Dans le contexte économique peu propice à
l'offre d'emploi, plusieurs évènements vont d'une manière
ou d'une autre affecter la vie économique et sociale de la région
d'Agadez. Il s'agit de la chute du régime de Kadhafi et de la
montée en puissance des politiques migratoires restrictives. En rappel,
depuis 1970 la Libye constituait une destination pour les migrants
nigériens en particulier ceux d'Agadez. La région dépend
des produits alimentaires et manufacturés en provenance de ce pays mais
aussi des transferts d'argent, des ressources générées par
la migration. La chute de Kadhafi plonge la Jamahiriya dans un chaos politique,
économique, social dont les répercussions se ressentent chez les
voisins du sud qui désormais doivent payer plus cher les produits venant
de la Libye. Or, à Agadez, le chômage né des vagues de
licenciement dans les sociétés minières a impacté
le pouvoir d'achat des ménages et la fermeture des sites
d'orpaillage.
Quant à l'Algérie, le contexte est
marqué par la montée de la xénophobie mais aussi la
restriction des migrations qui se traduit par des refoulements et expulsions de
migrants subsahariens majoritairement des Nigériens. Une fois de plus,
la région d'Agadez est privée d'une partie de sa rente de
situation géographique.
Dans ce contexte, deux évènements majeurs
redonnent espoir à la région d'Agadez. Il s'agit de la
découverte de l'or dans le Djado et de l'essor de la migration de
transit. En effet, au cours de l'année 2012-13 des caravaniers,
découvrent de l'or au Djado aux confins de l'extrême Nord du pays.
Très vite une population à la fois locale, nationale et
internationale se rue vers le site. En l'espace de quelques mois, un
véritable business de l'or s'installe dans la région avec des
réseaux qui dépassent les frontières du Niger. Les jeunes
toubous, touaregs et haoussa et même arabes profitent des revenus
générés par l'exploitation de l'or pour se procurer des
véhicules Hilux en provenance de la Libye à la suite de la chute
de Kadhafi. Ces véhicules vont remplacer
170
les dix-roues jadis utilisés pour relier Agadez
à la Libye. Fort de la connaissance du désert les jeunes Toubous
proposent leur service de transport aux centaines de migrants qui
débarquent chaque semaine dans la région d'Agadez en vue de se
rendre sur l'autre rive du Sahara et éventuellement de continuer en
Europe. Le rapport de la table-ronde sur les migrations estime à plus de
300 millions les revenus de la migration dans la ville d'Agadez et, des
communes comme Dirkou en dépendent largement. C'est dans ce contexte de
dépendance vis-à-vis de l'or et de la migration que l'État
du Niger a fermé le site aurifère du Djado par un décret
présidentiel le 28 février 2017. Les populations se retrouvent
ainsi privées d'une source de revenus devenue par la force des choses
l'une des mamelles de l'économie locale. Les jeunes
désemparés se concentrent alors sur le transport des migrants.
Là aussi l'État récidive avec l'adoption de la loi 2015-36
et sa mise en application en 2016. La frustration commence à prendre
forme à travers les jeunes qui se tournent vers les élus
locaux.
Ce contexte est aussi marqué par l'installation des
bases militaires américaines et françaises par l'ouverture du
bureau Eucap Sahel à Agadez, mais aussi par la présence de l'OIM
à Agadez avec son projet de retour volontaire assisté donnant
plus de place à la migration de retour. En mai 2017, le HCR ouvre aussi
un bureau pour offrir la protection internationale aux personnes se trouvant
dans les flux migratoires.
Les licenciements d'une partie du personnel des mines
d'uranium, l'installation des bases militaires, la fermeture du site
aurifère de Djado et la criminalisation de la migration de transit
constituent des sources de mécontentement de la population locale.
Par-delà, les activités du HCR et de l'OIM orientées vers
les migrants et les réfugiés au détriment de la population
hôte cristallisent l'attention des couches populaires. Elles ouvrent une
ère de tension et de contestation entre populations.
Dans l'analyse de la gestion actuelle de la migration au
Niger quatre facteurs indirects peuvent être mis en avant pour expliquer
les tensions en cours dans cette région : il s'agit de : l'application
de la loi 2015-36, le séjour prolongé des expulsés
d'Algérie à Agadez et des demandeurs d'asile et le faible
financement du développement.