Le fait majeur que l'on peut souligner en lien avec les
impacts des politiques d'externalisation à Agadez est la baisse des flux
migratoires transitant par cette région. En effet, selon l'OIM en 2016
le nombre de migrants entrés dans la région était de 111
230 personnes. Ce nombre correspond au pic des flux entrants. Il chute en 2017
à 99 455 pour tomber à 18 093 personnes au premier semestre de
l'année 2018. Ces chiffres ne sont pas exempts de critique quand on
sait
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que depuis l'application de la loi 2015-36 la tendance des
migrants, des passeurs est à la clandestinisation. Cela se
reflète par l'usage des routes alternatives qui évitent les voies
officielles où opèrent les agents de monitoring de l'OIM ou les
agents de contrôle de l'État.
Les manifestations de la baisse des flux migratoires
s'apprécient selon les acteurs. Pour les transporteurs la baisse de la
demande de transport reflète simplement la baisse des flux migratoires
comme le souligne Zoumari
« Au niveau de la ligne Agadez-Dirkou le flux de
passagers a diminué, car dans 100% des passagers auparavant, c'est
seulement 10% qui voyagent aujourd'hui. Les raisons sont surtout l'arrêt
de la migration par le gouvernement. Avant l'arrêt de la migration on
peut charger deux (2) à trois (3) camions 32 par convoi, alors
qu'aujourd'hui c'est à peine qu'on charge un (1) à deux (2)
véhicules (voitures Hilux) » (Entretien Zoumari, Agadez,
22/02/2018).
Cette même lecture se retrouve également chez
certains facilitateurs de la chaine de transport vers l'Afrique du Nord. Ainsi,
pour le coxer Abdou d'une des gares informelles d'Agadez :
« De 2010 à aujourd'hui, le flux des
passagers a diminué de manière considérable pour ne pas
dire qu'il n'existe même pas (le transport), car sur 100% des passagers
au début c'est à peine 2% qui voyagent aujourd'hui. Au
début on peut faire sortir 20 à 22 véhicules par convoi
avec 25 personnes à bord de chaque véhicule, à peu
près 500 personnes et sur chaque personne le coxeur gagne 1000Fcfa soit
500 000FCFA par convoi. Aujourd'hui, à peine on fait sortir 10
véhicules. » (Entretien Abdou, coxer, Agadez, 26-02-2018).
Les gares de transport modernes opérant à Agadez
ne sont pas épargnées :
« Avant on faisait charger trois (3) à quatre
(4) bus, mais maintenant c'est à peine qu'on charge un bus. Il arrive
des fois qu'on enregistre sept (7) personnes pour la destination Niamey-Agadez.
Les raisons sont : les migrants ne viennent plus, le mauvais état de la
route et la fermeture du site aurifère de Djado. Actuellement la
clientèle manque. Les passagers transportés sont les nationaux.
Il y a plus des passagers pendant les vacances ». (Entretien, Chef
d'agence SONEF Agadez, 20-02-2018).
Les acteurs soulignent l'application de la loi 2015-36 comme
mobile de la baisse des flux. Pour l'officier en charge des questions
migrations à la DRPN d'Agadez.
« Les raisons de cette baisse des flux sont
multiples : Il y a l'application de la loi 36-2015, l'arrestation des plusieurs
passeurs, l'immobilisation de plusieurs véhicules de passeurs (113
véhicules), les embarquements clandestins dans les ghettos et
périphéries de la ville d'Agadez et les embarquements dans la
brousse loin de la ville sur la route de Zinder (à 100 km avant
d'arriver à Agadez) » (Entretien officier, Agadez, le
19-02-2018).
D'aucuns estiment que cette baisse du nombre de passagers est
liée à l'ouverture de plusieurs compagnies de voyage
privées. Pour Bâ, migrant guinéen, hébergeur de
migrants vivant à Agadez, la baisse des flux est une évidence
« Le nombre des migrants a diminué durant les dernières
années surtout avec l'application de la loi de 2015 avec la fermeture de
la route, il y a des problèmes en Libye. Dans les dernières
années, il y a eu plusieurs nationalités qui ont
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passé par ce ghetto, dont entre autres : des
Gambiens, Maliens, Béninois, Ivoiriens, Ghanéens, etc. »
(Entretien Bâ, migrant, Agadez 17-07-2018).