partir de septembre 2016. Ce
n'est qu'une fois à Agadez qu'ils découvrent la
réalité comme l'illustrent les propos d'Abdallah, migrant
sénégalais : « je vais retourner parce que les
informations que j'ai reçues des gens qui sont revenus de la Libye ou de
l'Algérie ne sont pas bonnes. Parce que d'après eux ; tu payes
ton argent, arrivé à la Libye, on t'enferme, on te frappe. Et
puis encore en Libye, comme il n'y a pas de président, il n'y a pas de
loi, c'est le désordre total. C'est arrivé ici que j'ai su qu'il
n'y a pas de président en Libye. »
A partir d'août et septembre 2016, les forces de
défense et de sécurité, la justice, la chefferie
traditionnelle, les autorités locales se sont engagées de
manière coordonnée en vue de combattre le transport dit
irrégulier de migrants vers l'Afrique du Nord en application de la loi
2015-36.
Photo 25 : Dormir une façon d'attendre dans le centre
OIM Agadez Crédit Photo : B Ayouba Tinni, Agadez, mai 2016
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Dans cette dynamique, des acteurs se sont vus
confisqués leurs véhicules et d'autres mis sous mandat de
dépôt.
Dans ce contexte marqué par la répression
de la migration en direction de l'Afrique du Nord l'Organisation Internationale
pour les Migrations met en oeuvre avec l'appui de l'UE, un projet de «
retour volontaire assisté » des migrants. Elle dispose d'un centre
de transit d'une capacité de plus de 1000 places. Ce centre constitue
l'un des espaces d'attente des migrants à Agadez. En l'absence de
perspective, les migrants se tournent vers l'OIM pour s'inscrire sur la liste
des candidats au retour volontaire assisté (RVA). Le RVA est un
mécanisme « visant à faire partir les demandeurs d'asile
déboutés et les immigrés clandestins en les faisant
retourner dans leurs pays d'origine. Ce type d'initiatives, qui a
débuté en Allemagne en 1970, a été largement
développé (en nombre et en portée) par l'OIM au fil des
années. En 2004, l'organisation a mené vingt programmes de RVA,
poussant ainsi au départ des migrants dans dix-huit pays
européens. » (AndRijAsevic, Walters). C'est donc cette expertise
d'isolement et d'éloignements des migrants loin des frontières
européennes que l'OIM met en oeuvre au Niger avec le soutien financier
de l'Europe. L'analyse du profil des occupants du centre indique la
présence de migrants ayant tenté la traversée du Sahara.
Abandonnés en plein voyage par les passeurs à la suite de panne
mécanique ou de la rencontre avec la patrouille des FDS, ils sont par la
suite convoyés à Agadez où ils doivent choisir entre le
« retour volontaire » de l'OIM ou l'auto-prise en charge. Les
informations reçues des migrants de retour de la Libye dissuadent
également certains d'y aller comme l'indiquent ces propos de Claude,
Camerounais : « Les migrants qui vont vers la Libye disent qu'aller
là-bas c'est se sacrifier la vie car c'est mourir dans le désert
ou se faire emprisonner. Ils disent qu'arriver en Libye, même si on pense
que ça va, le chauffeur qui vous a amenés, est attrapé,
tapé, emprisonné et taxé par des bandits. Après
t'avoir bastonné, on te remet le téléphone pour que tu
appelles ton parent. Ils vont te dire la somme que tu vas lui dire d'envoyer
sinon tu vas mourir en prison. Beaucoup de gens ont vécu cette
situation. ».
Le second groupe qu'on retrouve à l'OIM c'est celui
des migrants internationaux refoulés d'Algérie. Ils sont de deux
types : les « refoulés piétons » et les «
refoulés officiels ». Les premiers arrivent à pied à
Assamaka généralement le vendredi et sont automatiquement pris en
charge par l'OIM qui a fait construire un hangar à Assamaka pour la
circonstance. Elle met également à la disposition des «
piétons » des véhicules pour les amener à Arlit dans
son centre de transit pour les mettre dans le circuit du retour volontaire.
C'est d'Arlit qu'ils rejoignent ensuite le centre d'Agadez.
Les retournés officiels eux sont transportés
d'Algérie jusqu'à Agadez par des véhicules
algériens. Les non Nigériens sont triés pour être
mis dans le circuit du retour dit volontaire et rejoignent le centre OIM
d'Agadez. Parmi eux on note des migrants de retour de la Libye ou de
l'Algérie qui faute de moyens s'inscrivent dans ce programme.