S'agissant des destinations finales, la moitié des
répondants veulent aller en Europe à travers la
Méditerranée. Ainsi, 31,4 % ont choisi l'Italie, 8,6 % la France
et moins de 5 % l'Allemagne. En fait, l'Italie est la porte d'entrée en
Europe pour ceux qui y accèdent via les côtes libyennes. Ces
candidats à l'immigration vers l'Europe, proviennent largement du milieu
urbain, des pôles économiques comme le Nigéria, le Cameroun
et la Côte d'Ivoire. Ils sont jeunes et instruits, leur rêve est
d'aller en Europe. Certains ont des contacts le long de la route migratoire
liant le
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Niger, l'Algérie, la Libye et même l'Europe.
Selon Timéra, « le choix de la destination est rarement le fait du
hasard ou de la subjectivité. Il répond à des
considérations de contexte : l'existence de filières familiales
déjà constituées et la disponibilité de «
points de chute ». Ainsi, on part souvent pour rejoindre quelqu'un de la
famille déjà installé. On peut partir parce que
fonctionnent des stratégies migratoires familiales qui font que le
premier arrivé permet à ceux qui le suivent (fils, frères,
cousins) de « passer ». La présence dans presque tous les cas
d'un membre de la famille (père, oncle, frère, cousin) dans le
lieu d'immigration choisi le confirme. » (Timera, 2001).
À l'inverse, la Libye et l'Algérie sont
mentionnées par la moitié des répondants comme destination
finale. Il s'agit des Sénégalais et Gambiens qui n'ont pas les
moyens pour financer un long voyage en Europe. Leurs objectifs sont de
travailler en Afrique du Nord, d'avoir des ressources pour aider leur parent,
de constituer un capital puis retourner au pays et monter une activité
génératrice de revenus dans certains cas pour ne pas revenir en
migration comme le souligne Monsieur I : « j'ai quitté mon pays
pour des raisons économiques. La plupart de ces gens qui quittent leur
pays c'est pour aller au Maghreb soit pour aller en Europe. Moi, j'ai
quitté mon pays pour venir travailler et gagner de l'argent puis
retourner dans mon pays et continuer mes études parce que ma famille est
pauvre. Dans ma famille je suis le seul qui a étudié. Mon
père est décédé, ma mère est vieille, mon
grand-père n'a pas fréquenté, il ne sait pas lire. Mon cas
est particulier, je suis Sénégalais, j'ai étudié au
Sénégal mais toute ma famille vit en Guinée Bissau et elle
ne comprend rien concernant les études. J'ai étudié
jusqu'au niveau Master. J'ai entendu des gens dire que là-bas on peut
gagner de l'argent dans peu de temps et revenir ». (Entretien,
Ismael, Agadez, 11 février 2018).
La possibilité de trouver du travail est
soulignée par 42,9 % des personnes interrogées pour choisir la
destination, contre 13,3 % en vue de l'opportunité de trouver un club de
football, alors que 19 % le motivent pour gagner plus d'argent.
Ces chiffres de manière relative
révèlent à quel point l'eldorado européen persiste
auprès des jeunes africains. La réussite du voisin, ou du cousin
ayant construit une villa ou un immeuble constitue des facteurs
déclencheurs du départ « L'ambition personnelle est un
moteur puissant qui conduit sur les routes nombre de jeunes africains et pas
seulement les plus audacieux. (Bredeloup, 2008)
C'est donc un schéma où la réussite des
uns déclenche le départ des autres. En outre, de nos jours,
l'immense profit que génère l'industrie du football pousse les
jeunes africains à vouloir
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aller en Europe à la recherche d'un club. Du
Libéria à la Côte d'Ivoire en passant par le
Sénégal, le Cameroun, le Nigéria et le Togo, le mythe de
devenir le prochain Georges Weah, Etoo fils, Drogba ou Adebayor, Mohamed
Sallah, Sadio Mané persiste toujours dans les facteurs motivant le
départ.
Ce contexte est renforcé par la puissance des
réseaux sociaux qui ont considérablement réduit la
distance. Le camarade ou l'ami qui quitte le village peut se retrouver en un
mois en Europe. Il n'hésite pas à envoyer ses photos et partager
le chemin emprunté avec ses amis restés au pays. Il va
jusqu'à donner les contacts des passeurs qui lui ont facilité le
voyage à chaque étape de sa mobilité. L'exemple
réussi de traversée pousse toujours les amis à vouloir
tenter leur chance. Comme le souligne la chargée de protection du centre
de transit OIM Agadez « Le départ pour les jeunes africains est
un défi qu'ils se lancent entre eux, un appel d'air entre mineurs
à travers le téléphone et les réseaux sociaux.
Chercher des conditions de vie meilleure et améliorer leur pouvoir
d'achat telles sont les motivations ». (Entretien, centre OIM Agadez,
février 2017).