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Externalisation des politiques migratoires européennes au Niger: reconfigurations des lieux et des trajectoires des migrants


par Bachirou AYOUBA TINNI
Université Abdou Moumouni de Niamey - These de Doctorat  2021
  

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7.3.3 Les conditions de vie précaires : une autre dimension du blocage

Par rapport aux conditions de vie à Agadez, 42 % des répondants estiment qu'elles sont difficiles. Ce groupe est largement constitué de migrants ouest-africains en partance ou de retour de l'Afrique du Nord rencontrés dans les gares, les ghettos, à la douane ou encore au centre de transit de l'OIM. Ils jugent la vie à Agadez difficile pour des raisons diverses : hébergement précaire, nourriture inadaptée et de mauvaise qualité, promiscuité dans les ghettos, vie dans la clandestinité, absence de ressources et d'activités et surtout le mirage qu'est devenu le voyage vers l'Afrique du Nord. Plus les migrants s'approchent, plus la destination s'éloigne. Ces difficultés ressortent à travers les propos d'Achille, ressortissant libérien : c'est « très difficile, on ne sort pas de la maison de peur d'être raflé par la police, on a des difficultés pour assurer la nourriture, on mange une fois par jour, on se lave une fois chaque 3 jours, on est victime de vol, on a peur d'être rapatrié, économiquement dur tout est à payer » (Entretien Achille, migrant Libérien, Agadez, Février 2018).

Ces difficultés sont à mettre au compte des politiques restrictives de mobilité dont la mise à oeuvre se fait à Agadez. Dans ce cadre, la police opère des descentes dans les ghettos. Ainsi, les migrants sont mis en garde à vue au commissariat avant de se voir proposer le retour volontaire assisté. Dans l'échantillon, 16 % indiquent qu'ils se « débrouillent ». À ce niveau l'expression « se débrouiller » révèle qu'ils ne sont pas contents, mais qu'ils acceptent cependant leurs conditions de vie.

7.4 Les lieux d'attente

7.4.1 Attendre dans les ghettos

Les migrants qui jadis bénéficiaient des conditions de séjour plus au moins légales se retrouvent dans la clandestinité. Les ghettos, leurs espaces d'accueil classiques sont déclarés illégaux par la loi. Les propriétaires sont traqués et mis à la disposition de la justice. Dans ce climat, les ghettos se ferment en lien avec les arrestations ou la peur des propriétaires d'être arrêtés. Ceux qui continuent d'exercer cette activité sont contraints de changer de stratégie. Ils déménagent du centre-ville vers la périphérie moins animée où ils peuvent travailler dans la discrétion. Dans

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ce cas, ce sont en général des maisons sans voisinage qui sont choisies ou des chantiers inachevés. Certains passeurs hébergent les migrants dans les familles avec obligation d'être discrets car cela permet de brouiller les pistes pour la police.

Photo 24: Des migrants en attente dans un ghetto

Crédit Photo : B Ayouba Tinni, Agadez, mai 2016

Quelle que soit la variante, notons que l'application de la loi 2015-36 a rendu les conditions de séjour et de transport des migrants vers l'Afrique du Nord très précaires. En effet, leur séjour à Agadez se fait dans la clandestinité pour échapper à la police. Ils sont donc contraints de vivre des jours et des jours dans des maisons fermées. Leur liberté de mouvement se trouvent violées. Seul le plus ancien résident du ghetto ou le responsable lui-même peuvent entrer et sortir. Ils collectent les achats des pensionnaires et les exécutent une fois en ville. En interne, ils organisent la restauration quotidienne. Là aussi, les trois repas ne sont pas assurés. Les migrants doivent se contenter d'un repas le soir et manger le reste le lendemain comme petit déjeuner, en cas de reste. Or, avant la répression en cours, la liberté de mouvements des migrants leur permettait d'aller au marché faire leurs propres achats, dans les banques pour retirer de l'argent transféré, de travailler sur les chantiers pour se faire une nouvelle santé financière sans être suivis par la police, ce qui réduisait considérablement leur vulnérabilité économique, sanitaire et sécuritaire.

L'enfermement dans les ghettos réduit les offres de transport vers l'Afrique du Nord, ils n'ont plus la possibilité de choisir leur transporteur en fonction de sa fiabilité et de son coût. Un transporteur leur est imposé car ils sont enfermés dans les ghettos avec peu de contact avec le monde extérieur. Ils ne peuvent donc pas mettre à profit leurs réseaux ou celui de leurs colocataires pour choisir un bon transporteur et négocier le prix. De surcroit, la répression a fait

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grimper le montant à payer d'Agadez à AlGatroun de 100 000 FCFA à 300 000 FCFA voire plus entre août 2016 et décembre 2017.

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"Piètre disciple, qui ne surpasse pas son maitre !"   Léonard de Vinci