L'analyse des conditions de voyage relève que deux
tiers des migrants voyage seul contre un tiers en groupe. La décision de
partir en migration s'inscrit dans une dynamique communautaire car 22,9 % des
migrants voyagent en général avec des compatriotes ou avec des
amis (21 %), et marginalement avec des frères (5 %). Le voyage avec un
ami ou des compatriotes s'explique par le fait qu'en général,
pour emprunter la route migratoire, il faut aller avec ceux qui connaissent la
route, ou en groupe pour minimiser les risques. Le taux faible de voyage avec
les frères indique une dynamique de gestion de la main-d'oeuvre
familiale à travers le risque de départ de tous les bras valides.
Il faut donc que certains membres de la famille restent pour les travaux
champêtres tandis que d'autres partent chercher les compléments
qui pourraient résulter de la campagne agricole. Cette pratique permet
de gérer le risque comme le soulignent Boyer et Mounkaila : «
la migration apporte les ressources que ne peut plus fournir l'agriculture,
permettant justement de pérenniser les systèmes locaux. Le risque
est géré par le maintien de cet équilibre
économique et social entre agriculture et migration. » (Boyer
et Mounkaila, 2013).
En général, durant tout le voyage vers le
Niger, les migrants ne font pas de connaissances. Seule, une faible proportion
(28 %) indique qu'ils ont fait des connaissances. Ces chiffres restent un peu
élevés lors du voyage à travers le Niger où une
proportion de 35 % des répondants
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affirme avoir fait des connaissances. Cette différence
s'explique par le fait que lors du voyage vers le Niger les migrants font plus
d'escale ou de transit. Financièrement autonomes, ils voyagent en
fonction de la disponibilité des bus et n'ont pas besoin de nouer des
relations pour chercher de l'aide. Or, les migrants commencent à perdre
cette autonomie financière au Niger, car fatigués par le
coût du voyage et les faux frais à payer aux forces de
contrôle. Ils se retrouvent dans certains cas contraints d'attendre
quelques jours à Niamey en attendant un hypothétique envoi. Ce
temps d'attente est une occasion de nouer des relations pour pouvoir vivre ou
même se faire transporter à Agadez.
C'est à Agadez que le transit est très long.
Financièrement très faibles, les migrants doivent faire face aux
politiques restrictives sur la migration vers l'Afrique du Nord. Ils sont
contraints donc de vivre discrètement dans les ghettos en attendant le
voyage vers le Maghreb et éventuellement l'Europe. Pendant cette
période d'attente, ils font des connaissances et lient des
amitiés.
Les points d'entrée des migrants au Niger sont
largement tributaire de la nationalité. En effet, Ivoriens,
Sénégalais, Gambiens, Guinéens passent par la
frontière du Burkina Faso via Téra et Makalondi alors que
Nigérians et Camerounais passent par Maimougia. 81 % des migrants sont
rentrés au Niger par le bus de transport. Une faible proportion indique
être rentrée au Niger avec les motos pour échapper aux
contrôles des pièces notamment à Makalondi frontière
avec le Burkina Faso.
S'agissant du choix du Niger comme couloir de passage, 60 %
des répondants le motivent par le fait que le pays est situé sur
la route de la Libye ou encore c'est la seule route terrestre qu'ils
connaissent pendant que certains disent qu'ils ont été
conseillés à suivre cette voie.
Cependant, 10,4 % soulignent qu'ils n'ont pas les moyens de
prendre l'avion tandis que d'autres expliquent qu'ils se sont vu refuser le
visa.
En général, les migrants voyagent avec leurs
documents de voyage. Ainsi, 78 % affirment en détenir contre 21 % le
contraire. Les documents de voyage les plus présents chez les
répondants sont la carte d'identité 57,14 %, et marginalement le
passeport. Ce sont surtout les migrants de retour de la Libye ayant perdu tout
dans ce pays qui dominent dans la catégorie des sans-papiers.